Assimi Goïta va-t-il repousser le référendum sur la révision de la Constitution ?
Au Mali, lors de concertations avec la classe politique et la société civile, Abdoulaye Maïga, ministre de l’Administration territoriale, a ouvert la porte à un report. Explications.
Le colonel Assimi Goïta, à Bamako, le 7 juin 2021. © Habib Kouyate/AFP
« L’équilibre doit toujours être trouvé entre l’objectif d’avoir un texte consensuel et la nécessité de respecter le délai de la transition. » À deux mois, presque jour pour jour, du référendum sur la nouvelle Constitution, qui doit se tenir le 19 mars, le gouvernement malien prépare l’opinion à un possible report.
Lors des concertations menées avec des représentants de la classe politique et de la société civile cette semaine, le colonel Abdoulaye Maïga, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, s’est pourtant voulu rassurant. « Le gouvernement n’a pas pour mission de surseoir au référendum », a-t-il insisté. Reste que la mise en œuvre de plusieurs préalables au scrutin, précisés dans le calendrier électoral, a pris du retard.
Amendements
Après avoir installé l’Autorité indépendante de gestion des élections (Aige), en août 2022, avec un mois de retard, le gouvernement doit encore régler plusieurs points. Qui portent sur le fond du texte de la loi électorale, notamment.
« Une commission de finalisation, censée prendre en compte les amendements proposés par la société civile, la classe politique et la diaspora, doit encore être mise en place », cite en exemple Brema Ely Dicko, sociologue qui a participé à la rédaction de la nouvelle Constitution.
Plusieurs propositions ont en effet été mises sur la table, dont celle d’accorder à l’Assemblée nationale la possibilité de voter une motion de censure contre le gouvernement. Mais cette disposition ne figure pas dans l’actuelle mouture constitutionnelle, remise au président de la transition, Assimi Goïta, en octobre dernier.
« Le gouvernement travaille à obtenir un consensus autour de la nouvelle loi fondamentale, car la Constitution engage l’ensemble du peuple malien », met en garde Brema Ely Dicko en référence aux multiples crises politiques qui ont émaillé l’histoire du pays.
Qui pour gérer le scrutin ?
Autre enjeu majeur : la mise en place de l’Aige, qui sera notamment chargée de la proclamation des résultats provisoires. « L’appel à candidatures doit être lancé pour le dépôt des dossiers au niveau régional. S’ensuivra tout un processus pour nommer, installer et former les membres de l’autorité au sein des structures locales. Tout cela pourrait encore prendre plusieurs mois », détaille Brema Ely Dicko. En outre, l’Aige ne dispose toujours pas de structures dans l’ensemble des régions du Mali.
Si elle n’était pas prête, et si le référendum était tout de même maintenu à la date prévue, le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, jusqu’ici en charge d’organiser les élections, pourrait prendre le relais, au moins partiellement. Mais depuis le début des années 2000, son rôle cristallise les débats, certains regrettant qu’une entité gouvernementale ait autant d’emprise sur le processus électoral.
Modifier la loi électorale
Autre solution évoquée à demi-mot par le gouvernement : modifier légèrement la loi électorale, afin de faire correspondre les délais légaux pour la mise en place des structures nécessaires au référendum avec le temps imparti pour son organisation. Mais « la loi électorale ne peut pas être modifiée dans les six mois qui précèdent une élection, sauf consensus avec l’ensemble des acteurs », insiste Brema Ely Dicko.
Qu’il décide de reporter le scrutin ou de contourner légèrement la loi électorale, le gouvernement ne peut donc manœuvrer sans le soutien d’une partie de la classe politique et de la société civile.
Pour le premier vote organisé depuis le début de la transition en août 2020, lequel devra être suivi d’élections locales et législatives en juin et octobre, puis d’une présidentielle en 2024, le gouvernement semble en tout cas faire le pari du dialogue.
Les colonels au pouvoir n’ont pas oublié que s’ils ont pu facilement renverser le président Ibrahim Boubacar Keïta en août 2020, c’est parce qu’il était fragilisé par des mois de contestation populaire. Une colère provoquée notamment par les résultats des législatives de 2020, largement rejetés par les Maliens, qui criaient à la fraude.