DIOCESE DE LAGHOUAT - GHARDAIA .
BILLET MENSUEL Juin 2015


(clichés Patrick de Boissieu)


Bien chers amis.

« Pour sa traditionnelle enquête de Pentecôte dans les diocèses de France, ‘’ La Croix’’ révèle que les femmes sont proportionnellement trois fois plus nombreuses à la base que dans les instances dirigeantes » Et ce journal de poursuivre : « On les a longtemps crues cantonnées au fleurissement des autels et à la catéchèse. Or, aujourd’hui, elles sont théologiennes, économes, chancelières de diocèse, siégeant au côté de l’évêque dans son conseil rapproché…Plus que jamais, pas d’Église sans les femmes … pléthore à la base, les femmes se retrouvent peu nombreuses au sommet » Ce qui est dit là n’est pas propre aux diocèses de France et peut être appliqué à l’Église Universelle.

Sans entrer dans une analyse poussée, je voudrais vous faire part de quelques réflexions à ce sujet. Lorsque j’ai parlé de cela à un ami, il m’a dit malicieusement que j’abordais cette question parce que le temps est proche de déposer ma charge d’évêque ! Rassurez-vous, mon intention n’est pas de provoquer pour hâter ma sortie de scène ! Je vous fais part d’un souci que j’ai voulu inscrire dès le début dans les faits tout en restant dans la ligne d’une orthodoxie que j’ai toujours respectée ! Ceci dit, je ne veux pas parler à la place des femmes : mon opinion est celle d’un homme, d’un prêtre marqué par la théologie de Vatican II, et aussi d’un évêque faisant face à des soucis de gouvernance, ce qui sera, je l’espère, pris comme une humble référence !

Toujours est-il qu’il faut savoir oser ! J’ai pensé à un certain moment confier la charge de « Vicaire Général » à une femme, mais j’en ai été canoniquement empêché : cette charge revient à un prêtre. J’ai pu cependant nommer à deux reprises une femme comme « curé de la paroisse cathédrale » (un grand mot pour notre paroisse de Ghardaia !). Ce fut une expérience positive. J’ai tenu assez vite à une « parité » hommes-femmes dans mon conseil rapproché et je ne le regrette pas, loin de là.

Ceci étant dit de ma petite expérience d’évêque, il n’empêche que la place de la femme dans la gouvernance de l’Église, nous confronte à des problèmes psychologiques, historiques et institutionnels sérieux. Les « décideurs » en la matière, sont des hommes, célibataires de surcroît, parfois persuadés d’être investis d’une autorité de droit divin. C’est vrai que la question est délicate : comment ne pas se référer à la pratique de Jésus, né au sein d’une société patriarcale où la femme comptait si peu ? Il en a pourtant brisé bien des tabous, entre autres en prenant des femmes comme disciples, premières témoins de la Résurrection et chargées de l’annoncer aux Apôtres. Mais, c’est vrai, il n’en a pas choisi dans le groupe des Apôtres et l’on se réfère souvent à ce choix pour les éloigner d’un « ministère d’autorité » dans l’Église. Doit-on absolument rester prisonniers de cette référence ?

J’ai lâché les mots « ministère d’autorité », et je crois que la question est bien là. Le lien entre ministère ordonné et gouvernance est-il indissociable dans l’Église ? Bien sûr les Congrégations et Instituts féminins ont à leur tête des femmes, mais ce pouvoir est encore exercé sous une certaine tutelle…

Nous sentons bien dans ses interventions que notre Pape François effleure souvent la question et elle demeure un souci de son pontificat. La dimension prophétique de la femme est incontestée, mais il n’en est pas de même pour son accession à la gouvernance au sein de l’Église. Sans pour autant aborder la question épineuse du « sacerdoce féminin » ou « cardinalat féminin », le fait d’être femme serait-il un obstacle pour exercer un haut ministère d’autorité dans l’Église ? Le ministère ordonné donne la grâce mais n’entraîne pas ipso facto la compétence.

Si beaucoup de changements structurels ont vu le jour dans notre Église, la place institutionnelle de la femme reste bien en retrait de ces audaces. Elle ne peut être abordée sans celles qui restent majoritairement le pilier de base de l’Église ! En attendant que cette question soit abordée de front, ne craignons pas d’aller de l’avant, avec l’aide de l’Esprit qui nous conduit vers la vérité toute entière. Laisser dans l’ombre cette cruciale question n’est-il pas le signe que l’Église n’a pas encore tout à fait fini de naître ?

+ Claude, votre frère évêque.