Côte d’Ivoire : gros cafouillage autour du report du congrès du PDCI
Après une nuit de confusion et d’informations contradictoires, le congrès extraordinaire du PDCI, le parti d’Henri Konan Bédié, est bien reporté « à une date ultérieure », sur fond de tensions internes.
Henri Konan Bédié s’est officiellement porté candidat à sa réélection. © Diomande Ble Blonde/AP/SIPA
D’abord, un premier communiqué qui tombe en début de soirée, le 8 décembre. Le très attendu congrès extraordinaire du parti prévu le 14 décembre à l’hôtel Ivoire d’Abidjan est reporté « à une date ultérieure ». Le document, signé par le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA) depuis trois décennies, Henri Konan Bédié, précise que ce report est la conséquence « du processus d’enrôlement pour l’inscription sur la liste électorale en cours en Côte d’Ivoire, et [qu’il a été décidé] à la demande pressante des militants du PDCI-RDA qui souhaitent se consacrer à cette tâche ».
Dans la foulée, un autre communiqué commence à circuler, non signé celui-là, mais à en-tête de la formation politique. Le congrès est bien maintenu, est-il annoncé, « toute information contraire est nulle et de nul effet ». Fin de la polémique ? Maintien du congrès ? Pas tout à fait. Après une nuit de confusion et d’informations contradictoires, le service communication du parti assure que le premier communiqué est bien le seul valable et affirme ne pas savoir qui est à l’origine du second. Le congrès, au cours duquel doit être élu le président du parti, est donc bien reporté.
Débats houleux
Alors que s’est-il passé ? Pourquoi reporter un tel événement à moins d’une semaine de sa tenue, sachant que les dates du processus d’enrôlement sont connues depuis longtemps ? « Le processus a été prorogé jusqu’au 20 décembre, alors qu’il devait initialement prendre fin le 9. Nos équipes sont pleinement mobilisées sur le terrain, il nous a semblé évident qu’il fallait se consacrer à cette tâche. Et surtout, prendre en urgence une décision », explique Soumaila Bredoumy, le porte-parole du PDCI.
En coulisses en revanche, le processus d’enrôlement ne serait pas l’unique raison de cet immense cafouillage. Depuis la présidentielle de 2020, qui avait été boycottée par l’ensemble de l’opposition, le parti dirigé par Henri Konan Bédié est en proie à des luttes intestines, entre rivalités de personnes et désaccords sur la stratégie à adopter en vue des prochaines échéances électorales, locales en 2023, et présidentielles en 2025.
Contesté en interne, le numéro deux du PDCI, Maurice Kakou Guikahué, qui est également son secrétaire exécutif en chef, aurait vigoureusement plaidé pour un report du congrès au cours d’une réunion du comité d’organisation plus tôt dans la journée du 8 décembre, arguant de problèmes de légalité liés notamment à l’ordre du jour du congrès. Henri Konan Bédié a finalement tranché en sa faveur.
Mais le communiqué signé de sa main aurait été rendu public sans en informer Niamen N’Goran, en charge de l’organisation de l’événement. Selon nos informations, dans la soirée, une réunion de crise a été convoquée en urgence chez Bédié afin de clarifier les choses. L’atmosphère y était tendue. « Le président est convaincu qu’il fallait reporter. C’est lui le seul décisionnaire dans cette affaire », affirme Soumaila Bredoumy.
Le dernier congrès ordinaire du PDCI, le douzième, remonte à 2013. Après une modification des textes sur la limite d’âge pour se présenter à la tête du parti, Henri Konan Bédié avait été réélu pour cinq ans avec plus de 93 % des suffrages exprimés face à l’actuel ministre de la Réconciliation, Kouadio Konan Bertin (KKB), et face à l’ancien secrétaire général du parti, Alphonse Djédjé Mady.
Le dernier congrès, extraordinaire celui-là, avait eu lieu en 2018 après la rupture avec l’ancien allié, le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, parti présidentiel). Il avait acté la reconduction d’Henri Konan Bédié à son poste de président du PDCI dans l’attente d’une nouvelle élection promise après la présidentielle d’octobre 2020.
Bédié, seul candidat
La toile de fond de ces tensions reste, comme depuis des années, la succession d’Henri Konan Bédié. La désignation de Niamien N’Goran pour organiser ce congrès, homme très proche de Bédié et à qui l’on prête des ambitions au sein du parti, a été vu d’un mauvais œil par certains cadres. C’est déjà lui qui avait présidé le comité d’organisation des obsèques du frère de l’ancien président, Nanan Marcelin Bédié, ainsi que celui du 12e congrès du parti en 2013 et du comité électoral en 2016. Certains de ses proches et lui étaient soupçonnés de vouloir instrumentaliser le congrès du 14 décembre dans le but d’évincer Maurice Kakou Guikaoué.
Le comité continue cependant de préparer l’événement qui devrait se tenir courant janvier 2023. Henri Konan Bédié s’est officiellement porté candidat à sa réélection. Les candidats, invités à s’acquitter d’une caution non remboursable de 20 millions de F CFA, avaient trois jours pour se faire connaître cette semaine au siège, à Cocody, mardi, mercredi et jeudi. Bédié est à ce jour le seul candidat en lice.