DIOCESE DE LAGHOUAT - GHARDAIA .
BILLET MENSUEL Septembre 2014


(cliché G.B.)

Bien chers amis.

Voici quelques jours (le 22 aout), un article du journal français « La Croix » avait pour titre: « Pour le ministre algérien des affaires religieuses, l’évangélisation vise à ‘déstabiliser’ le pays ». Cet article parle d’une mise en garde de sa part vis-à-vis de ceux qui seraient tentés d’effectuer des campagnes d’évangélisation pour « ébranler la foi musulmane », ce qui pourrait conduire à une peine d’emprisonnement ! Mais il rappelle par ailleurs que la législation algérienne déclare que « la liberté de conscience est garantie y compris pour la minorité chrétienne ». Il ne s’agit pas de faire ici un procès d’intention à M. le Ministre, M. Mohammed Aissa, apprécié pour son ouverture et son souci de donner leur place à tous. Mais voici une bonne occasion de redire comment nous essayons de répondre au mieux à l’invitation du Christ à « évangéliser » sans trahir son Évangile et dans le plus grand respect des institutions et des sensibilités de ce pays.

Visiblement le terme même d’évangélisation dans ce cas comme dans bien d’autres, y compris parfois au sein de l’Église, souffre d’un long malentendu. Il n'est pas synonyme de prosélytisme. Restreindre l’évangélisation, à la seule proclamation publique, c’est l’amputer de sa plus belle dimension : la manifestation de l’Amour universel de Dieu pour toute personne. L’Église du Christ n’est pas une agence de publicité évangélique, ni un bureau de recrutement religieux, ni une organisation qui chercherait à détourner l’autre de ses convictions religieuses ou spirituelles par quelque moyen que ce soit. L’œuvre d’évangélisation telle que la vit notre Église, fidèle à l’enseignement du Christ, est beaucoup plus large et profonde qu’un message à proclamer. Elle est Charité effective, Fraternité partagée, Miséricorde manifestée, Pardon donné. Et les chrétiens ne sont pas les seuls à se laisser interpeller par ces vertus divines. L’apôtre Jean le disait déjà aux premières communautés chrétiennes : « Mes petits enfants, n’aimons pas en paroles et de langue, mais en acte et dans la vérité » (1Jn 3,18). Le sommet de l’évangélisation, c’est le don de soi et l’Amour. Et Paul à la communauté de Corinthe : « Quand je parlerais en langues, celles des hommes et celles anges, s’il me manque l’amour, je suis un métal qui sonne, une cymbale retentissante ».

Depuis des décennies, l’Église catholique en ce pays vit dans un climat de confiance qui lui permet de remplir cette noble tâche, même si des incompréhensions passagères viennent troubler ce climat ; elles sont autant d’occasions de nous expliquer, d’approfondir et d’ajuster sa« mission ». Elle vit celle-ci, c’est vrai, dans un contexte assez particulier, lui interdisant tout prosélytisme. C’est une donnée que nous prenons en compte, consciemment et dans le plus grand respect des musulmans. Et c’est vrai, ce respect des consciences peut parfois aussi nous amener à rendre compte de notre foi à qui nous le demande ! Toute « conversion » est alors du domaine de ce même respect de la liberté de l’autre. Nous sommes dans une situation atypique qui nous permet d'approfondir et de comprendre à son plus haut niveau ce qu’est l’évangélisation. Encore une fois, réduire ce que dans l’Église nous appelons « évangélisation » à la seule parole, à la seule annonce, c’est rester bien en deçà de l’invitation du Christ. C’est toute notre vie personnelle et communautaire qui doit rayonner de Son message. Et alors il ne peut être question de stratégie ni de tentative de déstabilisation de qui que ce soit.

Voici plusieurs années déjà, des sœurs travaillant dans un hôpital avaient été faussement accusées de prosélytisme. Amenées à s’expliquer devant un haut responsable de la Santé, elles ont pu certifier qu’elles faisaient leur travail de soignantes sans aucune tentative de prosélytisme auprès des malades. Et ce responsable de leur dire : « Mais, mes Sœurs, par la seule façon dont vous faites votre travail, vous évangélisez ! ».


Soyons en profondeur ce que nous sommes, et Dieu fera ce qu’Il a à faire !

+ Claude, votre frère évêque.