Les relations États et religions ailleurs dans le monde
Les relations entre États et religions peuvent être très différents selon les pays et leur histoire. Voici quelques exemples décryptés par « La Croix Campus ».
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Dès la naissance du pays, à la fin du XVIIIe siècle, les pères fondateurs, qui étaient souvent des personnes très croyantes, décident de séparer l’État et la religion. La Constitution de 1787 établit une distinction juridique nette entre les institutions civiles et les groupes religieux. S’ils prennent tous deux la forme séparatiste, les modèles français et américain diffèrent toutefois dans leurs objectifs de départ.
La laïcité, dans sa version américaine, vise à protéger le pluralisme confessionnel et à empêcher l’instauration d’une religion officielle. Il s’agit donc de mettre les religions à l’abri de l’État. En France, c’est l’inverse : l’État, en devenant laïque, a cherché à se protéger des religions, surtout du catholicisme, et de leur emprise supposée.
► Mexique
« République catholique » à sa naissance, le Mexique est devenu laïque dans la deuxième moitié du XIXe siècle, avec la mise en place d’une séparation stricte de l’État et de l’Église. La révolution de 1910 conforte ce principe. Jusqu’en 1992, la Constitution ne reconnaissait pas la personnalité juridique de l’Église catholique et encadrait vigoureusement ses activités.
Le pays connut régulièrement des polémiques d’ordre religieux, partagé entre une forte communauté catholique (un peu plus de 80 % de la population selon les estimations) et un État fermement attaché au principe de laïcité. Comme dans la plupart des pays latino-américains, l’Église catholique voit ces dernières années son influence décliner tandis que les protestants évangéliques connaissent une forte croissance.
►Nigeria
La Constitution nigériane dispose que le gouvernement ne doit adopter aucune religion comme religion d’État. L’article 38 de la Constitution « garantit que chaque citoyen nigérian a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, y compris la liberté de changer de religion ou de conviction et la liberté de manifester et de propager sa croyance religieuse. »
Au niveau fédéral, le Nigeria possède des juridictions laïques. Mais douze des trente-six États fédérés appliquent la charia (loi islamique). Les deux systèmes juridiques fonctionnent avec des problèmes récurrents de compatibilité. Parmi les 196 millions d’habitants du Nigeria, 50 % sont musulmans et 40 % sont chrétiens, dont environ 74 % de protestants ou évangéliques et 25 % de catholiques.
►Iran
Depuis la Révolution de 1979, le régime iranien est une république théocratique islamique. Selon l’article 2 de la Constitution, Dieu (Allah) dirige le pays : « Dieu exerce en Iran une souveraineté absolue et préside à l’élaboration des lois », est-il écrit. C’est un haut dignitaire religieux, actuellement l’ayatollah Ali Khamenei, qui est le principal dirigeant. Des élections sont toutefois organisées pour désigner le président de la République et les députés du Parlement (le Majlis), ce qui leur donne une légitimité populaire. L’Arabie saoudite voisine est aussi une théocratie gouvernée selon la charia, mais le pouvoir politique y est exercé sous la forme d’une monarchie absolue.
►Turquie
La République turque a été fondée en 1923 par un général, Mustafa Kemal Atatürk, qui a créé un État-nation laïque, symbole de modernité. Dans ce pays où la population est majoritairement musulmane, l’organisation religieuse a alors été placée sous l’autorité du premier ministre, la charia a été abolie, les confréries religieuses ont été interdites et l’écriture ottomane a été abandonnée au profit de l’alphabet latin.
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Depuis 2003, c’est toutefois un dirigeant islamiste qui dirige le pays, Recep Tayyip Erdogan. Conséquence : le port du voile dans les services publics et les établissements d’enseignement a été autorisé. Et les pressions politiques et sociales en faveur de l’observance de la pratique musulmane se sont renforcées. Mais les principes laïques de la Constitution n’ont pas été modifiés.
►Russie
La Constitution fait de la Russie un État laïque qui garantit l’égalité devant la loi de toutes les confessions. Dans les faits, après avoir été réprimée par le pouvoir communiste au temps de l’URSS, l’Église orthodoxe occupe une place prééminente et entretient des liens étroits avec le pouvoir. Depuis 2013, une loi punit « l’offense aux sentiments des croyants ».
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En 2020, pour la première fois, Dieu est mentionné dans la Constitution russe, qui rend hommage aux « ancêtres qui nous ont transmis leurs idéaux et la foi en Dieu ». L’État reconnaît comme « religions traditionnelles » de la Russie le bouddhisme, le judaïsme, l’islam et le christianisme orthodoxe oriental. Sept Russes sur dix se disent orthodoxes mais avec seulement 2 à 5 % de pratiquants réguliers.
►Japon
« Aucune organisation religieuse ne doit bénéficier de privilèges de la part de l’État, ni exercer une quelconque autorité politique. » L’article 20 de la Constitution nippone d’après-guerre garantit la liberté de culte et établit le principe de séparation de la religion et de l’État. L’État japonais s’est désengagé des religions pour éviter que le shintoïsme ne redevienne la religion officielle, comme jusqu’en 1945.
Par conséquent, l’État reconnaît comme religion tout ce qui prétend l’être. La société se caractérise par une forte symbiose entre bouddhisme et shintoïsme. D’après les statistiques officielles, parmi les 126 millions d’habitants, près de 100 millions se disent bouddhistes et… 85 millions shintoïstes. On peut en effet être les deux à la fois.