Islam et non-violence : Jawdat Saïd, le Gandhi syrien
La sauvagerie et la terreur répandues par l’Etat Islamique et autres groupuscules prétendant tuer « au nom de l’islam » peuvent parfois engendrer dans nos esprits un amalgame équivoque entre « islam » et « violence ». Pourtant, l’existence de ces individus fanatiques ne doit pas nous faire méconnaître la richesse d’une tradition qui, au cours du dernier siècle, a également fécondé la réflexion de grands penseurs et réformateurs1. Parmi eux, nous évoquerons ici la figure de Jawdat Saʿïd, celui que ses compatriotes ont surnommé le « Gandhi syrien », et qui, depuis les années 1960, a développé le concept de non-violence (lā ʿunf) en islam.
Syrien d’origine tcherkesse, né en 1931 à B’ir ʿAjam, dans le Golan, Jawdat Saʿïd a étudié à Al-Azhar durant une dizaine d’années. De retour en Syrie, il est arrêté à plusieurs reprises pour ses activités intellectuelles et son activisme politique et se trouve finalement dépossédé du droit d’enseigner. (Source: Chrétiens de la Méditerranée/Lundi 31 août 2015/Florence Ollivry-Dumairieh)
Khaled Bentounès « si Dieu est un, la famille humaine ne peut être qu’une ! »
Le cheikh Khaled Bentounès, 66 ans, chef spirituel musulman soufi, est un ardent promoteur du rapprochement intercommunautaire. De passage à l’Unesco fin septembre, le sage algérien a accordé une interview exclusive à Aleteia.
Aleteia : Vous êtes musulman soufi. Quelle définition donneriez-vous du soufisme à un chrétien ? Cheikh Khaled Bentounès : Le soufisme est l’islam spirituel. Le prophète Mohamed, en recevant les messages de Dieu, avait un corps et un cœur. Le corps est la lettre : des textes, des lois, des dogmes. Ces lois ont un sens, un intérieur qui est la spiritualité. Elle vient nourrir et élever l’homme. Un corps sans âme est inerte et ne sert à rien. Le soufisme est le cœur de l’islam, ce qui donne sens à nos prières et nous mène vers l’amour.
Face à tous ces clivages entre les hommes, qu’ils soient politiques, culturels ou religieux, un rapprochement entre les êtres humains est-il seulement envisageable ? Dans notre monde en pleine mutation, il est urgent de créer du lien. Le changement auquel nous sommes confrontés semble inquiétant pour beaucoup. Sachons tirer des leçons du passé en ne perdant pas de vue cet objectif : que pouvons-nous apporter de positif à l’humanité ?
Dieu nous a fait confiance en nous créant : sommes-nous dignes de cette confiance et de ce souffle de l’Esprit qu’Il nous a confié ? Si Dieu est Un, la famille humaine ne peut alors être qu’une ! La Torah, la Bible, le Coran nous parlent tous d’Adam et Ève comme étant les prototypes du père et la mère de l’humanité, le couple dont est né la multitude des êtres humains dans leur différence de couleurs, de cultures, de traditions… Réussir à voir en l’autre une partie de nous-même, parce que nous faisons tous deux partie de la famille humaine, fera tomber de nombreux voiles et de nombreux tabous.
Cette fraternité humaine que vous appelez de vos vœux ne peut-elle être atteinte qu’au niveau spirituel ? C’est en tout cas ce à quoi nous invitent les spirituels. Le spirituel n’est pas déconnecté du réel. Il est au contraire ce qui permet de nous renforcer dans notre vie quotidienne : comment regarder l’autre, comment l’inviter à être présent dans notre vie sans qu’il soit pour nous un problème, etc.
Quelle différence faites-vous entre l’islam spirituel, qui était une partie de l’intitulé du colloque organisé à l’Unesco à la fin du mois de septembre, et l’islam tel qu’on l’entend traditionnellement ? Ce n’est pas traditionnellement justement, mais idéologiquement ! Le problème est là. Nous sommes face à deux réalités : une première politique et idéologique, et une autre spirituelle. C’est cette dernière qui se rattache à l’essence du message universel. Mais elle est peu connue du grand public et, malheureusement, des musulmans eux-mêmes. (Source : Aleteia 16.10.15 Mathilde Rambaud)
La suite de l´entretien :
Médiateur interculturel, une idée prometteuse pour le dialogue entre musulmans et non-musulmans
Une étude menée par une équipe de chercheurs du Centre Interdisciplinaire d’Etudes de l’Islam dans le Monde Contemporain (CISMOC) a tenté de mettre à jour les bonnes pratiques en matière de dialogue entre musulmans et non musulmans. Financée par la Fondation Roi Baudouin, l’objectif était de donner et/ou de susciter de nouvelles initiatives visant à atténuer les tensions croissantes entre ces personnes de sensibilités différentes, exacerbées par l’actualité.
Pendant un an (en 2013, et donc avant l’affaire “Charlie Hebdo”), ces chercheurs ont parcouru la Belgique à la recherche de projets visant à améliorer ce dialogue.
Leur conclusion est qu’“il n’y a pas de bonnes pratiques, mais des idées prometteuses”, explique Brigitte Maréchal, une des coauteurs de la recherche et directrice du CISMOC.
“Les idées prometteuses sont vraiment celles qui, d’une certaine manière, permettent d’accroître la confiance, permettent la connaissance de l’autre dans un sens de réciprocité ; des pratiques qui permettent également d’améliorer les manières d’être ensemble. Donc, ce ne sont pas nécessairement des grands projets dans lesquels on va investir beaucoup d’argent, beaucoup de temps, etc. Parfois, ce sont aussi simplement des attitudes de changement que l’on promeut dans la relation à l’autre. Ce sont aussi des actions qui, de manière générale, permettent d’assurer de meilleures relations dans une longue durée avec un investissement des personnes”.
Pour appuyer ses propos, elle donne en exemple un animateur d’une Maison des jeunes qui, pour combattre les propos sexistes, a fait venir une équipe de foot de filles pour jouer avec ces jeunes qui disaient ne trouver personne pour jouer au foot et qui n’avaient certainement jamais envisagé le fait de pouvoir jouer avec des filles. Une façon originale de lutter contre les préjugés. (Source: RTBF/Céline Biourge Publié le vendredi 23 octobre 2015 à 15h46