| GHANA SAVELUGU Musulmans ? Nous sommes à Savelugu, petite ville du Nord du Ghana, pas très loin de Tamale, la capitale régionale. Les MAfr y sont présents depuis 8 ans. Actuellement nous sommes cinq : le P. Bill Curran (USA), le F. Clenerius Chimpali (Zambie), le P. Oscar Garcia (Mexique), deux stagiaires Afeku Anthero (Ouganda) et Virgilius Kawama (Zambie). La majorité des gens autour de nous sont des Dagombas. Ils sont agriculteurs et musulmans. La communauté catholique est toute petite. C’est ainsi que notre priorité est le dialogue avec les musulmans. C’est plus facile à décider qu’à réaliser ! Nous nous rendons compte que tout notre temps est pris par le service pastoral des chrétiens. Il y a quand même eu quelques timides tentatives de rencontre des musulmans. En ce domaine, nous nous sentons désorientés et mal équipés. Peut-être y a-t-il au fond de nous une peur et un préjugé : la rencontre avec les musulmans est réservée à des confrères spécialistes de l’islamologie. De fait, les confrères viennent pour la plupart de milieux chrétiens et nous avons été formés pour la pastorale paroissiale. Même le frère Clenerius ! Maintenant que nous nous retrouvons en milieu musulman, le choc culturel est inévitable. Mais quelque chose de positif ressort de nos visites chez nos voisins pour établir de bonnes relations en participant aux célébrations de la vie. Le positif, c’est que nous sentons le besoin de mieux connaître les musulmans, leur religion et leur foi en Dieu. Notre communauté a donc décidé de se recycler sur place. Mais ce qu’il nous a en a fallu du temps pour organiser une session mensuelle sur l’islam ! Nous sommes aidés par S. Marie Renée Visseur, Msola. Elle est engagée depuis quelques années déjà dans le dialogue interreligieux dans notre archidiocèse. Chaque deux mois nous faisons le voyage à Tamale, où nous logeons chez les confrères, et S. Marie Renée anime notre rencontre. Chaque confrère de Savelugu a une expérience différente et des réactions particulières dans sa découverte de l’islam. Chacun voit les zones d’ombre, les doutes, les préjugés qui existent entre chrétiens et musulmans. La conversion à l’autre est un processus intérieur. Comment rencontrer l’autre et le respecter dans sa foi ? Le temps que nous prenons pour étudier la religion de nos voisins nous aide à approcher l’histoire, la doctrine et les pratiques de l’islam. Nous sommes bien conscients de nos différences. Les sessions cependant nous ouvrent à une réalité commune : nous sommes des croyants en Dieu, nous sommes des humains partageant le même monde que nos voisins musulmans. On dirait que maintenant ce sont les musulmans eux-mêmes qui nous aident à les rencontrer et à les comprendre. Même si nous avons tendance à l’oublier, c’est la qualité de notre présence qui compte plus que nos œuvres dans ce milieu musulman. Nous aimerions approfondir notre formation. Après avoir appris quelque chose sur les musulmans, nous désirons comprendre ce qu’est la rencontre entre chrétiens et musulmans. Nous aimerions connaître les étapes d’un ministère qui donne priorité à la rencontre. Peut-être n’y a-t-il pas de recette écrite d’avance ? Cependant, nous savons que les confrères du Conseil Général sont à préparer un livret sur la rencontre. Cela aidera notre communauté à réfléchir et nous donnera peut-être quelques idées pratiques. Bref, nous voici cinq confrères à Savelugu en train de découvrir comment nous insérer dans une société façonnée par l’islam. Nous cherchons comment être meilleurs ‘Missionnaires d’Afrique’ pour accomplir la mission qu’on nous a confiée. Nous n’avons pas de plan pastoral. Des idées nous viennent petit à petit mais elles ont encore à passer l’épreuve de la durée dans la vie de tous les jours. Cependant, dans cette marche lente, notre communauté croit être guidée par l’Esprit de Jésus. Nos prises de position face aux musulmans changeront. Nous contribuerons ainsi à faire tomber les préjugés défavorables et les malentendus entre les deux communautés de croyants. Dans notre communauté chrétienne, nous serons un pont qui établira une relation de confiance. Nous sommes un signe que Dieu est présent à travers nos différences. Dieu désire faire avancer les familles de croyants vers des horizons à