Introduction

Nous sommes confrontés aujourd'hui dans notre pastorale à ce problème épineux du mariage islamo-chrétien et nous voudrions attirer la vigilance des agents pastoraux, l'attention des Communautés Ecclésiales de Base, la prudence des filles chrétiennes et enfin la vigilance des parents dans leur devoir d'éducateurs.
Un constat objectif permet d'établir, sans risquer de beaucoup nous tromper, que le phénomène va en se multipliant, conforté par des filles désemparées devant la difficulté de se trouver un mari.
La présente fiche peut être utile dans les séances de préparation au mariage.

Le mariage traditionnel

Le mariage traditionnel présente beaucoup d'affinités avec le mariage musulman. Là aussi, la femme n'est pas l'égale de l'homme. Elle est la consolation de l'homme. Sa fécondité fait monter la cote de sa valeur.
Elle est le ciment qui assure et consolide l'amitié, la paix, le bienfait entre familles, ou même la valeur marchande pour s'acquitter de quelques lourds tributs.
Maintes normes régissent son vécu et se déteignent ou même affectent et défigurent le mariage chrétien ou bien musulman. Chrétiens et musulmans, en milieu rural pour la plupart, vivent selon ce régime du mariage traditionnel culturel. Aucune question matrimoniale n'est exempte du poids et de l'influence du mariage traditionnel : la place de la femme est à la cuisine, elle est faite pour avoir des enfants. Le nombre de femmes est illimité, selon la possibilité réelle de chaque mari.

Le mariage civil

Il est fort souhaitable que le mariage civil précède tout mariage religieux, aussi bien musulman que chrétien. Au Burkina, certains diocèses ont adopté ce même principe. Pastoralement, le mariage civil consolide l'indissolubilité du mariage.
Quel chemin suivre ?
1. Faire les salutations normales coutumières pour préparer un mariage, aussi bien traditionnel que musulman ou chrétien.
2. Faire les démarches prévues pour le mariage civil, selon les décrets du Code de la Famille (burkinabé) :
• Âge minimum de la fille (17 ans accomplis) et du garçon (19 ans accomplis) ;
• Liberté de consentement ;
• Enquête préliminaire de la mairie ou de la préfecture, avec affichage, pour savoir s'il n'y a pas déjà un autre mariage qu'on essaie de dissimuler ;
• Exiger l'option monogamique du mariage civil ;
• Visite médicale préalable, avec test du VIH SIDA recommandé.
Sans le mariage civil, en cas de décès accidentel, l'autre conjoint et les enfants n'ont aucun droit à recevoir des indemnités car, selon le code civil de la famille, seul le mariage civil est reconnu par l'État.
(Sans le mariage civil, le juge ne peut pas prendre la défense d'une femme maltraitée ou chassée par son mari, qui lui retire les enfants.)

Le mariage musulman

Le mariage musulman se présente sous la forme d'un contrat qui se scelle devant deux témoins masculins au minimum, dans une mosquée ou non, en présence ou en l'absence des deux époux. (Sourate 65 - la répudiation, 2). Chaque conjoint s'engage à honorer et respecter scrupuleusement les clauses matrimoniales.
Le Coran enseigne l'égalité foncière de l'homme et de la femme ; à la base de cette égalité, il y a, pour tous les croyants, une même dignité (Sourate 33 les coalisés, 35).
Mais la place de la femme dans la juridiction musulmane est reléguée à un statut inférieur. Elle ne peut prétendre à l'égalité avec l'homme. « Dieu créa la femme et l'homme lui fixa son rôle ».
L'homme peut décider unilatéralement de la répudiation ou du divorce.
Le Coran donne à l'homme musulman le droit d'épouser quatre femmes (Sourate 4 les femmes, verset 3), tandis que la femme est tenue de n'avoir qu'un mari. Dans certains cas, la femme peut avoir recours au juge musulman (qadi). Sa religion est celle de son mari.

Le mariage chrétien catholique

Le mariage chrétien est un sacrement et la vie du couple est à l'imitation du Christ époux de l'Eglise à qui et pour qui il livre sa vie ; Il est l'écho de la vie d'amour de la Sainte Trinité et enfin l'image parfaite de la Sainte Famille.

Trois notes essentielles du mariage chrétien catholique en sont les caractéristiques spécifiques :

1. Le consentement libre (qui exclut toute contrainte sur les deux parties.)
2. L'unicité (mariage monogamique.)
3. L'indissolubilité (pour toute la vie.)

L'anthropologie chrétienne donne une égale dignité à l'homme et à la femme : Cf. Gn 1,27 :« Homme et femme, Il les créa. »
Le mariage est d'abord le fait des deux conjoints et des liens sacrés unissent les deux individus au sein de l'Eglise-Famille, représentée par un clerc (prêtre ou diacre) et deux témoins : un homme et une femme.)
Le mariage a aussi un rôle social : il fonde une famille dans la communion, base de la société ...

