Répartition mondiale des musulmans

 

« L’islam fédère 1,6 milliard de croyants, soit 23 % de la population mondiale ; une majorité d’entre eux se trouvent en Asie.

« Comment se répartissent sur le globe les musulmans, qui sont aujourd’hui au nombre d’1,6 milliard d’âmes, soit 23 % de la population mondiale ? La majorité d’entre eux (près de 62 %) vivent au Sud et au Sud-Est de l’Asie. Ils se trouvent ainsi à l’opposé de l’Afrique du Nord, du Moyen-Orient et de l’Asie centrale. Berceaux de la civilisation islamique du 7e au 10e siècle, ces régions ne regroupent aujourd’hui que quelque 20 % des fidèles d’Allah, soit guère plus que l’Afrique subsaharienne qui en compte 15,5 %. »

Lire la suite: Marc Gaborieau: « Où sont les musulmans ? » sur scienceshumaines.com, 23/11/16

 

Où sont les musulmans ?   

Mis à jour le

 

 

L’islam fédère 1,6 milliard de croyants, soit 23 % de la population mondiale ; une majorité d’entre eux se trouvent en Asie.

Comment se répartissent sur le globe les musulmans, qui sont aujourd’hui au nombre d’1,6 milliard d’âmes, soit 23 % de la population mondiale ? La majorité d’entre eux (près de 62 %) vivent au Sud et au Sud-Est de l’Asie. Ils se trouvent ainsi à l’opposé de l’Afrique du Nord, du Moyen-Orient et de l’Asie centrale. Berceaux de la civilisation islamique du 7e au 10e siècle, ces régions ne regroupent aujourd’hui que quelque 20 % des fidèles d’Allah, soit guère plus que l’Afrique subsaharienne qui en compte 15,5 %.

La seconde expansion de l’islam

Cette répartition sur le globe est le résultat de la seconde expansion de l’islam, à partir du 11e siècle, dans deux directions. Vers l’Orient d’abord. Par la conquête jusqu’à l’Inde, puis par les réseaux de commerce, dans des régions qui étaient parmi les plus peuplées et les plus riches du globe : le sous-continent indien et l’Asie du Sud-Est insulaire (actuelles Malaisie et Indonésie). Puis vers le sud, dans l’Afrique subsaharienne qui était moins peuplée : l’islamisation a progressé dans le Sahel, de l’Atlantique à l’océan Indien, puis le long de la côte orientale.

À l’issue de cette seconde expansion, le monde musulman, c’est-à-dire les pays où les musulmans sont en proportion significative, constitue un ensemble d’un seul tenant limité à l’Ancien Monde et en forme de croix : son axe majeur, d’ouest en est, va du Maroc et du Sénégal à l’Indonésie ; son axe perpendiculaire va du Kazakhstan et du Xinjiang (Chine), en Asie centrale, au Mozambique, au sud-est de l’Afrique. En revanche, les terres situées en dehors de cet ensemble ont été largement ignorées par l’islam : il est quasi absent des Amériques, de l’Afrique équatoriale et australe, de l’Europe (sauf les avancées arabes en Espagne et turque dans les Balkans), et de l’Asie boréale et orientale. Dans toutes ces zones, il est apparu au compte-gouttes à travers les réseaux de commerce et par les migrations. Ces dernières ont été forcées (esclavage, puis main-d’œuvre sous contrat) ou volontaires, ces dernières s’étant amplifiées après la Seconde Guerre mondiale.

Le contraste entre le monde musulman et les zones faiblement islamisées n’est nulle part aussi frappant que de part et d’autre de l’Himalaya, qui sépare les deux régions les plus peuplées de la planète, dépassant chacune le milliard d’individus. Au sud, le sous-continent indien est le centre de gravité démographique de l’islam : il abrite près du tiers des musulmans du monde, pas loin de 500 millions de personnes (soit plus de deux fois et demi la population de l’Indonésie, qui s’enorgueillit pourtant d’être le plus grand pays musulman du monde). Au nord, dans l’immense Chine tout aussi peuplée, les musulmans sont une faible minorité : autour de 25 millions de personnes (1,8 % de la population), moins qu’au Maroc où l’on compte 32 millions de musulmans.

