Jozef de BekkerLa région de Korhogo, en Côte d’Ivoire, est essentiellement habitée par les Sénoufo, un peuple très attaché à ses coutumes et traditions. L’évangélisation y a commencé dès 1904, par la Société des Missions Africaines (SMA), il y a donc déjà plus de 100 ans. Il a fallu 70 ans pour que le diocèse de Korhogo soit créé. Avec la création du diocèse en 1974, l’évangélisation a pris un nouvel élan.

Dans l’évolution de cette évangélisation, la composition de chants religieux a joué un grand rôle. En effet, pour mémoriser le message de la Bonne Nouvelle, les chants semblaient un excellent moyen. Les chorales sénoufo des paroisses de la ville de Korhogo ont pris l’initiative de composer des chants. Pour ce faire, elles se sont mises ensemble pour former la “Maîtrise Saint Michel”. C’était en 1980. Il y avait à ce moment trois paroisses dans la ville de Korhogo, dont la paroisse Notre-Dame de l’Assomption, tout nouvellement fondée par les Missionnaires d’Afrique.

Les premières compositions étaient des chants de Noël et de Pâques. C’étaient des chants de joies, des chants pour animer les danses et les fêtes. Ils étaient composés sur des airs traditionnels et avec l’accompagnement de balafons et de tam-tams. Les compositeurs étaient des choristes, dont certains n’étaient pas scolarisés. Quant à leur contenu, les chants étaient vérifiés et corrigés par des catéchistes et des prêtres.

Les catéchumènes et baptisés des villages ont appris l’existence de ces chants chrétiens, et ont voulu les connaître et apprendre. Comment faire ? À cette époque (les années 80), il n’y avait pas encore de radios catholiques régionales ou diocésaines. L’unique émission catholique à la radio était sur les ondes de la radio nationale, 30 minutes chaque dimanche matin. C’était une émission sur l’évangile du dimanche, uniquement en langue française. Utiliser la radio pour diffuser ces chants n’était donc pas possible.

La Maîtrise Saint Michel a eu alors une heureuse initiative. Elle a commencé à enregistrer ces chants sur des cassettes audio. Même si les stations radio n’étaient pas encore très répandues dans la région, les lecteurs de cassettes existaient et beaucoup de gens, en ville comme au village, en possédaient. Les paysans partaient au champ avec leur daba (genre de houe), mais aussi avec leur lecteur de cassettes. Ils écoutaient de la musique pendant qu’ils travaillaient au champ. Alors, la question suivante est venue : “Pourquoi ne pas faire des cassettes avec des chants chrétiens ?” La Maîtrise Saint Michel s’est penchée sur la question et a décidé de s’engager dans la production de cassettes avec chants chrétiens en sénoufo.

Pour faire de bons enregistrements, il y avait un endroit tranquille : le Centre de formation spirituelle du diocèse. Comme équipement d’enregistrement, il y avait un enregistreur/lecteur de cassettes et un micro de bonne qualité. Le lieu et l’équipement, tout en étant artisanaux, allaient faire l’affaire. Il fallait donc passer à l’action.

Pour un enregistrement sérieux et de qualité, il était jugé bon de passer 2 jours sur place dans le Centre, situé à Lataha, à 17 km de Korhogo. Il fallait partir le matin et revenir le lendemain soir. Une sélection de choristes, accompagnés de joueurs de balafon et de tam-tam, entraient dans une “Dyna” (minibus de 18 places), et les instruments de musique étaient attachés sur la galerie de bagagbalafonses. En route !

Pendant 2 jours, on compose sur un thème donné, on répète, on enregistre, on écoute l’enregistrement, et… on recommence. Parfois, un oiseau a chanté trop fort dans les arbres. Parfois, un bébé (venu avec sa maman choriste) a pleuré un peu trop fort. Parfois, les balafons n’ont pas donné le bon rythme. Parfois, un choriste a toussé (il y a de la poussière dans l’air). On commence, on recommence, et finalement, au bout de 2 jours, voilà une cassette enregistrée, à la satisfaction de tous.

Cette première cassette est reproduite et mise en vente. Elle se vend comme des petits pains. Tout le monde achète, et pas seulement des chrétiens ou catéchumènes, car ce sont des chants en sénoufo, avec airs et instruments traditionnels. C’est un grand succès ! Dans les villages, où les chrétiens sont très peu nombreux, les cassettes sont employées aussi pendant les prières et célébration, et dans la catéchèse. Puisqu’on ne connaît pas encore les chants par cœur, on les écoute avec l’aide d’une cassette, et on les apprend en même temps.

Les productions se multiplient. Après les chants de Noël et de Pâques, on enregistre des chants pour le commun de la messe, des chants à la Vierge Marie. Ensuite, on passe à la production de cassettes à thème. Ce sont des cassettes avec chants, lectures bibliques et commentaires sur un thème précis : la paix, le pardon, l’engagement social du chrétien. En tout, plus de 20 cassettes ont été produites. Depuis quelques années, les chorales paroissiales en produisent aussi, toujours dans le but de faire connaître davantage la Bonne Nouvelle.

                        Père Jozef de Bekker - Korhogo