« l’état islamique est une entité éminemment postmoderne »

postmoderne islamisme L’Institut des sciences-politiques de l’Université Saint-Joseph a organisé, les 14 et 15 avril 2016, une conférence internationale sur le thème : « Repenser les relations internationales après les révolutions arabes ». Cet événement exceptionnel, regroupant une trentaine d’intervenants, a donné lieu à de multiples débats, d’une qualité assez remarquable, sur les questions de l’interventionnisme, de la guerre globale contre le terrorisme, de l’islamisme et des contre-révolutions arabes. L’un des débats les plus intéressants s’est porté sur la question de l’identité de l’État islamique (EI), sur les raisons de son succès, les motivations des candidats au jihad et la meilleure façon de combattre cette organisation terroriste. Pour rendre compte de ce débat, L’Orient-Le Jour a rencontré Mohammad-Mahmoud Ould Mohamedou et Olivier Roy. Première partie aujourd’hui de ce débat, brûlant d’actualité, avec l’interview de M. Ould Mohamedou.

Dans quelle mesure l’État islamique s’inscrit-il dans une logique de continuité par rapport à el-Qaëda ?

Le monde se réveille, les médias s’intéressent et les experts se redéploient, lorsque Mossoul tombe en juin 2014 et que, tout d’un coup, on découvre l’acronyme « Isis/EI ». Dès lors, on oublie el-Qaëda et on décrète que cette organisation, qu’on a étudiée pendant 15 ans, est derechef passée de mode. Mais « passée de mode » ne veut rien dire fondamentalement, puisque précisément la violence enfantée par el-Qaëda a été remise à jour et transcendée par l’EI. L’EI a certes donné un coup de vieux à el-Qaëda. Mais l’EI s’inscrit d’abord dans une logique de continuité au niveau de l’inspiration et non au niveau de son mode opératoire, par rapport à el-Qaëda. De nombreuses vidéos de l’EI rendent hommage à Ben Laden et Zarkaoui (Abou Moussab el-Zarkaoui était responsable de la branche d’el-Qaëda en Irak) qui représentent la double matrice du mouvement. Ben Laden est la figure référentielle aux niveaux philosophique, politique et religieux. Zarkaoui est la figure référentielle au niveau du mode opératoire, de la violence, de la militarisation. Mais c’est également lui, le Jordanien, qui a contribué à faire de l’Irak une place centrale pour el-Qaëda. Mais, dans le même temps, l’État islamique critique l’actuel leader d’el-Qaëda, Ayman el-Zawahiri… (Source: L´Orient le Jour/18/04/2016.Propos recueillis par Anthony SAMRANI | OLJ)

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«le wahhabisme est une tumeur maligne»   Soheib Bencheikh

salafisme(…) A défaut de clergé qui accapare et définit le dogme, la seule autorité dans la religion musulmane est le Coran, c’est-à-dire le texte. Mais qui dit texte dit un objet par définition interprétable. Or, le seul outil que possède l’homme pour interpréter un texte est son intelligence.

 Vous avez eu à rencontrer le penseur de l’islam Tariq Ramadan – petit-fils de Hassan El Banna, fondateur du mouvement des Frères musulmans en Égypte –, coqueluche des médias français. Votre jugement sur le personnage est sans appel, parce qu’il n’a pas fait avancer la cause de l’islam et vous dites : «Un intégriste qui a une vision totalitaire, un crime que de le mettre en contact avec la jeunesse»…

Je ne sais pas s’il est un penseur ou s’il a des idées fortes à défendre. Il est accusé de pratiquer le double langage puisqu’apparemment il change son discours selon que son auditoire soit musulman ou pas. Mais pour moi l’homme est tout simplement un islamiste, c’est-à-dire il utilise l’islam à des fins politiques. «Man chabaha abahou fa ma dhalam», c’est le petit-fils de Hassan El Banna et il ne le renie pas. Au contraire, il va jusqu’à l’honorer au détriment de la vérité historique, ce qui relève de l’escroquerie intellectuelle. Et d’ailleurs il a intitulé sa thèse de doctorat qu’il n’a pas soutenue : «Le réformisme musulman, d’El Afghani à El Banna» en incrustant sans pudeur El Banna parmi les illustres noms de la Nahda ! Ce monsieur qui n’est pas un théologien ne fait que galvaniser les jeunes musulmans en mal d’identité, c’est-à-dire les jeunes Franco-Maghrébins des banlieues en flattant leur sentiment religieux.  (…) (Source: Le Soir d´Algérie/Soheib Bencheikh ) 

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Les «molenbeek français»: trois villes derrière les amalgames

d´autres Molenbeek«Libération» s’est rendu dans trois communes accusées d’être des «Molenbeek à la française»: Saint-Denis, Roubaix et Lunel. Les soupçons de communautarisme résistent mal à l’épreuve du terrain.

Un «Molenbeek à la française», ça veut dire quoi ? Dans la bouche de Patrick Kanner, ministre de la Ville qui a été un des premiers à utiliser cette image pour alerter sur des foyers potentiels du terrorisme islamiste en France, cette expression signifie «une concentration énorme de pauvreté et de chômage», «un système ultracommunautariste, un système mafieux avec une économie souterraine», «un système où les services publics ont disparu depuis longtemps». Mais pour qui s’est rendu dans cette commune de Bruxelles de 95 000 habitants, personne ne parlera d’une zone de non-droit présentant un visage unique. Mais plutôt d’une ville à la fois théâtre de fortes disparités sociales et agrégat de nombreux petits quartiers à la sociologie très contrastée. On y voit de jolies maisons à deux étages, des boucheries hallal, des boutiques de vêtements «pudiques», quelques échoppes, des cyber-cafés, beaucoup de logements sociaux. L’islam et les femmes voilées sont présents dans certaines rues, complètement absents dans d’autres. La commune compte 24 mosquées, mais aussi un château, des parcs, plusieurs bâtiments classés, des musées, ateliers d’artistes… Loin donc de la carte postale apocalyptique qu’on veut bien nous décrire et qui a pourtant été la base arrière des équipes responsables des attentats du 13 novembre en France et du 22 mars à Bruxelles.

Des sujets aussi importants que le terrorisme, l’islamisme et le jihadisme méritent mieux que des caricatures. Oui, la réalité est plus compliquée qu’il n’y paraît, et dire cela n’est pas un refuge pour éviter de la regarder en face. Bien au contraire, la facilité, c’est de désigner à la vindicte des communes où les lois républicaines continuent de s’appliquer quoi qu’on en dise. Saint-Denis, Argenteuil, Roubaix, Sevran… Elles sont ainsi une centaines de villes montrées du doigt comme sources principales des maux qui nous traversent. Trop facile. (Source : Libération/10.04.16/Par David Carzon)

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