Le monde musulman, terre de contraste

À l’échelle des grandes régions, la proportion de la population passée à l’islam connaît de larges variations. Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord sont islamisés à 93 % ; mais dès l’Afrique subsaharienne, on descend à 30 %, pour passer à 24,5 % en Asie, à 6 % en Europe, à 1 % en Amérique du Nord et 0,1 % en Amérique du Sud. Si l’on prend en considération la densité démographique, une surprise nous attend : dans le sous-continent indien, centre de gravité démographique du monde musulman, les fidèles d’Allah sont paradoxalement en minorité : à peine un tiers de la population totale. Ils sont répartis à peu près également entre l’Inde, le Pakistan et le Bangladesh ; mais, alors que le premier pays contient moins de 15 % de musulmans, les deux autres en comptent plus de 90 %, faisant mieux même que l’Indonésie (87 %).

Pour avoir une idée plus précise de la répartition des masses musulmanes sur la planète, on peut aussi classer les pays selon le nombre de fidèles qu’ils abritent, en ordre décroissant. Les quatre grands pays musulmans d’Asie du Sud et du Sud-Est déjà cités (Indonésie, Inde, Pakistan, Bangladesh) comptent chacun plus de 100 millions d’adhérents à l’islam, voire le double pour le premier. On redescend ensuite entre 80 et 70 millions avec le Nigeria, l’Égypte, la Turquie et l’Iran pour aboutir aux États les moins peuplés, qu’ils soient riches, comme l’Arabie Saoudite et le Koweït, ou parmi les plus déshérités, comme la Somalie – plus grande que la France, elle ne compte qu’une dizaine de millions d’habitants.

Soulignons enfin que le monde musulman renferme les plus grandes zones arides de la planète avec le Sahara, la péninsule arabique et les déserts d’Iran et d’Asie centrale. Par contraste, les terres d’Islam comportent aussi des espaces parmi les plus densément peuplées du globe. Sans compter la bande de Gaza qui représente un regroupement artificiel, la densité au kilomètre carré est de l’ordre de 1 000 habitants dans la vallée du Nil, au Bangladesh et sur l’île de Java en Indonésie.

Le monde musulman est donc une terre de contraste, entre les régions les plus désertiques et les plus densément peuplées de la planète. 

Les sikhs, entre islam et hindouisme

Les sikhs se reconnaissent à leur barbe, leur turban et leur nom de famille « Singh », « Lion ». Ils sont les disciples (sikh) de Gurû Nânak (1469-1529), poète de la province du Panjab (divisée en 1947 entre l’Inde et le Pakistan). L’Inde médiévale abondait de poésie mystique, œuvre de bardes en marge de la société, qui méprisaient les frontières entre les religions. Certains ne furent que poètes. D’autres fondèrent des sectes. Nânak établit une religion nouvelle, distincte de l’hindouisme et de l’islam, le sikhisme.

Les sikhs fondèrent leur propre État au Panjab avec Ranjit Singh (≈ 1799-1839). Annexés par les Britanniques en 1849, ils devinrent des piliers de l’armée et de l’administration ; ils modernisèrent leur religion. En 1947, lors de la Partition, ils furent chassés du Pakistan. Réfugiés dans le Panjab indien, ils s’y taillèrent leur propre division administrative, à défaut d’un État indépendant. Leur exil et leurs démêlés avec les gouvernements de l’Inde furent compensés par le rôle important – sans rapport avec leur nombre (20 millions, 2 % de la population) – qu’ils jouent dans l’armée, l’administration et l’économie de l’Inde, et dans les diasporas.

Le livre de Denis Matringe est illustré de traductions qui restituent la saveur des récits hagiographiques et des poèmes mystiques, consignés notamment dans l’Âdi granth, le livre sacré des sikhs. Nânak était un mystique soucieux de libérer ses fidèles des rites et règles des religions instituées pour atteindre directement la divinité unique et sans qualités. Il était pourtant plus proche de l’hindouisme que de l’islam. À ce dernier, il n’a guère emprunté que des poèmes soufis et le langar, réfectoire où tous mangent ensemble sans distinction de caste et de religion. De l’hindouisme, il a conservé la croyance fondamentale en la réincarnation, incompatible avec l’islam ; classés comme hindous, les sikhs ont dû opter pour l’Inde lors de la Partition Inde/Pakistan, en 1947. 

À lire

• Les Sikhs. Histoire et tradition des « Lions du Penjab »
Denis Matringe, Albin Michel, 2008.

Marc Gaborieau

Anthropologue, auteur notamment de Un autre islam. Inde, Pakistan, Bangladesh, Albin Michel, 2007.