L'Institut Al Mowafaqa entre dans sa cinquième année d’existence, et même sixième si l’on compte ce que nous appelions alors « l’année zéro » (2012-2013), consacrée à sa mise en place (élaboration des programmes, recherche des financements, sessions-tests). Nous sommes reconnaissants pour la confiance que tant d’amis ici au Maroc, en Europe et en Afrique, nous ont accordée alors, et maintiennent jusqu’à aujourd’hui.
Le rapport d’activités est l’occasion de mesurer le chemin parcouru. J’en extrais quelques chiffres : environ 300 étudiants réguliers formés depuis la création, auxquels s’ajoutent les participants de programmes ponctuels (session d’islamologie, formation des pasteurs des « Eglises de Maison » issues de la migration), les groupes extérieurs, le public des conférences, etc. 81 professeurs visiteurs, dont plusieurs universitaires marocains, ont servi ces diverses audiences. Pour l’année académique écoulée, ils étaient 36 enseignants dont 8 femmes, d’Europe (15), du Maroc (5) et d’autres pays d’Afrique (14), du Liban (2) – et quant à leur appartenance confessionnelle, protestants (15), catholiques (14), musulmans (5) et juifs (2).
Notre 3e promotion, accueillie en juillet, reflète la même diversité. Les 18 nouveaux étudiants représentent pas moins de 14 pays (Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Centrafrique, Congo Brazza, RD Congo, Côte d’Ivoire, Gambie, Guinée Bissau, Niger, Sénégal, Soudan du Sud, Tchad). Ils se répartissent en trois groupes distincts : 1° les candidats boursiers des Eglises au Maroc, alternant études et service des paroisses locales (4 catholiques et 3 protestants) ; 2° les candidats indépendants résidant au Maroc (5) ; 3° les candidats boursiers venus d’autres pays envoyés par leur Eglise (6). S’ajoutent encore quelques auditeurs libres.
L’effectif croissant, y compris d’étudiants venus spécialement d’autre pays, la diversification des origines ecclésiales (catholiques, protestants traditionnels ou pentecôtistes/ charismatiques), sont autant d’éléments qui confirment le rayonnement croissant d’Al Mowafaqa et la pertinence de son modèle de formation théologique « en dialogue », en particulier pour les pays où le christianisme est minoritaire et l’islam majoritaire. Une autre étape à venir, sans que l’on sache à quel horizon sera la possibilité d’accueillir des étudiants marocains - en religion ou en sciences sociales - souhaitant découvrir ou approfondir leur connaissance du christianisme et du judaïsme et de leurs héritages intellectuels, théologiques, spirituels. Le Maroc de par les évolutions internes de sa société, du fait aussi de l’ouverture croissante sur le continent africain et l’accueil de nouvelles populations, est exposé de façon inédite à la pluralité religieuse. D’autres pays du continent expérimentent quant à eux des tensions où les identités ethnico-religieuses sont dangereusement manipulées. Nos étudiants, et ceux qui les rejoindront en janvier prochain pour le Certificat, sont formés dans une « culture du dialogue », articulant l’approfondissement de sa propre tradition religieuse (y compris la manière d’en rendre compte à autrui) avec une connaissance des autres traditions et l’opportunité de les mettre en débat. Un point commun aux artisans du dialogue, c’est qu’ils sont souvent mal compris dans leur « camp » respectif, soupçonnés de confusion sinon de trahison. Nos étudiants retournent, ou retourneront un jour dans leur pays d’origine. Ils seront croyons-nous plus aptes à se poster sur les brèches pour promouvoir tant à l’échelle individuelle que collective, ce grand passage, indispensable pour assurer le bien commun? « d’une culture du rejet à une culture de la rencontre et de l’accueil, d’une culture du soupçon à une culture de la confiance » (Cardinal Tauran, message aux évêques de l’ASSERAC, Yaoundé, 8/7/2017).
BERNARD COYAULT | DIRECTEUR | NOVEMBRE 2017
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MICHELLE LAKPA, PROTESTANTE, IVOIRIENNE Je me nomme MICHELLE LAKPA, étudiante en 1ère année de licence de théologie à Al Mowafaqa et, parallèlement, doctorante en philosophie à l’Université Alassane Ouattara de Côte d'Ivoire. Ma présence à Al Mowafaqa est un rêve que je vis; d’abord comme chrétienne, ensuite comme philosophe, et enfin comme intellectuelle chrétienne et africaine.
