Un même Dieu? Oui, MAIS… ! (Article reçu)

PAIX par le DIALOGUE

Juifs, chrétiens, musulmans (dans l’ordre historique des religions), AVONS-NOUS LE MÊME DIEU? Réponse facile, pour ne pas en parler: « Oui, c’est la même ‘affaire’! » 2e réponse facile pour ne pas en parler: « Moi, je ne crois pas en Dieu. Alors je laisse les croyants en discuter. » Difficulté du langage quand on y pense: « Nous avons la MÊME chemise. » – « Nous avons le MÊME médecin. » Il s’agit bien d’un seul médecin alors que pour les chemises, il y en a forcément deux.

Autre difficulté pour le chrétien, c’est qu’il a le sentiment qu’il peut toucher Dieu, s’adresser à lui en tourte confiance comme un enfant à son papa (abba). Qu’il peut le dominer comme on en arrive à dominer son père quand on se rend compte qu’il est devenu malade, grabataire, mourant! Un Dieu si proche pour les uns  et un Dieu impossible à atteindre pour les autres? Certains aiment à dire: un Dieu TOUT-AUTRE.

Bon, pour ceux/celles qui veulent creuser cette question, voici des extraits d’une réflexion d’une religieuse chrétienne qui pratique et enseigne la rencontre, le dialogue, entre croyants de toutes les religions, surtout avec les musulmans et les juifs de France, à Marseille, dans les milieux de migration récente.

[… ]

Dieu : l’Unique est-il le même? (Article transmis le 1er octobre).

Professeure Colette Hamza, Religieuse Xavière de Marseille | revue EN DIALOGUE, France

Lorsque l’on parle de l’islam avec des chrétiens, la même question revient toujours:

«Avons-nous le même Dieu ?» Y aurait-il donc un Dieu des chrétiens et un Dieu des musulmans, comme titrent certains livres? Cela ferait deux dieux!

L’affirmation des trois monothéismes est pourtant claire.

« Écoute Israël, notre Dieu est l’Unique» répète le juif.

«Je crois en un seul Dieu» confesse le chrétien.

«Il n’y a de Dieu que Dieu» atteste le musulman.

Juifs, chrétiens et musulmans confessent ensemble le Dieu Unique.

C’est ce que redit le concile Vatican Il, Lumen gentium, au n°16: « Mais le dessein de salut enveloppe également ceux qui reconnaissent le Créateur, en tout premier lieu les musulmans qui, professant avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, futur juge des hommes au dernier jour.» Le texte du Concile utilise l’expression «adorent avec nous». Il s’agit donc bien de croyants tournés ensemble vers le Dieu créateur, vers l’Unique.

On peut relire cette belle parole du pape Jean Paul Il s’adressant aux populations de Kaduna, au Nigéria, en 1982: «Nous tous, chrétiens et musulmans […] croyons les uns et les autres en un seul Dieu, Créateur de l’homme. Nous adorons Dieu et professons une totale soumission à Lui. Donc, nous pouvons nous appeler au vrai sens des mots: frères et sœurs dans la foi au Dieu unique.» Juifs, chrétiens et musulmans, nous voilà donc «frères et sœurs  dans la foi au Dieu unique ».

MAIS L’UNIQUE EST-IL LE MÊME?

La tentation commune est toujours de chercher le même dans l’autre alors qu’en lui se trouve de l’irréductible. Que dire alors du Tout Autre qu’est Dieu ? L’Unique est-il le même? La question est-elle bien posée? Car le terme même est ambigu au point qu’il veuille dire parfois un et parfois deux. Si nous disons que nous  avons la même chemise, il y en a deux… Mais s’il s’agit du même médecin, il n’y a en a bien sûr qu’un! Comme le disait, en son temps, le pape Grégoire VII:

«Nous croyons et nous confessons un seul Dieu, même si nous le faisons de manières diverses, chaque jour, le louant et le vénérant comme créateur des siècles et souverain de ce monde.» Si Dieu est l’Unique, les croyants ne l’envisagent pas d’une unique manière. Mais l’étonnant, disait Mgr Jean-Marc Aveline, n’est pas qu’il y ait plusieurs chemins allant des hommes à Dieu mais plutôt la multiplicité des chemins que l’Unique emprunte pour aller vers chacun.

Dieu est l’Unique et nous sommes divers dans notre manière de le nommer, de l’adorer, de le prier.

Multiplicité des chemins qu’emprunte Dieu et qui mènent à Lui. Ils nous redisent que Dieu n’aime pas l’uniforme mais se plaît à la liberté de tous ses enfants qui le cherchent à tâtons. Nul n’atteint la totalité de la vérité de l’Unique. Les images qu’on en donne sont parfois brouillées, voire déformées. Chercher le même est au risque de réduire son image, son visage, et de vouloir mettre la main sur Lui. Il nous faut consentir à cet irréductible en Dieu lui-même et croire que la rencontre de l’autre peut nous révéler un visage, un nom, une manière de Dieu, que nous ne savions pas.

Dire que juifs, chrétiens et musulmans confessent le Dieu Un et Unique ne fait pas fi des différences. Mais il nous faut chercher ensemble comme l’évoquait Christian de Chergé  (moine assassiné en Algérie qui pratiquait la rencontre interreligieuse) en quoi ces différences ont « sens de communion ». Des différences qui ont un sens, une signification, comme autant de signes à déchiffrer que nous donne l’Unique. Des différences qui ont un sens et une direction, qui sont invitation à nous mettre en route, pour éviter de nous enfermer dans notre différence et de manquer la rencontre de l’autre et du Tout Autre.

Ces différences, accueillons-les comme une miséricorde qui renvoie au mystère de l’Unique. »

unique