« l’état islamique propose une vie plus excitante que de travailler au mcdonald’s »
Jason Burke est l’un des meilleurs spécialistes anglo-saxons du terrorisme islamiste. Il explique l’attrait de l’idéologie du djihad auprès des jeunes Européens issus de l’immigration Déjà quatorze ans que l’Occident est engagé dans une «guerre contre le terrorisme» qui semble ne jamais finir. Loin d’être anéanti, le mouvement djihadiste séduit une frange de jeunes Européens, dont certains finissent par retourner leurs armes contre leurs concitoyens. D’où vient ce phénomène? Comment le stopper? Les réponses de Jason Burke, spécialiste du djihadisme au Guardian et auteur d’un livre sur la «Nouvelle Menace» de l’islam radical.
Le Temps: On croyait le djihadisme écrasé avec la mort de Ben Laden. Or la menace semble plus virulente que jamais. Qu’a-t-on fait de faux?
Jason Burke: On n’a rien fait de faux. En 2009-2010, la situation était relativement positive. Al-Qaida avait été décimée, Oussama ben Laden a été tué en 2011. Le soutien à Al-Qaida et ses filiales, leur terrain d’implantation étaient très limités – Yemen, Somalie, un bout de l’Afghanistan et du Pakistan, mais rien de stratégique. Ce qui a mal tourné, ce n’est pas ce que l’Occident a fait, mais les suites du printemps arabe. Cela a tout changé. L’Etat islamique a pu s’étendre grâce à un gouvernement chiite sectaire, obtus et incompétent en Irak, et grâce à la guerre civile en Syrie avec l’anarchie qu’elle a créée. Ces deux événements ont créé un vide qu’il a pu remplir, une opportunité qu’al-Bagdadi et les dirigeants de l’EI ont exploité habilement. On est entré dans un nouveau cycle de l’islamisme. (Le Temps.ch/19.11.15/Sylvain Besson)
Pourquoi doit-on aider l’afrique contre l’islamisme?
François Clemenceau, rédacteur en chef au JDD, revient, à l’occasion de son Grand angle diplo de la semaine, sur le 2e Forum de Dakar sur la paix et la sécurité qui s’est tenu la semaine dernière, avant les attentats de Paris et la prise d’otages meurtrière à Bamako.
Le 2e Forum de Dakar sur la paix et la sécurité qui s’est achevé au Sénégal mardi 10 novembre dernier a mis en lumière une angoisse collective face à un sujet qui a longtemps été tabou, celui de l’islamisation des sociétés africaines. Un défi que plus aucun pays ne peut résoudre seul, surtout lorsqu’il se transforme en menace terroriste.
Il y a dix-huit mois, le président sénégalais Macky Sall estimait lors d’une interview au JDD que l’islam sénégalais était un rempart contre les intégrismes venus d’ailleurs. Et pourtant, à la veille de ce Forum il a fait arrêter plusieurs prédicateurs pour activité terroriste. Pour lui, la répression ou les interventions militaires au Sahel ne suffiront pas. Sans développement économique, sans justice sociale, sans éducation, les jeunes africains resteront tentés par l’aventure de la migration ou du terrorisme, fut-ce au péril de leur vie.
La difficulté, c’est que l’islamisme se répand de plus en plus facilement dans ce continent : que ce soit par des financements ou des dons de l’étranger, le passage de frontières poreuses, ou l’exploitation de clivages ethniques. C’est donc aux gouvernements de faire des efforts régaliens qui passent aussi par une meilleure gouvernance, notamment dans la lutte contre la corruption. (Le JDD/22.11.15/François Clemenceau)
Annie laurent : « l’islam est fragile »
Annie Laurent décrit l’islam contemporain comme une religion en proie à une crise profonde, qui pourrait remettre en cause jusqu’à son existence même. Annie Laurent est écrivain, journaliste et spécialiste du Moyen-Orient. Titulaire d’une maîtrise en Droit international, elle a obtenu un doctorat d’État en sciences politiques pour sa thèse sur « Le Liban et son voisinage ». Elle est, entre autres, l’auteur de L’islam peut-il rendre l’homme heureux ?, aux éditions Artège. Le pape Benoît XVI l’a nommée experte au synode spécial des évêques pour le Moyen-Orient qui s’est tenu à Rome en octobre 2010. Elle a fondé un site consacré aux rapports du christianisme avec l’islam : association Clarifier.
Aleteia : L’islam est actuellement associé à une série d’événements désastreux : terrorisme, disparition des chrétiens d’Orient, etc. Comment l’expliquez-vous ? Annie Laurent : L’islam connaît en ce moment une profonde remise en cause. Les musulmans ont accès à Internet partout dans le monde, même en Arabie saoudite ; ils voient d’autres formes de pensées, d’autres façons d’appréhender la religion. Une partie d’entre eux vivent dans des pays dont les racines sont chrétiennes, et cela se traduit naturellement par des interrogations sur leurs propres racines. Certains notamment sont agacés par la prétention de l’islam à régir leur vie avec des règles arbitraires. Chaque année, au Maroc, des jeunes gens mangent dans des squares en plein ramadan, bravant l’interdit religieux. Ils sont d’ailleurs régulièrement arrêtés par la police.