Au Burkina Faso, qui sont les leaders du mouvement anti-français ?

Depuis plusieurs mois, certains membres de la société civile burkinabè se mobilisent contre la présence française dans leur pays. Passage en revue des plus actifs.

Par  - à Ouagadougou
Mis à jour le 22 janvier 2023 à 11:27
 

 

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BURKINA-FRANCE-RUSSIA-POLITICS-DEMONSTRATION © Une manifestation de soutien au capitaine Ibrahim Traoré, et réclamant le départ des Français du Burkina, à Ouagadougou, le 20 janvier 2023.

 

Ils étaient plusieurs centaines à converger, vendredi 20 janvier, sur la place de la Nation, à Ouagadougou. À l’appel de plusieurs mouvements regroupés au sein du Collectif des leaders panafricains (CLP), ces manifestants s’étaient rassemblés pour réclamer le départ « immédiat » de l’ambassadeur de France, Luc Hallade, et plus largement la fin de la présence française au Burkina Faso.

Dans la foule, ils étaient nombreux à scander des slogans hostiles à la France, à agiter des drapeaux russes, mais aussi à brandir des portraits du patron du Kremlin, Vladimir Poutine, du président de transition malien, le colonel Assimi Goïta, et de son homologue guinéen, le colonel Mamadi Doumbouya, ou encore du nouvel homme fort du pays, le capitaine Ibrahim Traoré.

Arrivé au pouvoir par un coup d’État, le 2 octobre, le jeune président burkinabè de 34 ans est soutenu par plusieurs mouvements anti-français et pro-russes, qui se montrent particulièrement actifs ces dernières semaines. Qui sont ces femmes et ces hommes qui réclament le départ de la France du Burkina Faso ? JA fait le point.

Mohamed Sinon

Beaucoup le pensait en exil au Togo ou au Mali depuis quelques semaines. Le 20 janvier, c’est donc en invité surprise – et largement applaudi – que Mohamed Sinon a fait son apparition sur la place de la Nation, à Ouagadougou.

Ce retour sur le devant de la scène lui a coûté cher : quelques heures plus tard, l’activiste était arrêté pour avoir, au début de novembre 2022, appelé au meurtre de l’ancien journaliste et ex-président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), Newton Ahmed Barry, lequel avait critiqué la décision du gouvernement de suspendre l’émission de Radio France international (RFI). À l’époque, les partisans de Sinon avaient empêché la police de l’arrêter, ainsi que l’avait instruit la justice burkinabè.

Chargé de communication du Mouvement Africa révolutionnaire, Mohamed Sinon est un fervent soutien du capitaine Ibrahim Traoré. Sur ses réseaux sociaux, où il s’exprime exclusivement en mooré, il n’hésite pas à s’en prendre à ceux qui se montrent critiques envers le président de transition ou qui défendent un partenariat avec la France. Originaire du Passoré, Mohamed Sinon vivait dans la ville de Gaoua, dans le sud-ouest du pays, avant de venir s’installer à Ouagadougou.

Monique Yeli Kam

Ancienne candidate à l’élection présidentielle de 2020, Monique Yeli Kam est la coordonnatrice du mouvement M30 Naaba Wobgo. Ce mouvement, lancé le 30 juillet 2022, s’est fixé pour objectif principal de « conscientiser » les populations sur « l’inefficacité » de la coopération militaire et économique avec la France.

Avant de devenir une égérie de la lutte anti-française dans son pays, Monique Yeli Kam a milité, au début des années 2010, au sein du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) de l’ancien président Blaise Compaoré, qui était alors considéré par beaucoup comme l’homme de la France dans la région. Elle avait ensuite rallié le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) de Roch Marc Christian Kaboré, autre ex-chef de l’État, avant de finalement en claquer la porte pour jouer sa propre partition.

Ces dernières semaines, son leadership au sein du mouvement M30 Naaba Wobgo est de plus en plus contesté par certains de ses camarades, qui estiment qu’elle les utilisent pour satisfaire ses ambitions politiques et promouvoir ses affaires personnelles.

Nestor Podassé

« Nous ne sommes pas contre la présence française en Afrique. Nous sommes contre la présence de l’armée d’occupation terroriste française en Afrique ». Ainsi s’exprime Nestor Podassé, surnommé « Mandela 1er » par ses partisans et responsable du mouvement Planète des jeunes panafricains. Considéré comme l’un des « durs » du mouvement anti-français au Burkina Faso, il s’est donné pour mission de lutter pour la « vraie souveraineté » burkinabè.

Proche du régime d’Ibrahim Traoré, ce naturopathe de formation ne cesse de demander le départ de la force d’intervention Sabre, un détachement d’environ 300 membres des forces spéciales françaises basé à Kamboinsin, à la périphérie nord-ouest de Ouagadougou. Podassé milite aussi ouvertement pour l’arrivée de la société militaire privée russe Wagner au Burkina Faso. « Nous validons la proposition de Moscou pour la venue de centaines de mercenaires de Wagner qui arrivent très prochainement au Faso. Ces forces de libération et d’émancipation viennent remplacer les forces impérialistes actuelles », avait-il ainsi écrit dans une déclaration, le 5 janvier.

Boris Guissou

Pingdwendé Boris Guissou est le coordonnateur burkinabè d’Urgences panafricanistes, l’organisation non gouvernementale fondée par le Franco-Béninois Kemi Seba, grand pourfendeur de la France sur le continent.

Malgré les liens qu’entretient son patron avec la Russie, cet entrepreneur, qui milite ardemment contre la présence militaire française au Burkina Faso et sur le continent, refuse de se définir comme un « pro-russe ». Contrairement à certains de ses camarades panafricanistes, Guissou affirme ne pas vouloir de troupes russes sur le sol burkinabè mais seulement un appui en matière d’armement et de renseignement de la part de Moscou.

Lassané Sawadogo

Lassané Sawadogo est le coordonnateur du Front de défense de la patrie (FDP), initiateur du slogan « La France doit partir » repris largement dans les manifestations et sur les réseaux sociaux. Membre du mouvement M30 Naaba Woobgo de Monique Yeli Kam, il fait partie de ceux qui appelaient, dès août 2022, à l’expulsion de l’ambassadeur de France, Luc Hallade, du Burkina Faso.