C’est lors d’un séminaire international organisé par Campus pour Christ à Yamoussoukro, capitale politique de la Côte d’Ivoire, que j’ai compris la nécessité d’acquérir une connaissance intellectuelle de Dieu. A ce séminaire, Josh McDowell, auteur du livre Le verdict. Complément d'enquête, nous avait confrontés à la réalité de la faiblesse de notre croyance en Dieu, laquelle croyance, basée sur les sentiments, avait du mal à résister face à un discours rationnellement construit, fût-il erroné. Cet exercice m’a permis de réaliser combien il est important d’arriver à démontrer la pertinence de ma foi et d’emmener les jeunes intellectuels africains à s’adonner à cet exercice, gage d’une foi solide et vraie en Dieu.
Sur cette forte interpellation, j’ai formulé le désir de compléter ma formation philosophique par une formation théologique; et ma rencontre avec l’Institut Al Mowafaqa de Rabat a rendu ce rêve possible. Je ne pouvais pas espérer mieux et je crois avoir eu, au delà même de mes espérance.
Au-delà de ma posture de chrétienne qui avait été questionnée, la théologie m’est apparue avec certitude comme un complément indispensable et nécessaire pour équilibrer ma formation de philosophe. En effet, si la philosophie est l’amour de la sagesse, cette dernière est aussi l'une des métaphores de Dieu. En plus, apprendre le grec ancien, langue biblique et aussi langue artisane de la naissance de la philosophie grecque (européenne), est à la fois une aubaine et une nécessité pour ma recherche, tant en philosophie qu’en théologie. Enfin, le positionnement œcuménique de l’Institut Al Mowafaqa n’est pas sans m’inspirer des solutions possibles pour les défis contemporains que l’Afrique doit résoudre; des défis auxquels l’intellectuelle-chrétienne que je suis ne peut se soustraire.
MICHELLE LAKPA | ÉTUDIANTE EN THEOLOGIE L1 | NOVEMBRE 2017
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BEN-ZEVY MOUSSOUKOULA, CATHOLIQUE, CONGOLAIS
«Aimer c’est tout donner et se donner soi-même»
C’est le cœur plein de joie que j’écris ces lignes moi, Ben-Zevy Prince Moussoukoula Dreid, après avoir débuté en juillet la grande aventure Al Mowafaqa. Originaire de Pointe-Noire en République du Congo, j’avais pris dans cette ville, lors de ma confirmation, la décision de toujours servir le Seigneur (en chantant) partout où je serai. C’est dans cette optique que lorsque s’est présentée à moi l’opportunité de Le servir en étant agent pastoral pour le Diocèse de Rabat, j’ai sauté et croqué à pleines dents cette occasion.
La tâche d’agent pastoral associe théorie et pratique: nous acquérons le savoir en théologie chrétienne par la formation à l’Institut Œcuménique de Théologie Al Mowafaqa de Rabat et, le mettons à profit par la pastorale dans la ville de Beni-Mellal. Pour le monde dans lequel nous vivons, le dialogue interreligieux est d’une importance capitale pour le rétablissement de la paix et, c’est là le point fort de l’Institut.
Après des débuts assez intenses depuis juillet dernier, avec des cours d’introduction à la théologie et à la Bible, en plus des cours de langues (grec ancien et arabe), il est déjà évident que le parcours jusqu’à la licence de théologie est un vrai parcours du combattant qui se soldera, en plus du diplôme, par l’acquisition d’un immense bagage culturel et religieux.
Ce bagage que j’espère acquérir au terme de la formation, il me tarde de pouvoir le mettre au service des différentes communautés chrétiennes dans lesquelles je serais membre (particulièrement celles de mon pays), pour la formation des plus jeunes par la catéchèse qui est le second foyer de l’éducation chrétienne après la famille.
« Aimer c’est tout donner et se donner soi-même ». C’est avec les paroles de ce chant qui retentissent constamment en mon cœur, que je conclus ces lignes. Puisse le témoignage qu’elles portent vous encourager à vous mettre pleinement au service de notre Seigneur et Sauveur, Jésus-Christ. BEN-ZEVY MOUSSOUKOULA | ÉTUDIANT EN THOLOGIE L1 | NOVEMBRE 2017
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LE DR SAMUEL AMAGLO, PRÊTRE SALÉSIEN DE DON BOSCO, REJOINT L’ÉQUIPE PÉDAGOGIQUE DE L’INSTITUT AL MOWAFAQA. PORTRAIT ET PARCOURS D’UN ÉDUCATEUR ENGAGÉ POUR L’AFRIQUE ET LE DIALOGUE DES CULTURES.
