L’Islam, une religion française (Compte-rendu)

Hakim El Karoui: L’Islam, une religion française

Gallimard – 283 pages – 24€

Les éditions Gallimard nous offrent ici un livre excellent qui pourra guider tous ceux et celles qui veulent se pencher sur les problèmes issus de la présence d’une forte présence de musulmans sur le sol français. L’auteur n’est pas un de ces « intellectuels médiatiques » auxquels il fait allusion en page 148. Loin de là. Il a déjà servi la France et son gouvernement en plusieurs occasions. À l’époque, il était déjà musulman dans la « sphère privée », nous dit-il ; mais avec les remous de la société actuelle, son islam apparaît maintenant dans la « sphère publique » (p.12). C’est dans ce contexte qu’il prend la plume.

Le premier chapitre nous invite à « un regard calme sur les musulmans de France ». Cela voudra dire ne pas fantasmer à propos du nombre de musulmans en France. Selon des statistiques sérieuses, ils ne sont que 5 millions en France et non 22 comme beaucoup veulent le croire ; ils représentent 5,6% de la population et non 30%. Et ceux qui abandonnent la religion musulmane semblent plus nombreux que ceux et celles qui s’y convertissent.

Le chapitre 2 se penche sur les précurseurs du renouveau de l’Islam en terre européenne. On assiste ainsi à la naissance d’un certain salafisme qui prône un retour à la tradition comme chemin de renouveau de l’Islam. Ce même sujet est repris au chapitre 3 avec la naissance de l’islamisme. Les projecteurs sont orientés sur cette société arabo-musulmane en plaine ébullition au contact du colonialisme et de la modernité à la française. Pour beaucoup vivant en France, cela les amènera à une double culture : la traditionnelle héritée de leurs ancêtres et la moderne de la France d’aujourd’hui. D’où un certain malaise vécu par beaucoup. Il ne faudrait pas alors qu’un certain déni de francité les renvois à leurs origines qu’ils ne connaissent pas (p.128). Tout ceci est un appel à trouver des solutions.

Le chapitre 4 nous donne une évocation des théories émises par plusieurs intellectuels médiatiquement populaires qui réagissent devant ces malaises de société dus à l’émigration. On trouvera là des points de repères intéressants sur Edwy Plenel, Jean Birbaum, Caroline Fourest, Éric Zemmour et bien d’autres encore. Le chapitre 5 étudie avec plus de détails le modèle français d’assimilation, un modèle qui veut se croire « universel » (p.185) et qui est mis à rude épreuve par toutes ces migrants et leur nouvelle culture dans laquelle bien souvent l’égalité fondamentale entre homme et femme est mise en jeu. Alors que faire ? L’histoire nous apprend que les migrants d’aujourd’hui ne sont pas les premiers et que l’on pourrait presque dire que chaque français a des ancêtres qui furent des migrants. Nous sommes donc face à un long combat à mener afin de « faire comprendre à la France la richesse de sa diversité qui ajoute plutôt qu’elle retranche » (p.218). Nous devons faire face à nos responsabilités.

Mais il reste de gros points d’interrogations : quel est le leader représentatif de l’Islam en France ? Le chapitre 6 nous donne alors un résumé de tout ce qui a été entrepris par différents gouvernements afin d’essayer d’organiser l’Islam en France ou de France. Ainsi le lecteur pourra trouver la traduction de tous les acronymes concernant les Musulmans et qui envahissent nos médias : CORIF – CRMF – CFCM – FNMF – UOIF – RMF – FIF – AMIF et bien d’autres encore.

Dans son ensemble, la situation reste bien confuse. Et notre auteur plaide avec force : « l’élection d’un Grand Imam de France s’impose. » (p.255) A lui et aux autres leaders de gérer tous les problèmes qui leur feront face. Tout de suite il en souligne deux. D’une part l’Islam en France brasse beaucoup d’argent. Il faut que cet argent soit géré en toute transparence. D’autre part, il y a un besoin d’enseigner officiellement la langue arabe en faisant bien attention à éviter l’amalgame entre arabité et islamité. (p.270)

Les derniers mots de l’auteur ne sont pas dénués d’optimisme. Pour lui, c’est la France qui change les musulmans beaucoup plus que les musulmans qui changeraient la France. (p.281) C’est alors que nous pourrons tous et toutes nous engager « pour que l’islam devienne naturellement ne religion française. » (p.281). C’est là tout un cheminement pour lequel ce livre de Hakim el Karoui pourrait devenir un bon compagnon de route.

 

Gilles Mathorel