Le mouvement Ennahda présidé par Rachid Gannouchi en Tunisie a réalisé la semaine dernière son 10e congrès

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Le mouvement Ennahda présidé par Rachid Gannouchi en Tunisie a réalisé la semaine dernière son 10e congrès. Ce congrès avait une importance du point de vue de l’histoire du mouvement et de l’histoire politique de la Tunisie.  Lors de ce congrès, la transformation d’un mouvement islamique politique en parti politique démocrate musulman a été adoptée. La décision prise par le mouvement Ennahda a causé certaines réactions. Les médias et think-tank occidentaux ont considéré cette décision comme la fin de l’islamisme. Quant aux écrivains islamistes, ils ont critiqué la décision d’Ennahda et affirmé que le mouvement Ennahda sortait de sa trajectoire. Mais il est nécessaire de voir dans quel contexte a été prise cette décision afin d’analyser la situation. Sinon toutes les analyses ne seront que « des spéculations ». Il faut voir les trois côtés de cette situation pour une véritable analyse : la perception de l’islam dans le système international, la façon de voir l’islam politique du point de vue des équilibres au Moyen-Orient et les dynamiques intérieures de la Tunisie. A la fin de la guerre froide et du déclin du système soviétique, l’islam politique ou l’islamisme a été mis en place à la place du communisme. Autrement dit, le monde occidental a considéré l’islamisme comme son autre nouveau à la place du communisme. Le danger vert a remplacé le danger rouge. Cela était plus évident suite aux attentats du 11 septembre.

Même si les regards étaient fixés plutôt sur les mouvements acceptant la violence comme leur méthode, l’islamisme politique était en général un fait marginalisé. Cela a causé une indifférence aux politiques de pression contre les formations islamiques politiques. La défaite considérable de l’Egypte et de la Syrie suite à la guerre israélo-arabe de 1967 a causé la crise de légitimité du nationalisme arabe. Les mouvements islamiques ont comblé le vide causé par cette crise. Le fait que les mouvements islamiques aient créé un important potentiel d’opposition a aussi causé des politiques de pression des régimes autoritaires sur ces mouvements. En même temps, le fait que l’islamisme ait été mis à la place du communisme dans la perception de menace de l’Occident a été une faveur politique pour les régimes autoritaires. La présence des régimes autoritaires dans la région, indispensable pour les intérêts nationaux des Etats occidentaux, a toujours été portée à l’actualité. L’effet politique et psychologique de la Révolution iranienne en 1979 a renforcé cette faveur. La révolution iranienne a causé une nouvelle guerre froide dans la région. La tension entre l’Iran et les Etats-Unis a durci les positions des régimes autoritaires conservateurs face à l’islamisme politique.La performance des partis islamistes lors des élections « indépendantes », tenues suite au Printemps arabe, a rendu la situation plus compliquée. L’arrivée des Frères musulmans au pouvoir en Egypte a causé la question de légitimité idéologique et populaire dans les régimes autoritaires. Le coup d’Etat en Egypte et la guerre civile connue en Libye se sont avérés à la suite de cette perception de menace. Dans ces conditions, Ennahda a senti une menace face à sa présence en Tunisie. (Source :TRT/08.06.2016 ~ 08.06.2016 )

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Tunisie, le redéploiement stratégique des islamistes

06/06/2016 by Leave a Comment
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Le parti islamiste Ennahdha annonce qu’il fait peau neuve à l’issue de son 10e congrès, sous la bannière de la « Démocratie musulmane ». Échaudée par l’échec des Frères musulmans en Égypte, la formation tunisienne serait à la recherche d’une voie apaisée pour porter son leader à la tête de l’État.Les islamistes tunisiens créent la surprise : ils annoncent un tournant doctrinal qui interroge une société civile traumatisée par une succession d’attentats revendiquées par des groupes armés affiliés à «l’État islamique». Le 10e congrès de leur parti – Ennahda, environ 100 000 adhérents –, qui s’est tenu du 20 au 22 mai, a consacré une volonté de sortir de « l’Islam politique » pour entrer dans l’ère de la «démocratie musulmane». Explication de ce changement de cap avancée par Rached Ghannouchi, président et cofondateur du parti Ennahda: « La Constitution de 2014 a imposé des limites à l’extrémisme laïc tout comme à l’extrémisme religieux. Il n’y a plus de justification à l’islam politique en Tunisie», déclare-t-il dans un entretien accordé, mercredi 18 mai, au journal « Le Monde ». « En outre, ce concept d’islam politique a été défiguré par l’extrémisme véhiculé par al-Qaida et Daech. D’où la nécessité de bien montrer la différence entre la démocratie musulmane, dont nous nous réclamons, et l’islam djihadiste extrémiste, dont nous voulons nous éloigner plus encore », précise-t-il dans le même entretien. Et pour mieux se faire comprendre par les occidentaux, Ghannouchi prend comme exemple la « démocratie chrétienne ». Quelle est la réalité de ce tournant et quelles peuvent en être les retombées au plan politique et sur l’Islamisme au Maghreb ?(Source : Mediaerranée/31.05.16/ Par Nadjib Touaibia)

