Djihad, la faute à qui ?
L’islamologue Montasser Alde’emeh enjoint au gouvernement de structurer une communauté musulmane désemparée. Entretien.
Selon cet observateur averti de l’Islam et ce spécialiste du Coran, les responsables politiques belges et les représentants de la Communauté musulmane sont responsables de l’incompréhension et des tensions qui gangrènent les relations entre Belges et la Communauté musulmane.
Comment expliquez-vous les relations difficiles et parfois très tendues entre certains membres de la Communauté musulmane et les autorités belges ? La faute à qui ?
Aux deux parties. Vous parlez de la Communauté musulmane. Mais elle n’existe pas. Elle n’est pas structurée et ne dispose d’aucune figure forte dans laquelle ces jeunes peuvent se projeter. Regardez par opposition la communauté turque. On y recense très peu de jeunes Turcs partis dans les zones de conflits, alors qu’en Belgique, ils sont pourtant quasi aussi nombreux que les ressortissants marocains. Pourquoi ? Parce que la communauté musulmane turque dispose, elle, de structures. Ses jeunes doivent accomplir leur service militaire en Turquie. Ils se sentent enracinés dans leur pays. Les jeunes Marocains, eux, vivent entre deux mondes : ils ne se sentent chez eux ni au Maroc ni en Belgique.
Le Premier ministre, après sa visite mercredi à la communauté juive d’Anvers a évoqué son intention de se rendre aussi dans la communauté musulmane.
Mais où voulez-vous qu’il aille ? Je le répète : la communauté musulmane n’existe pas. La communauté juive dispose d’écoles reconnues. Les jeunes musulmanes qui veulent porter un voile ne le peuvent pas et ne sont pas reconnues dans certaines écoles. Il faut que les politiques reconnaissent l’identité musulmane. Sans cela, ils envoient un mauvais signal aux jeunes qui constatent que le chef du gouvernement visite la communauté juive et pas la leur. Ces jeunes ne diront pas que la communauté musulmane n’est pas structurée mais que l’Etat belge la considère comme une ennemie.
Pourtant, il existe un Exécutif des musulmans de Belgique.
L’Exécutif des musulmans de Belgique ne fait rien sur le terrain, il est devenu un instrument de dépolitisation des jeunes musulmans. Il est incapable de trouver des solutions.
Olivier Roy: la peur de l’Islam-dialogues avec Nicolas Truong
Olivier Roy est bien connu sur la scène internationale et interreligieuse. Il nous présente dans ce petit livre de 88 pages, 8 articles qu’il avait précédemment publiés, entre 2002 et 2015, avec Nicolas Truong dans le journal Le Monde. Il ne faut donc pas aborder ce petit livre en étant avide de nouveautés. L’auteur nous invite à une relecture ou rétrospective des événements de ces dernières années concernant les relations interreligieuses, plus spécialement avec l’Islam. Le titre du livre est particulièrement bien choisi. Olivier Roy se situe à l’opposé de bien des commentateurs de l’actualité et veut relativiser cette peur de l’Islam dont on parle si souvent. Il veut dédramatiser ce problème récurrent. Oui, il y a de la violence « dans l’air ». Mais la radicalisation à laquelle nous sommes confrontés ne concerne qu’une frange marginale de la jeunesse (p.15). S’il y a des individus comme Mohammed Merah, un français qui a rejoint les Talibans, il ne faut pas oublier tous les autres musulmans français qui ont rejoint l’armée française et sont engagés dans la lutte antiterroriste (p.63 à 65). Au-delà de ces manifestations violentes, il faut aussi prendre en compte l’évolution des sociétés arabes qui reflète un changement en profondeur (p. 68 & 82). Toujours selon l’auteur, il ne faudrait pas voir la société française comme une juxtaposition de deux communautés : « Il n’y a pas de communauté musulmane mais une population musulmane » (p.17) C’est pourquoi, il peut affirmer par trois fois que « l’intégration fonctionne » (p.34)
Olivier Roy est-il trop optimiste ? L’avenir nous le dira. Mais il est bon de lire ce petit livre et avoir ainsi un autre écho ou une autre vision des événements qui secouent nos sociétés occidentales. Cela pourrait nous stimuler pour croire qu’un meilleur « vivre ensemble » est posible. Gilles Mathorel
Olivier Roy : La peur de l’Islam. Dialogues avec Nicolas Truong.
