Des mercenaires de Wagner ont-ils débarqué au Burkina Faso ?
L’arrivée, fin décembre, à Ouagadougou, d’une petite dizaine d’individus parlant russe a relancé les spéculations sur les tractations en cours entre les autorités burkinabè et la société militaire privée proche du Kremlin
Cette photo non datée distribuée par l’armée française montre des mercenaires russes montant à bord d’un hélicoptère dans le nord du Mali. © AP/SIPA
Dans un pays régulièrement cité comme prochain théâtre des mercenaires de Wagner en Afrique, leur présence alimente bien des interrogations. Selon nos informations, le 24 décembre, sept individus blancs sont arrivés à la base aérienne 511 qui jouxte l’aéroport de Ouagadougou. Logés dans un hôtel de Ouaga 2000, un des quartiers huppés de la capitale burkinabè, ces hommes parlent russe entre eux – ce qui ne laisserait donc guère de doutes sur leur nationalité.
Reste maintenant à savoir pour qui ils travaillent et ce qu’ils sont venus faire au Burkina Faso. Selon certaines sources sécuritaires, ils seraient là pour faire de l’instruction et assurer la maintenance des hélicoptères de fabrication russe Mi-8 et Mi-35 récemment acquis par l’armée burkinabè. Pour d’autres, ils seraient les premiers membres de Wagner à débarquer en « éclaireurs ».
Or l’un n’empêche pas l’autre : outre des mercenaires, la société militaire privée dirigée par Evgueni Prigojine, un proche de Vladimir Poutine, compte en effet des techniciens et des pilotes qui opèrent sur des aéronefs russes.
Exemple à suivre
Le Burkina Faso est dans le viseur de Wagner depuis des mois, mais depuis l’arrivée au pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré, le 2 octobre, il s’est nettement rapproché des réseaux russes. Avec, dans le rôle des intermédiaires, les autorités de transition maliennes qui font tout pour convaincre leurs homologues burkinabè de suivre leur exemple et de s’entendre avec le groupe paramilitaire.
Mi-décembre, elles ont ainsi facilité le voyage en catimini du Premier ministre burkinabè, Kyélem Apollinaire de Tambèla, en Russie. Sur place, ce dernier a rencontré Mikhaïl Bogdanov, le vice-ministre des Affaires étrangères en charge de l’Afrique. Mais certaines sources proches des services de renseignement français sont convaincues que le chef du gouvernement a effectué ce déplacement pour négocier un contrat avec Wagner.
10 000 dollars par mercenaire
Selon des sources burkinabè, jusqu’à 500 hommes pourraient prochainement rallier Ouagadougou. Mais le capitaine Traoré aurait jugé exorbitant le tarif mensuel de 10 000 dollars par mercenaire demandé par les Russes. « Ce montant est jugé trop élevé, indique une source militaire. Une délégation serait actuellement à Moscou pour se mettre d’accord sur le tarif. »
Difficile, pour l’instant, d’en savoir beaucoup plus sur cet accord. D’autant que les rumeurs sur l’arrivée prochaine de mercenaires de Wagner, alimentées par des groupuscules pro-russes, vont bon train sur les réseaux sociaux burkinabè. Nestor Poodasse, président de la Fédération des mouvements panafricanistes et proche du régime de transition, soutient ouvertement l’arrivée de Wagner dans son pays. « Nous validons la proposition de Moscou pour la venue de centaines de mercenaires Wagner qui arrivent très prochainement au Faso. Ces forces de libération et d’émancipation viennent remplacer les forces impérialistes actuelles », écrit-il dans une déclaration datée du 5 janvier.
« Il y a beaucoup de bruit mais nous n’avons encore aucune preuve de leur déploiement, indique de son côté un officier. Il y a quand même une tendance lourde qui semble se préciser… » Mi-décembre, Nana Akufo-Addo, le président ghanéen, n’avait lui pas hésité à déclarer, depuis Washington, que ses voisins avaient « conclu un accord avec Wagner ».
Scénario malien
Depuis le coup d’État d’Ibrahim Traoré, un scénario malien semble se répéter au Burkina Faso. Manifestations pro-russes et anti-françaises, rupture progressive avec la France, rapprochement avec la Russie, voyages de différentes délégations à Moscou… Le capitaine Traoré a-t-il fait le choix de s’adjuger les services de Wagner pour parer toute tentative de déstabilisation ? Certains le pensent. « Lors de leur rencontre à Bamako [le 2 novembre], Assimi Goïta a fait comprendre à “IB” que le seul moyen de protéger son régime était de s’entourer des Russes », affirme une source militaire burkinabè.
Les conseils du colonel malien auraient déjà été suivis : l’un de nos interlocuteurs affirme qu’une centaine de mercenaires est attendue dès la mi-janvier pour assurer la sécurité rapprochée du président de transition. « Si c’est le cas, c’est le meilleur moyen de précipiter une prochaine crise, conclut une source sécuritaire. Nombre d’officiers ne veulent pas entendre parler de la présence de mercenaires étrangers sur leur sol. »