Au Mali, Choguel Maïga de retour sur la pointe des pieds

Victime d’un accident vasculaire cérébral qui l’a mis sur la touche pendant près de quatre mois, le Premier ministre malien a repris son poste en décembre dernier mais peine à retrouver son envergure passée au sein du régime de transition.

Mis à jour le 25 mai 2023 à 08:04

 

 

maiga

 

Le Premier Ministre malien, Choguel Kokalla Maïga, dans une dépendance de sa résidence officielle, à Bamako, le 16 octobre 2021. © Nicolas Remene pour JA

 

Quand il a été reçu par Assimi Goïta, le 25 novembre dernier, les images de son audience au palais de Koulouba ne sont évidemment pas passées inaperçues. Et pour cause : après quasiment quatre mois d’absence en raison d’un accident vasculaire cérébral (AVC) survenu en août 2022, Choguel Kokalla Maïga effectuait son grand retour sur la scène publique malienne.

« Par la grâce d’Allah, me revoici parmi vous en possession de mes capacités physiques », avait-il alors brièvement déclaré, ajoutant qu’il était désormais « prêt » à reprendre les affaires. Critiqué par ses adversaires qui ne voulaient pas le voir revenir à son poste, cet habile vétéran de la politique malienne a discrètement mobilisé ses lieutenants pour mettre la pression sur le président de la transition et les militaires au pouvoir.

À LIREMali : ce qu’il faut savoir sur Choguel Maïga, Premier ministre de la transition

Dans les jours qui ont précédé son apparition à Koulouba, ses partisans ont inondé les réseaux sociaux de messages réclamant son retour. Choguel Maïga a également sollicité l’intervention du chérif de Nioro, le leader religieux le plus influent du Mali, en sa faveur.

Concurrencé par Abdoulaye Maïga

La stratégie est payante : le 5 décembre, le Premier ministre de 64 ans reprend officiellement ses fonctions, confiées au colonel Abdoulaye Maïga le temps de sa convalescence. Durant son intérim à la primature, le ministre de l’Administration territoriale et porte-parole du gouvernement a fait forte impression à certains de ses compatriotes.

Son discours à l’assemblée générale des Nations unies, à New York, le 24 septembre 2022, est ainsi resté présent dans de nombreux esprits. Il avait alors enchaîné les coups contre la France, la Cedeao ou encore Mohamed Bazoum et Alassane Ouattara. Des propos chocs qui lui avaient valu un accueil triomphal à son retour à Bamako, où beaucoup semblaient déjà avoir oublié son prédécesseur – lequel avait aussi prononcé un discours virulent à la tribune de l’ONU, en septembre 2021.

Depuis le retour de Choguel Maïga à la primature, beaucoup voient en Abdoulaye Maïga une sorte de Premier ministre bis. Désormais auréolé du titre de ministre d’État, ce colonel proche des militaires au pouvoir jouit d’une belle cote de popularité et s’est vu confier plusieurs dossiers stratégiques, à commencer par les différentes réformes institutionnelles et le référendum sur le projet de nouvelle Constitution, prévu le 18 juin.

Affaibli mais toujours utile

De son côté, Choguel Maïga n’est plus aussi visible qu’avant. De quoi entretenir les spéculations sur son état de santé réel ou d’éventuelles luttes intestines au sein du régime de transition. Selon Hamza Sow, du Cadre des partis et regroupement politiques pour le retour à l’ordre constitutionnel, il n’est là « que pour la forme ».

« Depuis son retour, Choguel Kokalla Maïga est absent lors de la plupart des grandes rencontres. On ne l’a par exemple quasiment pas vu lors de la visite de Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, à Bamako [en février]. Bien qu’il soit Premier ministre, il ne contrôle plus comme avant : ses prérogatives ont été amputées, ses sorties sont diminuées, parfois elles sont ratées… », ajoute le jeune opposant, en référence à la tournée du chef du gouvernement à Gao, fin février dernier, durant laquelle il n’avait pas pu se rendre dans sa région natale d’Ansongo.

Il n’empêche. Assimi Goïta et les colonels connaissent parfaitement le pouvoir de nuisance de ce Premier ministre au verbe haut, aussi affaibli soit-il, qui avait été à la pointe de la contestation contre le régime d’Ibrahim Boubacar Keïta, et sa capacité à mobiliser les foules – le tout dans un contexte de grogne populaire croissante. Politicien madré, il joue aussi un rôle de bouclier pratique pour parer les attaques des opposants. Ses conseils se révèlent également précieux pour les novices en politique que sont Goïta et ses camarades putschistes.

À LIREFace à Assimi Goïta, existe-t-il encore une opposition ?

Dans les rangs du Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR), le parti de Choguel Maïga, pas question d’évoquer un quelconque affaiblissement. « Il n’y a aucune difficulté entre le Premier ministre et les militaires au pouvoir, affirme Diakaria Diallo, cadre du mouvement des jeunes du parti. Depuis son retour aux affaires, leurs rapports se sont même fortifiés. »

Malgré tout, le marigot bamakois continue à bruisser de rumeurs de tensions récurrentes entre les colonels et le Premier ministre. L’intéressé, fatigué par son passage aux affaires et, surtout, par son AVC, aurait, lui, abandonné toute ambition présidentielle.