Aux origines du carnaval, entre fête païenne et début du Carême

Explication 

De festivités païennes pour célébrer la fin de l’hiver aux « jours gras » de bombance précédant le Carême, le carnaval est un temps de transgression des interdits et d’inversion des valeurs. Les habitants se déguisaient lors de défilés en musique et de mascarades avant d’entamer la période de quarante jours de jeûne.

  • Vinciane Joly, 
Aux origines du carnaval, entre fête païenne et début du Carême
 
Une figure carnavalesque devant la lagune de Venise.RICARDOMFF/STOCK ADOBE

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Sacre du printemps et célébration du renouveau de la nature en Mésopotamie antique, fêtes en l’honneur de Dionysos, dieu du vin et de la végétation chez les Grecs, Lupercales à Rome… À la fin de l’hiver, de grands défilés déguisés, représentations théâtrales et mascarades avaient lieu pendant l’Antiquité. Pendant quelques jours, tout était permis, les interdits transgressés : les seigneurs se déguisaient en serviteurs et les esclaves en maître.

L’Église catholique s’est d’abord opposée à ces festivités païennes. Toutefois, dès le VIIIe siècle, le Carême – période de quarante jours précédant Pâques – est entré dans les mœurs. Ce temps de jours maigres est peu à peu précédé d’une période « grasse » pour marquer une pause festive. À partir du XIe siècle, des pratiques carnavalesques variées fleurissent à la fin de l’hiver. Dans la République de Venise, le plus ancien édit conservé mentionnant le carnaval date de 1 094.

« Carnelevare », « enlever la viande »

Du latin carnelevare, « enlever la viande », le carnaval est une semaine de fêtes et de banquets avant le Carême, temps de jeûne durant lequel les chrétiens cessaient de consommer des produits « gras », tels que la viande et les produits laitiers. Pendant la semaine précédant ce temps de pénitence et de conversion, le peuple était autorisé à « faire gras » et à consommer des mets sucrés.

Moments de liberté et d’excès, les « jours gras » donnaient lieu à des défilés en musique, des célébrations et des mascarades. Les habitants pouvaient se déguiser pour estomper les différences sociales et porter des masques afin de se moquer en toute impunité de leurs dirigeants ou de leurs aînés.

De Rio à Dunkerque

Le carnaval était alors un lieu à forte charge politique. Le Mardi gras, dernier jour des festivités, est celui qui est fêté avec le plus d’éclat, avant le mercredi des Cendres marquant le début du Carême. Dans certains pays, des manifestations carnavalesques ont également lieu lors de l’Épiphanie ou à la Mi-Carême. Cet intermède de licence avant un temps d’austérité permettait également aux autorités de se prémunir contre de potentielles révoltes.

Aujourd’hui, le carnaval, s’il a largement perdu sa portée politique contestataire, demeure un temps de festivités populaires et de manifestations déguisées. Parmi les plus célèbres, on peut citer le Carnaval de Rio, l’une des fêtes les plus courues au Brésil, lors des quatre jours qui précèdent le mercredi des Cendres.

Le Carnaval de Venise, pour sa part, s’étend sur dix jours et est célébré depuis le Moyen Âge. En France, le Carnaval de Nice rassemble chaque année en février des centaines de milliers de personnes. Il se clôt le dimanche 26 février 2023. À Dunkerque, les festivités carnavalesques s’étendent sur trois mois.