Pédagogie du dialogue: la chose la plus importante
est que le message arrive (Pape François)
Durant sa traditionnelle conférence de presse dans l’avion, comme à chaque retour de voyage, le pape François a expliqué lui-même pourquoi il s’était abstenu d’utiliser le mot « Rohingya » au Myanmar,
« […] Comme lors de cet échange, dès lundi à Rangoun, avec le général Min Aung Hlaing, chef de l’armée birmane, dont il a reconnu qu’il s’était plus ou moins imposé. Mais « je ne ferme jamais la porte, a-t-il prévenu. ”Tu demandes à me parler, tu viens.” On gagne toujours à parler ». Et ce fut finalement « une belle conversation », a-t-il assuré aux journalistes. « Je ne peux pas en parler car c’était privé, mais je n’ai pas négocié la vérité. »[…] »
Il a aussi réussi à rencontrer personnellement des Rohingyas, condition pour son voyage:
« […] « Je savais que j’allais les rencontrer, mais pas où ni comment », a-t-il résumé, racontant les péripéties d’une rencontre avant laquelle il avait été conseillé aux Rohingyas de ne rien dire devant le pape, au point qu’il a dû se fâcher pour qu’on ne les évacue pas trop vite… « Je me suis mis en colère. J’ai répété “Respect, respect”. Et ils sont restés. »
Au cours de ce long moment avec chacun d’eux, « je commençais à sentir des choses à l’intérieur de moi », a-t-il confié, reconnaissant même avoir pleuré. « Je cherchais à ce que cela ne se voie pas. Eux pleuraient aussi. » […]
Extraits de l’article « Le pape estime avoir fait passer son message sur les Rohingyas » par Nicolas Senèze, La Croix, 04/12/17.
Pourquoi le pape François n’a-t-il pas utilisé le mot Rohingyas au Myanmar?
La plupart des médias occidentaux semblent choqués que le mot « Rohingya » n’ait pas été utilisé par le Pape lors de ses rencontres publiques au Myanmar.
Si cela peut être difficile à comprendre, ce n’est pas incompréhensible pour peu qu’on prenne la peine d’en chercher les raisons. En résumé, il s’agissait de ne pas « jeter d’huile sur le feu » tout en essayant de promouvoir l’espérance et de ne pas stigmatiser cette communauté qui, malgré l’ampleur de la persécution dont elle est l’objet, n’est pas la seule à être discriminée dans ce pays.
Sans nommer les Rohingyas, les discours du Pape ont été suffisamment clairs concernant les minorités opprimées du Myanmar… autant que ceux qu’il prononce à propos des marchands d’armes, en les nommant, mais qui ne sont pas aussi médiatisés, ni suivis d’effets…
Voici quelques articles pour nous éclairer sur cet aspect de la diplomatie vaticane, ou du moins papale.
ASIE/MYANMAR – Déclarations de l’Archevêque de Yangon à propos de la prochaine visite du Saint-Père dans le pays, Agenzia Fides, 25/09/17. Extrait:
Certains groupes sont déjà sur le pied de guerre. « Ashin Wirathu, le moine qui guide le mouvement bouddhiste Ma Ba Tha dénonce la visite papale comme instiguée politiquement » en affirmant que « il n’existe pas un groupe ethnique de Rohingyas dans notre pays ». D’autre part, « les partisans des Rohingyas attendent du Pape un avis sur la question » poursuit le Cardinal Bo.
A ce propos, pour éviter des tensions et ne pas déclencher de conflits sociaux et religieux, l’Eglise au Myanmar – explique le Cardinal – suggère au Pape François de « ne pas utiliser le terme Rohingya » mais de « parler des droits humanitaires des musulmans qui souffrent dans l’Etat de Rakhine, de la nécessité d’une solution durable, de l’adoption de solutions non violentes et de l’urgence d’une coopération régionale ».