Joël OuedraogoL’évangélisation, ou l’annonce de la Bonne Nouvelle, est supposée prendre en compte tous les aspects de la vie de la société comme de l’individu. Un des domaines les plus importants sur lequel l’Église devrait se pencher est la célébration des funérailles. Du moins, c’est le cas pour les mossi, une des ethnies du Burkina Faso. En effet, à l’occasion de cet événement douloureux, un grand nombre de fidèles chrétiens retournent à la tradition. Cette pratique, assez préoccupante, est d’ailleurs à l’origine d’une nouvelle expression “Mag-yiibo” ou “double pratique”. Pourquoi ce retour en arrière ? Les funérailles chrétiennes rejoignent-elles les mossi dans leurs aspirations profondes quand ils célèbrent le départ de leurs morts ?

Il me semble que la problématique “funérailles et évangélisation” est plus une question interne qu’externe. Et dans ce sens, j’ai opté d’aborder la question dans l’ordre de l’évangélisation en profondeur.

Notons que ce que j’affirme ici relève d’une expérience personnelle et d’enquêtes, et concerne essentiellement les mossi de la province du Bam, au nord de Ouagadougou au Burkina Faso.

Les funérailles traditionnelles mossi
Les funérailles traditionnelles mossi sont célébrées en deux étapes. Le “Ku-toogo”, ou les premières funérailles, a lieu
"Porter le mort"juste après la mort du défunt. En effet, à l’annonce de la mort, un rite préparatoire est mis en branle. Il consiste d’abord à “interroger” la dépouille afin de savoir les causes de sa mort. Il s’ensuit sa dernière toilette et son dernier repas afin de le préparer pour le voyage qu’il va entreprendre. Selon la croyance mossi, en effet, le défunt effectue le voyage de ce monde au monde des ancêtres et cela est plus ou moins long, selon ce qu’a été la vie du regretté sur terre. Pour symboliser le deuil, après cette préparation, un panier contenant un pagne blanc est posé, penché du côté de la tête de la dépouille. Après cela, le corps est exposé pour les adieux et les derniers hommages au défunt avant son enterrement.
Une fois l’enterrement terminé, un deuil de trois ou quatre jours est observé selon qu’il s’agit d’un homme ou d’une femme. Puis il faut attendre la deuxième étape des funérailles.

Deuxième étape ou “Ku-noodo”
La célébration de l’étape du “Ku-noodo” est fixée par la famille du défunt en fonction du temps dont elle a besoin pour réunir les moyens nécessaires.

La veille, il y a des sacrifices et des libations qui sont faits pour accélérer l’entrée de l’âme du défunt dans le monde des ancêtres, si elle n’y est pas encore pour des raisons que les vivants ignorent. Il s’agit d’un rite de supplication pour que l’esprit du défunt ne revienne pas troubler la quiétude des vivants car, aussi longtemps que le “Ku-noodo” n’est pas célébré, l’esprit du défunt peut encore revenir dans la famille pour l’une ou l’autre raison.

Le jour même, après les salutations d’usage, une danse funèbre est organisée dans la soirée. C’est l’occasion pour les vivants et pour le défunt de communier pour la dernière fois. Pour symboliser la présence du défunt, le panier posé à sa tête avant l’enterrement est exposé. Cette danse met fin à la célébration funéraire.

Célébration des funérailles chrétiennes : une Bonne Nouvelle pour les mossi ?
Un bon nombre de chrétiens mossi ont fait le passage de la tradition au christianisme. Les plus jeunes qui ne l’ont pas fait restent tout de même marqués par la pratique et la croyance de leurs ancêtres. On pourrait donc se poser la question suivante : quand ces derniers célèbrent les funérailles chrétiennes, que ressentent-ils : une libération ou plutôt un manque en comparaison à la célébration traditionnelle ? Les funérailles chrétiennes portent-elles une Bonne Nouvelle pour eux ?

Cette question a été celle de certains prêtres, évêques et théologiens au cours de ces dernières années. Leur réflexion a conduit à une tentative d’inculturation de la liturgie des funérailles avec surtout l’intégration de deux éléments importants de la célébration traditionnelle. C’est ainsi que, dans la plupart des cas, le deuil chrétien est symbolisé, comme dans les funérailles traditionnelles, par un panier penché contenant une Bible et une croix. En plus, au cours de la célébration eucharistique et même en route vers le cimetière, une danse est organisée autour du cercueil.

Toutefois, la réflexion devrait se poursuivre car beaucoup reste à faire. Personnellement, je suis porté à croire que la peur de l’influence de l’esprit du défunt sur les vivants ne trouve pas encore de réponse dans la célébration des funérailles chrétiennes, pour un bon nombre de mossi. Cela expliquerait leur retour à la tradition. Comment faire pour que cette célébration dissipe cette peur ? Il me semble que là se trouve la véritable attente (de libération) du chrétien moaga. Donner une vraie réponse à cette aspiration profonde sera de faire de la célébration des funérailles chrétiennes une véritable Bonne Nouvelle pour les mossi.

Joël Ouédraogo


Tiré du Petit Echo N° 1028 2012/2