Petite réflexion juive séfarade sur les rapports du judaïsme et de l’islam |SaphirNews
Pour commencer sur ce sujet, j’aimerais partager ici une petite anecdote personnelle. Vers l’âge de 12 ans et demi, en préparation à ma bar-miṣwa (fête de la majorité religieuse à 13 ans), mes parents m’ont fait prendre des cours chez ribbî Makhlûf Ad-Dahân. C’était un vieux rabbin d’origine marocaine, d’une grande piété, d’une profonde humilité et d’une véritable érudition.
Un jour, en passant rue de Tanger, dans le 19e arrondissement de Paris, devant la mosquée, en entendant l’adhan (l’appel à la prière) – « Allahu akbar ! » – ribbî Makhlûf a dit : « Bârûkh Hû wu-vârûkh shemô (littéralement “Bénit soit-Il et bénit soit Son nom”) ». Or, c’est une phrase d’eulogie que l’on prononce à la synagogue quand on entend le nom de Dieu, et donc exclusivement dans un contexte liturgique juif, et en hébreu.
Étonné, je lui demandais « Ribbî, pourquoi as-tu dit ça ? » « Et pourquoi pas ? », répondit-il par une autre question à la manière des rabbins, « Les musulmans ne croient-ils pas au même Dieu que nous ? » Cet épisode m’a marqué pour la vie : on pouvait donc adorer le même Dieu tout en étant d’une religion différente, et on devait même témoigner du respect envers cette autre religion ! C’était ma première ouverture à l’interreligieux.
Ribbî Makhlûf Ad-Dahân m’avait étonné par le respect qu’il portait envers l’islam. Bien que juif très pieux, il était capable de citer par cœur des passages entiers du Coran en arabe. Il avait fait partie du cercle des qabbalistes d’Erfoud (Maroc) auquel ont appartenu de célèbres rabbins, dont le fameux ribbî Yisrâ’él Abîḥṣéra (1889-1984) – dit Baba Salé – sur la tombe duquel se rassemblent plus d’un demi-million de personnes lors de l’anniversaire de sa disparition (hillûlâ) chaque année à Netivot (Israël).