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Tunisie, la laïcité en devenir ?...

Tunisie

Si, en Tunisie, une grande partie de la jeunesse s’est engagée dans la laïcité, il n’en est pas moins vrai que l’espace public est envahi par des cohortes de prêcheurs d’un autre temps. Une véritable déferlante islamiste qui contredit de façon criante l’image que veulent donner les médias français de la république tunisienne. Le professeur Mohamed Boukhari, sociologue et fondateur du PPRT, Parti Progressiste Républicain Tunisien, expose sans complaisance et avec l’objectivité qu’on lui connaît la situation d’un état failli et dresse un inventaire des échecs de la révolution du jasmin.

Remarquons d’entrée de jeu que la culture politique en Tunisie n’est ni démocratique, ni moderniste, ni laïque. En effet, la culture politique prédominante de la société tunisienne et de sa scène politique est gorgée d’archaïsme, d’hypocrisie sociale, de religiosité déculturée et d’ignorance sacrée : « la sainte ignorance »(1) comme l’explique très bien Olivier Roy. L’image rendue par les medias occidentaux – et particulièrement français – de la société tunisienne est une image simpliste, voire même fausse. La Tunisie est présentée comme étant cette opposition laïcs contre islamistes. C’était déjà le cas lors des élections législatives du 26 octobre 2014: « Le parti laïc Nidaa Tounès remporte les élections »(2), «  La Tunisie vote laïque » (3). Il faut souligner le fait que, lors des élections de l’assemblée constituante du 23 octobre 2011, personne n’a proposé un véritable débat sur la laïcité pour éclairer les électeurs. On a eu droit à «un état civil», et à la fable populiste « il faut ménager la sensibilité du peuple ». Dans ce climat de propagande islamiste anti-laïcité et de compromission des soi-disant modernistes qui se disent « hadathyoun », justement pour se démarquer du concept de modernité, la chaîne de télévision Nessma diffuse le film « Persépolis », jugé blasphématoire. Quelle aubaine pour le parti islamiste Ennahdha qui  monte au créneau et déclare que le film a « touché tout ce qui est sacré pour les Tunisiens » (4).

Dès lors, libre à  la déferlante islamiste d’envahir l’espace public par des cohortes de prêcheurs et prédicateurs d’un autre temps. La propagation des thèmes salafistes fait rentrer le pays dans un chaos organisé. La suite, on la connaît. Le pays recule sur tous les plans et devient le premier pourvoyeur des mercenaires pour tous les terrains où sévit le terrorisme. En aucun cas l’islamisme ne peut établir la démocratie et l’Etat moderne. Le fiasco du printemps tunisien est patent. L’Etat failli s’installe, la corruption est légion, le désordre et l’insécurité règnent. Force est de constater que le courant laïc et progressiste est minoritaire dans le pays. En effet, l’audience de la philosophie et de la philosophie des lumières, de la sociologie politique et de l’histoire est limitée. Le Tunisien ne lit pas. La majorité se contente de glaner des informations par le canal des réseaux sociaux ou des chaînes de télévisions, notamment celles qui véhiculent des idées archaïques présentées comme la quintessence de la pensée musulmane et qui n’est autre chose que l’idéologie des frères musulmans, du wahhâbisme et du salafisme ravageur. (Source :L´Alter Mag/3 Juin 2016/Par Mohamed Boukhari, sociologue)

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