découvrir, sur des chemins dont nous ne rêvons même pas actuellement. Nous gardons la certitude que c’est le Seigneur qui donnera du sens à nos efforts. Oscar Arturo Garcia Padilla Au milieu des musulmans Nos services s’adressent à tous, chrétiens et non-chrétiens. Celui qui en a le don visite les malades à l’hôpital ; celui qui en est capable s’adresse aux jeunes dans les écoles ; un autre s’engage dans la réforme des structures sociales, dans la ligne justice et paix. Nous sommes privilégiés de pouvoir vivre au milieu de la pâte humaine où nous sommes appelés à rencontrer le Christ dans l’autre et à être présence du?Christ pour les autres. J’aime à visiter les gens le soir, quand ils reviennent à la maison. Chacun, chacune, raconte son histoire et cela change ma vision sur les personnes. J’avais des préjugés négatifs et voilà que je les vois fondre. Je regarde les gens positivement. Récemment, le groupe JPIC de la paroisse a organisé, pour les enfants, des ateliers sur la prévention du sida. Les enfants m’ont posé des questions qui m’ont fait réfléchir. Et la discussion s’est poursuivie bien après la fin de l’atelier. Ces enfants sont blessés, brisés, et cherchaient désespérément quelqu’un pour les écouter. Il leur est difficile de porter leurs problèmes sans en parler, alors que les adultes gardent le silence. Je me suis rendu compte que moi aussi je pouvais être aveugle et ne pas voir les problèmes des autres. J’ai dû apprendre à travailler en réseau. J’essaye de créer un groupe d’aide pour essuyer les yeux de mes petits frères et sœurs. Mais parfois, nous n’avons pas de réponse à donner. Le prêtre et le lévite de la parabole du Bon Samaritain n’ont pas fait de tord à l’étranger blessé. Ils ont gardé le silence en face du mal. Je vois cela comme une acceptation du péché et de ses structures. Notre ministère ne nous appelle pas à enseigner la théologie. Nous transmettons la Bonne Nouvelle non pas en formules mais simplement en saluant les gens, en étant ouvert et amical avec tous, avec une priorité pour les cœurs brisés. Parfois je me sens perdu dans un monde qui juge les personnes d’après leurs actions et non d’après leur être. Il y a quelques jours quelqu’un m’a dit : « Cela m’a pris du temps pour comprendre ce que tu fais comme ‘frère’. Les prêtres, eux, au moins disent la messe ! Maintenant je vois ton travail. sois assuré que j’ai besoin de toi ! » J’ai demandé pourquoi. Cette personne m’a répondu que chacun a besoin d’écoute car en touchant le cœur nous l’ouvrons à la présence de Dieu. Oui, parfois il semble que ‘je ne fais rien’ à Savelugu et cela peut me décourager. Mais je vois bien que ce ministère de présence est le lieu où Dieu rend visible et efficace son amour. Parlera-t-on à l’échelle mondiale de six membres de notre petite équipe JPIC ? Probablement pas. Mais, à notre niveau, l’engagement pour la justice sociale n’a plus les apparences d’un jeu de société pour de riches intellectuels. Notre vie de chrétiens et de MAfr demande cet engagement. Je comprends ceux qui écrivent des livres et des articles sur JPIC, mais pour que la justice arrive, « pour que le Règne vienne », il nous faut aussi être présents, écouter et parler avec les cœurs brisés. Avec notre pauvre petite communauté chrétienne, nous pensons à l’autofinancement. Nous avons transplantés 500 manguiers greffés, un bon exemple pour ceux qui vivent autour de nous. La première récolte, prémices de fruits abondants, sera faite cette année. Que Dieu bénisse aussi toutes les semences de la Parole que nous plantons en cette terre où il nous a appelés. Clenerius Chimpali |
Avec deux prêtres, deux stagiaires et moi-même, un frère, nous sommes cinq confrères au service de la paroisse Marie Mère de Jésus. Pourquoi cinq MAfr au service d’une paroisse qui ne compte que cinq petites communautés chrétienne de base ? C’est qu’on ne peut oublier que la population est en grande majorité musulmane sans oublier quelques fidèles de la religion africaine traditionnelle. Mais, c’est un fait, les chrétiens sont en petit nombre. Tout en poursuivant la formation des chrétiens, nous sommes donc en premier lieu des témoins de l’Évangile, présent dans un milieu non-chrétien, au service du dialogue interreligieux, de l’œcuménisme, de justice et paix.
