« Je ne rougis pas de l’Evangile » [recension et interview]
En 2010/2011 le Diocèse de Versailles en France concluait son synode diocésain. Une de ses conclusions demandait « l’élaboration d’outils pour favoriser le dialogue interreligieux, en particulier pour les jeunes en âge scolaire ». Nous avons là cet outil, fruit d’un travail d’équipe ; c’est un document de nature catéchétique, destiné en premier lieu aux éducateurs chrétiens.
Nous ne pouvons que saluer cette bonne initiative pour faciliter la connaissance de l’Islam et la vie interreligieuse. C’est un livre en 13 chapitres ou leçons qui devront être utilisés à bon escient par chaque éducateur selon sa sensibilité et les besoins ressentis. Chacune des leçons est divisée en trois parties : Notre foi chrétienne / Regard chrétien sur ce que disent les Musulmans / Je transmets la joie d’être chrétien. On ne se place donc pas sur le terrain dogmatique (la vérité sur Dieu) mais sur le terrain de la vie : la joie d’être chrétien. On peut rester un peu hésitant sur le 2ème intitulé concernant le regard des musulmans. Il y a une grande variété au sein de l’Islam et une diversité de réactions par rapport au Christianisme. Le livre n’en tient pas assez compte.
Les chapitres sont agencés de manière didactique et peut-être pas assez pédagogique. Il peut paraître ardu de partir de la nature de Dieu et de Jésus. Il serait préférable de partir des aspects extérieurs et plus visibles de l’Islam comme la Coran (chap.4) Le Ramadan, la prière, les aumônes (chap.5) les interdits (chap.6).
Enfin, on peut rester sceptique en regardant le titre : « Je ne rougis pas de l’Evangile ». On donne l’impression de se placer tout de suite dans un contexte agressif. Je pense que les auteurs ont dû échanger avant de se fixer sur ce titre. Mais nous aurions préféré quelque chose comme : « La joie d’être chrétien. »
Quoi qu’il en soit, le diocèse de Versailles nous offre ici un document très utile et nécessaire au service de tous les enseignants de religion. Il est à souhaiter que d’autres enseignants utilisent ce livre, en parlent entre eux et l’améliorent selon les besoins ressentis par leurs jeunes.
Gilles Mathorel
« Je ne rougis pas de l’Evangile » Aider les jeunes chrétiens à dialoguer avec les musulmans. Par Xavier Chavane et Louis Pasteur Faye. Editions Mame – 2016 – 112 pages – 9.90€
Islamisation de l’Europe ou islam européen ?
« Les tentatives de réprimer l’islam, comme celle initiée par Atatürk, ont fait long feu. » En 407, Honorius, empereur romain d’Occident, décrétait l’interdiction du port des braies (pantalons) par les barbares devenus de plus en plus nombreux au sein de l’Empire. Cette réaction tardive contre un attribut vestimentaire, considéré comme un signe distinctif de défi identitaire au port traditionnel de la toge, n’eut bien sûr aucun effet sur le sort de Rome.
Trois ans après, en 410, survint le sac de la Ville éternelle par les Wisigoths d’Alaric. À entendre les cassandres du déclin de l’Europe et du péril musulman, il pourrait exister une analogie entre le sort de l’Empire romain et celui du vieux continent à la démographie en berne. Les musulmans représenteraient, pour emprunter la terminologie de Toynbee, un « prolétariat intérieur » et un « prolétariat extérieur » menaçant sa civilisation.
Alors que la chute de Rome fut attribuée par les païens au dépérissement de ses vertus viriles causé par l’apparition du christianisme et l’abandon de ses dieux protecteurs, certains auteurs affirment aujourd’hui que la crise de la culture européenne (titre d’un livre d’Hannah Arendt) ne saurait être conjurée que par la réaffirmation de ses valeurs judéo-chrétiennes. Et ils fustigent pêle-mêle la déchristianisation, l’individualisme, l’hédonisme, la permissivité, le matérialisme et même le socialisme, qui seraient la cause du délitement des valeurs qui ont formé l’ossature de la civilisation européenne.(Source : L´Orient Le Jour/10.07.16/ Ibrahim Tabet | OLJ)
Qui êtes-vous pour nous apprendre nos religions ?
Tous ceux et celles qui collaborent à l’éducation religieuse des jeunes seront intéressés par ce livre qui redonne les conférences de cette journée et quelques échos qu’elles ont pu susciter en réponse. Que ce soit le regard catholique, laïque, musulman, protestant ou orthodoxe.
On y retrouve, entre autres, une clarification des buts de l’éducation dont l’enjeu est beaucoup plus la connaissance des religions instituées en vue d’un meilleur « vivre ensemble » (50). Il ne s’agira donc pas d’enseigner une religion de manière confessante car il n’est pas dans le rôle de l’école « d’assigner à l’élève une identité religieuse exclusive » (54) Cependant, pourront dire d’autres, « une subjectivité affichée, de la part de l’enseignant, vaudrait mieux qu’une objectivité de façade » (70) Pour résumer, l’enseignement du fait religieux à l’école recherchera à promouvoir chez chaque élève « une distance critique par rapport à ses propres croyances ».(73)
Tout ceci prend place dans le cadre de la laïcité dont on parle suffisamment dans ce livre. Bernard Hort nous invite à distinguer la laïcité du laïcisme. Il précise que c’est l’Etat et non la société qui a vocation à être laïque (16-17). Par contre Walter Lesch se pose clairement en avocat d’une laïcité vindicative, dirons-nous. Pour lui, il faut « se libérer progressivement des limites dictées par les communautés religieuses »(31). Il faut lutter « contre l’empoisonnement des enfants par la religion » (38). Un peu plus loin Anne Laure Zwilling évoquera pour nous la laïcité d’incompétence opposée à la laïcité d’intelligence ; et avec Paul Ricœur la laïcité d’abstention opposée à la laïcité de confrontation. (66-67)
Un livre qui ne nous laissera pas indifférent avec enjeu principal la place du religieux et des religions dans la société de demain. Une invitation à réaliser que, dans les sociétés interreligieuses où nous vivons, personne ne peut s’improviser professeur de religion. Gilles Mathorel
Journée d’étude de la faculté universitaire de Théologie Protestante de Bruxelles : Qui êtes-vous pour nous apprendre nos religions ? Coordination : Guy Rainotte. Editions Academia L’Harmattan – 2016 – 110 pages – 13€