La dynamique de croissance que connaît actuellement l’institut Al Mowafaqa est pour beaucoup liée à la diversité d’origines géographiques, de parcours académiques et de positionnements théologiques des enseignants qui, depuis la création de cet institut, lui donnent progressivement son ossature pédagogique et renforcent sa vision théologique pour l’œuvre des Eglises au Maroc et des Eglises d’Afrique. Un atout que l’arrivée du P. Samuel Amaglo vient encore renforcer.
Né en 1976 à Djotoé au Togo, le P. Samuel Komlanvi Amaglo est religieux, membre de la congrégation des Salésiens de Don Bosco. Après un diplôme d’études générales en philosophie et une licence en sciences de l’éducation, il a servi l’œuvre de Don Bosco pendant quelques années au Bénin avant d’aller poursuivre sa formation de théologie en Italie où il obtient en 2016 un doctorat en théologie missionnaire à l’Université Pontificale Urbaniana, dans la Cité du Vatican.
D’abord professeur assistant à la Faculté de Missiologie de l’Urbaniana, il arrive ensuite au Maroc en 2016 comme éducateur au sein de l’œuvre de Don Bosco, curé de la paroisse Christ-Roi de Kenitra et membre du corps enseignant de l’institut Al Mowafaqa.
Usant du dialogue éducatif comme approche pédagogique qui brise les barrières entre les protagonistes enseignants et enseignés, Samuel Amaglo arrive à partage avec une réelle convivialité ses connaissances théologiques, son attachement pour la mission de l’Église et son engagement pour l’Afrique. Une méthode qui fait de ses séances de cours avec les étudiants d’Al Mowafaqa des moments de causeries actives et d’échanges participatifs qui rappellent bien l’univers culturel africain tout en réalisant une performance dans la transmission du savoir et du savoir-faire aux étudiants qui ne manque jamais de satisfaire ces derniers. Son dernier ouvrage, Une perspective africaine de la mission chrétienne, parut récemment chez l’Harmattan, est un délicieux régal de l’approche que Samuel Amaglo propose pour le dialogue éducatif comme outil dans le dialogue œcuménique et le dialogue interreligieux, si chers à l’institut Al Mowafaqa.
HERMANN KENFACK | RESPONSABLE DE COMMUNICATION | NOVEMBRE 2017
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« A AL MOWAFAQA, J’AI COMPRIS QUE LE CHRISTIANISME ET L’ISLAM SONT APPELÉS À CHANGER ENSEMBLE LE DESTIN DE L’HUMANITÉ AUJOURD’HUI »
PAR ISIS KANGUDIE MANA
EXTRAIT
Comme beaucoup de chrétiens et chrétiennes en Afrique, j’ai vécu longtemps dans une indifférence tranquille à l’égard des musulmans et dans l’ignorance totale de la dynamique de leur foi. L’islam constituait un monde dont je voyais de temps en autres les adeptes à l’occasion des célébrations de leurs fêtes religieuses comme au Sénégal où j’ai passé quelques années de mon enfance, ainsi qu’à l’occasion de certaines rencontres islamo-chrétiennes sans grande signification à mes yeux, comme au Cameroun où j’ai fait mes études universitaires de théologie. J’ai été aussi confrontée aux tintamarres des stéréotypes sur les musulmans et le terrorisme en France, pendant mes années d’adolescence, quand l’islam fut à mes yeux un monde qui suscitait beaucoup de craintes et de peurs, une religion de la terreur dont il fallait se méfier, surtout quand on se trouvait devant des Maghrébins dont j’ai gardé longtemps en moi l’image d’hommes d’un autre monde, d’un autre univers et d’une autre structure mentale sans commune mesure avec le christianisme qui était le mien. Avec des phénomènes comme ceux d’A-Qaida, de Daesh et de Boko Haram, j’ai été confortée dans mon refus de nouer de relations véritablement humaines avec les musulmans que je rencontrais de plus en plus dans ma vie d’adulte. Même quand il arrivait que nous puissions nous retrouver dans des lieux de rencontre islamo-chrétienne, je me suis toujours enfermée dans une attitude de méfiance, comme si entre le monde musulman et monde chrétien le fossé était infranchissable. La seule manière de combler ce fossé, c’était de travailler à convertir les musulmans, tâches que de nombreux milieux chrétiens auxquels j’ai appartenu considéraient comme la seule attitude chrétienne à développer face à l’islam.