Les fondements scripturaires

Le mariage est une institution naturelle, voulue par Dieu, dès les débuts de la création. En effet, il nous est dit en Gn 2,24 : « L'homme quitte son père et sa mère et s'attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair. » Et Jésus, dans le commentaire qu'il fait de ces textes, va nous commander très explicitement en Mt. 19,6 : « Ce que Dieu a uni, l'homme ne doit pas le séparer. »

Réflexions pastorales de l'Eglise catholique

Après ces quelques aperçus sur les différentes formes du mariage qui influencent les chrétiens dans notre région, voici quelques réflexions pastorales pour aider à mieux préparer le mariage chrétien.
Pour l'Eglise catholique, toute personne se marie avec la personne de son choix sans distinction de race, couleur, religion, etc. Par conséquent, le mariage est possible avec un musulman. Et le Coran lui-même en accorde la licéité pour un musulman avec une chrétienne (Sourate 5-la table servie, 5) même si l'inverse n'est pas permis.
Pour gérer ces mariages entre chrétiens et musulmans, l'Eglise pose des conditions bien précises. Ce sont des mariages avec « disparité de culte », et des « promesses » précises sont faites de part et d'autre. Les conjoints s'engagent à s'en acquitter respectueusement.
(Cf. Déclarations d'intention en annexe). La dispense de disparité de culte relève de l'évêque.

Les facteurs de risque sont multiples :

- La pauvreté ou même la misère ambiante dans nos sociétés,
- Le manque d'autonomie financière de la plupart des filles et femmes,
- La pression sociale de la grande famille du mari musulman, surtout sur la femme chrétienne,
- Le bas niveau de la formation intellectuelle,
- La foi peu éclairée, sociologique de bien des jeunes chrétiens de nos villages et villes,
- Le non-respect des musulmans, très souvent, de la foi des autres religions,
- Le manque de préparation préalable à leur vie de couple mixte (éducation des enfants, pratique religieuse...)
Finalement, la partie chrétienne aura toujours d'énormes difficultés à tenir ferme dans sa foi à cause de toutes ces raisons culturelles et religieuses.

Quelles pourraient être les conditions de succès ?

- S'assurer que le mariage civil, avec option monogamique, se fasse au préalable.
- Une chose essentielle à regarder comme critère de réussite, c'est l'autonomie financière de la fille chrétienne dans le mariage islamo-chrétien.
- La « foi vive » de la partie chrétienne est la première condition de la réussite de cet engagement dans un mariage islamo-chrétien.
- Les parents sont les premiers responsables pour éduquer la foi de leurs enfants dès leur bas âge, spécialement du coté de la maman souvent proche de leur enfant... Les enfants suivront facilement ce qu'ils voient vivre chez leurs parents. A travers les CEB, ils devraient être éclairés à ce sujet.
- Il faut impliquer les Communautés Ecclésiales de Base, spécialement par l'éducation de leurs filles chrétiennes avant le mariage, en les rendant conscientes des problèmes rencontrés dans ce genre de mariage islamo-chrétien. Si le mariage a lieu, qu'elles l'accueillent comme un don de Dieu fait à la Communauté comme « témoignage de vie interreligieuse » et qu'elles le soutiennent par la prière et les visites.
- Dans les mouvements de jeunesse catholique, qu'on n'ait pas peur de présenter les avantages et les inconvénients du mariage islamo-chrétien.
- Les pasteurs devraient se faire attentifs à l'accompagnement et au cheminement de tels couples, avec l'aide d'autres couples « mixtes » qui ont réussi.
- Il faudrait donner à ces couples « mixtes » une formation spécifique pour la préparation au mariage, suffisamment longue pour permettre un véritable échange entre eux et une connaissance mutuelle dans leur religion.
- Il faut trouver les voies et moyens pour que les clauses qui régissent le mariage avec disparité de culte ne se réduisent pas à un protocole à remplir.

Conclusion

Pour l'heure, l'Eglise est préoccupée par ce genre d'union.
Certes, il arrive souvent que les choses se passent sans demander quoi que ce soit à l'Eglise ou même à la famille, (des jeunes en viennent à cohabiter). Alors, s'ils viennent pour régulariser leur situation, il reste à étudier le cas par cas.
Les pasteurs ont à leur disposition, s'ils le désirent, un dossier complet, composé par la Commission Episcopale pour les Relations entre Chrétiens et Musulmans (CERAO) : « Pastorale des mariages islamo-chrétiens » qu'on peut se procurer au « Secrétariat de la Commission Episcopale pour le Dialogue avec l'Islam ».
Nous pensons que les couples de fonctionnaires vivant en ville et plus « indépendants » de leur grande famille ont plus de chance de réussite, nous en sommes témoins. Ils sont même une chance pour l'Eglise comme témoignage de vie commune possible entre chrétiens et musulmans, mais le taux d'échecs reste élevé.
En définitive, la prudence reste de mise !

La Commission Episcopale pour le Dialogue avec l'Islam, Burkina Faso