L’Afrique demeure une terre de mission
(La Croix Africa)
Le père Donald Zagoré est un prêtre de la Société des missions africaines (SMA)
La Croix Africa propose périodiquement ses chroniques sur la religion en Afrique
L’Afrique est souvent, un peu trop précipitamment, présentée comme une terre de mission aguerrie, désormais prête à exporter son dynamisme de foi aux anciennes puissances missionnaires, notamment celles d’Europe.
Pour certains, l’Afrique peut – et doit même évangéliser l’Europe – tout comme elle-même, a été évangélisée par l’Europe dans les années 1800.
S’il est vrai que le christianisme en Afrique est très fort grâce à la vitalité de ses Églises et de sa jeunesse, force est de reconnaître que ce christianisme « bouillonnant » présente des limites importantes. Celles-ci laissent entrevoir la nécessité d’une approche beaucoup plus prudente, car au-delà des apparences, se cachent des vérités qui bousculent les plus importants fondements de la foi chrétienne.
Dissonance entre la foi professée et la foi vécue
Le point fondamental des graves dérives du christianisme en Afrique est la dissonance entre la foi professée et la foi vécue. Nos églises sont remplies, mais nos pays sont les plus divisés.
Les injustices, le manque de charité, le manque de fraternité, devenus éléments constitutifs de l’existence africaine montrent que les valeurs chrétiennes célébrées dans nos « bouillonnantes » églises sont loin d’être vécues dans nos cités.
L’homme africain semble se retrouver piégé entre deux états de vie : la vie à l’église et celle en dehors de l’église. La mission évangélisatrice doit travailler à réconcilier ces deux états de vie pour que les valeurs chrétiennes célébrées dans les lieux de culte soient vécues à la maison, en famille.
La dissonance entre la foi professée et la foi vécue se fait plus expressive dans le domaine culturel. Le problème est que le Christ et son Évangile sont acceptés non pas à la place des croyances religieuses traditionnelles mais en plus d’elles. Il se pratique un cumul de croyances, un syncrétisme. Cela se fait plus visible dans les moments de grandes souffrances tels que la maladie, la mort. Cette situation pourrait s’expliquer par conception que l’homme africain se fait de la religion. Celle-ci est uniquement perçue dans une dynamique utilitaire.
La foi en Jésus-Christ ne supporte pas de rajouts et d’amalgames
Pour Mgr Dominique Banlene Guigbile, (évêque de Dapaong au Togo) en Afrique, « une religion est jugée bonne ou mauvaise selon qu’elle répond ou non aux besoins de ses adeptes. Si elle ne donne pas satisfaction, on l’abandonne pour une autre ou on la modifie. D’où la tendance de l’Africain à la croyance cumulative qui consiste à adhérer à une nouvelle religion sans renoncer à ses croyances anciennes ».
Or « la foi en Jésus-Christ ne supporte pas de rajouts et d’amalgames. Il s’agit d’un choix radical qui, tout en tenant compte des Semences du Verbe présentes dans les cultures des peuples, évite toute compromission avec tout ce qui est contraire à la Vérité évangélique », ajoute encore l’évêque togolais.
Amener l’homme africain à faire ce choix radical est le défi majeur de l’évangélisation aujourd’hui.
Toutes ces réalités doivent nous rendre plus humbles et faire prendre conscience que le christianisme, tel que vécu en Afrique, est parfois loin de sa visée fondamentale et nécessite un travail d’évangélisation beaucoup plus en profondeur. Loin d’être une terre déjà évangélisée, l’Afrique demeure une terre à évangéliser, une terre de mission.
P. Donald Zagoré (SMA)
Source: [Un regard critique sur la religion en Afrique] : L’Afrique demeure une terre de mission, La Croix-Africa, 27/09/18.