Tchad: début du procès de 401 personnes arrêtées lors des manifestations du 20 octobre

 

Le procès de quelque 401 manifestants arrêtés lors des manifestations violemment réprimées du 20 octobre débute ce mardi. Les audiences ont lieu à la prison de haute sécurité de Koro-Toro. 

C'est un mégaprocès par la taille et l'enjeu, estime Me Daïnomé Frédéric, président du Collectif de la défense des personnes arrêtées à la suite des événements du 20 octobre. Il évoque un procès « historique ». Organisé dans le cadre d'une procédure de flagrance, il se déroule néanmoins sans les avocats de la défense, qui ont décidé de boycotter une procédure qualifiée de « parodie de justice » par le barreau tchadien.

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Sur les 620 personnes que le gouvernement tchadien reconnaît avoir « transféré » à Koro Toro (voir encadré), 401 se trouvent donc aujourd'hui sur le banc des accusés. Tous comparaissent notamment pour « attroupement non autorisé, destruction des biens, incendie volontaire ou encore voies de fait ». Des charges passibles d'une peine pouvant aller jusqu'à 10 ans de prison. À l’origine, le pouvoir tchadien les avait accusés d'insurrection et de tentative de coups d'État, des crimes qui sont punis par une peine allant de 20 ans de prison à la perpétuité.

Les quelque 200 autres détenus placés à Koro Toro pour le même motif font encore l'objet d'une enquête judiciaire, selon le procureur de Ndjamena. Mais malgré la tenue de ce procès hors norme, la question des centaines de personnes arrêtées le 20 octobre et les jours qui ont suivi et qui seraient détenus dans d'autres lieux, selon les organisations de défense des droits de l'homme, reste entière. Le gouvernement est resté muet sur ce sujet.

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Koro Toro « n'est pas une prison, c'est un camp de concentration »

Des nombreux anciens détenus ont déjà fait part des conditions particulièrement difficiles dans cette prison de Koro Toro, située dans le désert de la province du Bornou, « au milieu de nulle part », explique un ex-rebelle, qui y a été enfermé pendant presque une année en 2017. Une description corroborée par d'autres sources.

Pour se rendre à cette célèbre maison d'arrêt située à plus de 600 km au nord de Ndjamena, il faut prendre un avion pour Faya Largeau puis rouler pendant plus de quatre heures dans un véhicule tout terrain dans le désert. « Il faut avoir quelqu'un qui connaît bien la région, car vous roulez dans le désert, il n'y a pas de route », précise cet ancien pensionnaire du « bagne de Koro Toro », comme l'appellent les Tchadiens.

La prison est constituée de deux gros bâtiments entourés de deux murs d'enceinte de 4 à 5 mètres de hauteur, décrit notre source. Celle-ci garde de terribles souvenirs de son année passée à Koro Toro, il y a environ quatre ans. On y mange deux fois par jour – des haricots le matin et une boule de mil et de la sauce le soir, poursuit-il. Pas de médecin, pas de contact avec l'extérieur et jamais de visite d'un membre de la famille, la chaleur est torride la journée et les nuits glaciales, par moments : « Les conditions de vie y sont extrêmement difficiles », résume cet ex-rebelle.

Ce dernier assure qu'il y avait à son époque plus de 5 000 détenus à Koro Toro. Parmi eux, de nombreux prisonniers politiques ou des ex-rebelles. « Ce n'est pas une prison, c'est un camp de concentration », tranche un ancien pensionnaire de Koro Toro. Soit des accusations que le gouvernement a toujours démenties, parlant plutôt d'une prison comme les autres.