DIOCESE DE LAGHOUAT - GHARDAIA .
BILLET MENSUEL Janvier 2015
Bien chers amis.
Avec quelques membres du Diocèse, nous avons célébré à Tizi Ouzou le 20ème anniversaire de la mort tragique des quatre Pères Blancs assassinés le 27 décembre 94 : les Pères Alain Dieulangard, Jean Chevillard, Charles Deckers et Christian Chessel. J’avais eu la chance de les connaître et de collaborer étroitement avec l’un ou l’autre. J’ai été profondément touché de voir l’engagement de leurs amis de Tizi, en collaboration étroite avec la communauté des Pères Blancs. Les autorités locales ont tenu à être des nôtres à cette occasion, et leur présence a été un hommage et un encouragement à aller de l’avant.
Le crime innommable perpétré sur la personne des journalistes de l’hebdomadaire français « Charlie Hebdo » nous remet à l’esprit les événements tragiques que nous avions vécus alors. C’est la même folie humaine, la même barbarie qui ont arraché à leurs familles des artisans de ce journal, même si les raisons et les circonstances ont été différentes. Rien ne peut justifier cet acte odieux qui risque en plus de discréditer l’Islam et nombre de croyants musulmans, touchés eux aussi dans leurs convictions profondes. Beaucoup ont manifesté ouvertement leur réprobation, voire même leur colère, aux côtés des citoyens qui ont tenu à le faire en France et dans d’autres pays.
Revenant à la mémoire de nos quatre confrères Pères Blancs, ces figures nous interpellent comme chrétiens engagés aux côtés de la population musulmane de ce pays. Célébrer une mémoire, c’est une responsabilité. Souvent des amis évoquent le souvenir et la marque profonde qu’on laissés nos anciens par leur vie et leur engagement humain, religieux, professionnel et social.
Que de références aux valeurs qu’ils ont inculquées à ceux qu’ils côtoyaient dans le domaine de l’éducation notamment ! Ils n’ont certes pas été les seuls à mettre en avant ces valeurs d’humanité et de citoyenneté : respect de l’autre dans son identité culturelle, ethnique et religieuse, dans ses biens, mais aussi sens de la valeur du travail, de l’honnêteté, de la ponctualité et de la droiture de conscience dans les engagements professionnels et sociaux. Nous nous retrouvons tous dans ces convictions humaines respectives !
Même si nos moyens demeurent modestes dans nos différents engagements, nous, Prêtres, Religieuses, Laïcs, ressentons le poids de notre responsabilité pour continuer dans cette direction. Et je suis heureux de voir que notre nouvelle génération va toujours de l’avant. La greffe du vieil olivier s’est chargée de toutes ces valeurs qui aident à construire notre commune humanité. Merci à nos partenaires algériens de nous aider à continuer dans ce mouvement.
Notre Église, elle aussi, a pour but de collaborer à construire cette humanité pour qu’elle soit plus à l’image de celle que Dieu veut voir sur notre terre. Le message et l’œuvre de Jésus qui nous inspirent s’appuient sur ces profondes valeurs qui construisent l’homme et les rapports humains. Nous n’avons pas la prétention d’être les seuls à les promouvoir. Je demeure persuadé que l’Islam est porteur lui aussi de ces nobles vertus qui structurent l’homme et la société, et il ne faut pas le réduire, comme le font certains, aux déviations meurtrières dont nous sommes les témoins.
A nous chrétiens et musulmans, hommes et femmes de bonne volonté, de donner une priorité à ce qui édifie la personne et les sociétés, sans arrière-pensée de récupération. Nous sommes conscients du poids de la responsabilité qui pèse sur nos épaules : celui de la fidélité à ce que nos anciens ont toujours prôné dans le respect des consciences : faire grandir l’autre, collaborer à sa promotion, nous enrichir mutuellement en nous stimulant dans le bien. Le Cardinal Lavigerie, fondateur des Pères Blancs et des Sœurs Blanches, écrivait : « Je suis homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger ». C’est à cette humanité commune que nous nous référons, en nous appuyant sur les valeurs spirituelles qui nous habitent.
Notre Pape François redit souvent qu’« il nous faut construire des ponts et non pas des murs ». Nous avons besoin d’unir nos forces pour continuer cette œuvre. Nous le faisons au nom de notre humanité commune, au nom de nos convictions les plus profondes, qu’elles soient puisées dans notre Foi ou dans le sens que nous portons en nous d’une fraternité qui va au-delà de toute frontière.
C’est cela que nos quatre frères tragiquement disparus ont vécu. C’est ce bel héritage qu’ils nous laissent. Puissions-nous y rester attachés. C’est la meilleure façon de célébrer leur mémoire et d’y être fidèles.