Au fond, je vivais un christianisme autiste. Je ne cherchais pas à connaitre la foi des musulmans ni à entrer dans leur univers. J’ignorais les principes qui structurent leur vie religieuse. J’étais séparée de leur monde spirituel et de la force de leur culture. L’immensité de leur monde, la profondeur de leurs croyances, la diversité de leurs visions de la réalité, les divisions de leurs perspectives d’existence et la richesse de leurs productions théologiques, philosophiques et culturelles, tout cela m’était inconnu. J’étais aveugle devant tout ce que je pouvais tirer de leurs trésors d’humanité comme chrétienne. Plus qu’aveugle, j’étais incapable de comprendre la foi islamique dans ses logiques essentielles et dans ses rêves vitaux. Ma formation, à l’institut Al Mowafaqa a été une forte expérience de guérison spirituelle et d’enrichissement humain où j’ai compris ce que l’aveugle né de l'Évangile avait affirmé : « J’étais aveugle, maintenant je vois » ( ). En six mois au Maroc, j’ai vécu un intense moment où mes oreilles se sont ouvertes. Mon intelligence a été libérée des méfiances, des stéréotypes, des peurs et des suspicions face à l’islam et au monde musulman. (...)
Je suis engagée aujourd’hui dans l’éducation des femmes chrétiennes et musulmanes au leadership politique et social. Il s’agit là d’un axe d’action qui devra donner aux femmes une idée forte de ce qu’il faut qu’elles deviennent en tant que chrétiennes et musulmanes dans la société congolaise aujourd’hui. La visée est de travailler dans cette perspective au niveau local, dans une perspective essentiellement inter-religieuse et interculturelle.
(...)
Pour conclure, je dois dire que ma formation à Al Mowafaqa a été une étape importante dans ma vie. Elle m’a donné une orientation qui sera désormais la mienne et qui me pousse à développer des actions pour :
- connaître et comprendre les autres religions, leur force de foi et leurs richesses culturelles ;
- dialoguer avec les autres croyants dans la perspective de la transformation sociale, particulièrement les musulmans qui, dans l’Afrique d’aujourd’hui, sont appelés à constituer avec les chrétiens de grandes forces du changement.
- assumer mes propres responsabilités sociales en ayant à cœur les grandes questions dans lesquelles chrétiens et musulmans sont interpellés ensemble : les relations entre religion et modernité, la lutte contre les terrorismes, la promotion de la paix et la construction d’une civilisation de la fraternité, de la convivialité et du bonheur communautaire.
ISIS KANGUDIE MANA | ANCIENNE ETUDIANTE, CERTIFICAT 2017 | NOV. 2017 LIRE L’INTÉGRALITÉ DE L'ARTICLE EN CLIQUANT ICI
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RÉSUMÉ
Le christianisme africain aujourd’hui correspond globalement aux contours confessionnels hérités de l’histoire des missions chrétiennes… et coloniales : catholiques romains, presbytériens, luthériens, méthodistes, etc. Même les nouvelles formes de christianisme regroupées dans l’appellation souvent vague d’Eglises de réveil n’échappent pas à ce fait : elles sont souvent coréennes, américaines, etc., avec une phobie du syncrétisme. Pourtant, les fidèles de ces Eglises, y compris parfois des pasteurs ayant un niveau de formation théologique respectable, ne savent même pas pourquoi ils s’identifient ainsi. La concurrence reflète bien plus souvent des soucis de territorialisation. Aussi remarque-t-on un réinvestissement de l’Église chrétienne par des formes de célébration, de pastorale et de comportements issus des croyances et pratiques ancestrales. Cela devient plus visible à l’occasion de la conquête et de conservation de l’autorité ou lorsque surviennent des problèmes existentiels tels que la maladie. Tout cela repose la question de la pertinence des identités confessionnelles pour les croyants africains. Est-il plus pertinent pour un croyant africain de se définir comme catholique, protestant… ou plutôt comme chrétien africain, en laissant à l’Esprit saint le soin d’utiliser des éléments des cultures pour enrichir la foi chrétienne ? L’histoire des vingt siècles de christianisme en Europe a-t-elle été autre chose que le produit de cette forme féconde de syncrétisme ?
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