Bénin : « Les nouveaux groupes religieux ont tendance
à abuser du droit à la liberté religieuse et à la liberté de religion » (La Croix Africa)
Le 23 août, la République du Bénin et le siège apostolique ont signé un accord-cadre qui fixe le cadre juridique de leurs relations.
Le père Fulgence Mehouenou, prêtre dans le diocèse de Parakou dans le nord du Bénin, spécialiste en droit civil et en droit canonique explique à La Croix Africa le contenu de cet accord.
La Croix Africa : Quelles sont les grandes lignes de l’accord-cadre ratifié le 23 août 2018 par la République du Bénin et le siège apostolique ?
Père Fulgence Mehouenou : Cet accord-cadre est une convention de droit international qui fixe « le cadre juridique des relations entre le Saint-Siège et la République du Bénin, ainsi qu’entre l’Église et l’État au Bénin ». Cette convention reconnaît, garantit et protège le droit fondamental à la liberté religieuse qui comprend le droit à la liberté de religion, à la liberté d’expression et à la liberté de manifestation.
Parmi les grandes avancées de l’accord-cadre, on peut noter la reconnaissance, en droit béninois, de la personnalité juridique privée et publique aux entités ecclésiales identifiées en droit canonique comme étant des personnes juridiques mais aussi le respect des lieux de culte et de l’identité catholique. L’accord garantit aussi, entre autres dispositions, le devoir de non-ingérence de l’État dans les nominations et dans la répartition des charges ecclésiastiques.
Concernant les initiatives d’intérêt public prises par l’Église catholique au Bénin, il reconnaît le droit à l’enseignement en garantissant le respect du caractère propre de l’enseignement catholique et garantit le droit de créer des institutions d’éducation, de formation professionnelle, de bienfaisance et d’assistance sociale dans le respect de la législation béninoise. En outre, l’Église peut désormais compter sur une contribution financière étatique à définir ainsi que des garanties domaniales, des concessions sur les taxes et les impôts.
Est-ce là une marque de reconnaissance en faveur de l’Église du Bénin ?
Père Fulgence Mehouenou : C’est la preuve de la reconnaissance officielle de l’engagement multiséculaire de l’Église catholique en faveur de la liberté religieuse et de sa contribution diplomatique, en qualité d’autorité morale et spirituelle, en faveur de la justice, de la paix et du développement.
D’autres arguments viennent justifier cette marque de reconnaissance de l’État béninois, à savoir l’importance numérique des chrétiens catholiques au sein de la population béninoise, l’enracinement profond et ancien dans l’espace public béninois d’institutions catholiques de bienfaisance et d’assistance sociale et, enfin, l’existence de relations diplomatiques entre le Siège Apostolique et l’État béninois avec accréditation d’un légat pontifical au Bénin et d’un ambassadeur du Bénin au Vatican.
Comment l’Église béninoise se porte-t-elle avec la prolifération de nouveaux groupes religieux ?
Père Fulgence Mehouenou : Plusieurs principes caractérisent le statut constitutionnel des religions au Bénin, à savoir la liberté des religions sous un régime béninois de pluralisme religieux dans un État laïc, l’égalité juridique des religions et, enfin, la liberté d’expression et d’œuvres de la part des religions. Le problème, c’est la définition de ce que le législateur béninois entend par « religion », par « groupes religieux » ou encore par « communautés religieuses ». Les sectes sont-elles aussi des « communautés religieuses », par exemple les grandes religions monothéistes ?
Les nouveaux groupes religieux ont tendance à abuser du droit à la liberté religieuse et à la liberté de religion. La liberté de religion implique le devoir de respecter la religion de l’autre. C’est pourquoi, il existe des situations où les pouvoirs publics sont même autorisés à apporter des restrictions légales à l’exercice de la liberté de religion.
Malgré tout, l’Église catholique au Bénin se porte bien. Il y a certes des difficultés et des crises mais il en est ainsi de toute vie et de toute société organisée. Ce qui fait la force de l’Église catholique depuis deux millénaires, c’est qu’elle est avant tout une œuvre humano-divine et Satan, l’accusateur, ne peut la déstabiliser. Parmi ceux qui quittent l’Église catholique, beaucoup reviennent et demandent leur réadmission. L’Église se doit d’être pour eux visage de la miséricorde divine.
Recueilli par Lucie Sarr
Source : Père Fulgence Mehouenou : « Les nouveaux groupes religieux ont tendance à abuser du droit à la liberté religieuse et à la liberté de religion » – La Croix Africa, 06/11/18