Edition de l’Aube – 2015 – 88 pages – 11€
Les mouvances islamistes et l’histoire de l’islamisme moderne
Nous (Blog de Gollnish) publions ici la suite du texte fouillé de Richard Robert, ancien militant islamiste converti au christianisme et revenu de ses errements passés, détenu depuis plus de dix ans, (d’abord au Maroc, puis actuellement à la prison centrale de Moulins-Yzeure), qui analyse la doctrine, le prosélytisme et le développement de l’idéologie islamiste. Nous laissons à l’auteur la responsabilité de certains de ses propos, que nous ne partageons pas nécessairement, libre également à chacun de ne pas en adopter forcément toutes les assertions et éclairages. Mais en tout état de cause, ce texte nous paraît inciter à la réflexion, au débat, et améliorer nos connaissances sur ce sujet d’une importance cruciale.
Voici les conclusions que l´auteur tire de l´influence du wahhabisme en France « Face à la menace il faudrait enfin prendre les décisions qui aurait dû être prises il y a deux décennies.
La première mesure doit consister en la reconquête des mosquées pour que n’y flotte plus que le drapeau de la République et pas celui d’une Marianne voilée de la tête aux pieds aux couleurs de l’OEI. En d’autres termes, à l’instar de ce qu’on fait tous les Etats musulmans, les prêches doivent être contrôlées et les imams néo-fondamentalistes remplacés. Tout discours contraire aux valeurs de la France doit être également prohibé.
Deuxième mesure essentielle, le principe de laïcité (au sens de neutralité à l’égard des appartenances religieuses) doit être rétabli dans l’ensemble des institutions publiques, et aucun passe-droit ne devrait être toléré.
Troisièmement, les moyens des services de renseignements doivent être démultipliés afin que puisse être surveillé l’ensemble des islamistes.
Sachant que l’existence de l’OEI constitue pour les islamistes une preuve de la véracité des promesses messianiques imputées à Mahomet, il convient enfin d’éradiquer l’OEI afin que ce mythe s’écroule et que la supercherie se révèle dans toute son absurdité. » (Blog Gollnish/07.09.15)
Daech peut prospérer en afrique
Mathieu Guidère, islamologue français, répond aux questions posées par le journal L´Observateur du Maroc . Il dit notamment : «C’est sur les problématiques socioéconomiques et politiques que Daech peut prospérer en Afrique»
L ’Observateur du Maroc et d’Afrique : Le terrorisme au nom de l’islam concerne plusieurs régions d’Afrique avec plusieurs groupes qui ont fait allégeance à Daech, mais il y a aussi AQMI, les Shebabs et d’autres. L’Afrique est-elle un terrain propice pour ces groupes ?
Mathieu Guidère : L’Afrique présente certes de nombreux problèmes sociaux, politiques et économiques qui favorisent l’activité de ces groupes mais elle n’est pas pour autant plus touchée que le Proche ou le Moyen-Orient, du moins pour l’instant. Mais il est certain que si le brasier syro-irakien venait à s’éteindre, l’Afrique se retrouverait au premier plan avec un terreau favorable et des groupes renforcés par des années d’activité clandestine et d’actions armées.
Les frappes de la coalition américaine contre Daech en Irak explique-t-elles l’implantation du groupe en Afrique ?
Il est clair que les frappes de la coalition ont donné à Daech une visibilité inédite et un écho international alors qu’avant l’été 2014, ce n’était qu’un groupe djihadiste parmi tant d’autres dans le chaos syrien. Mais Daech s’est aussi implanté en Afrique parce qu’il se distingue des groupes existants par un nouvel agenda politique, celui de la restauration du califat et de l’unification des territoires musulmans sous une même autorité spirituelle. C’est cette idée de califat qui est en train de rallier l’essentiel des troupes djihadistes. (Sourc : L´Observateur du Maroc/30.08.15)