Très souvent l’image du missionnaire qu’on a est de celui qui vient dans un pays ou dans une culture avec quelque chose à donner, à proposer. Il a bien sûr quelque chose à donner, une chose précieuse, la Bonne Nouvelle de l’amour miséricordieux de Dieu. Mais cette Bonne Nouvelle ne signifiera rien pour le peuple auquel il est envoyé si cela n’est pas exprimé dans leur langage et dans leurs formes culturelles.
Le missionnaire doit se voir comme un chasseur de trésor. Il doit chercher dans sa nouvelle culture le trésor qui y est caché. Il doit creuser en profondeur dans la terre de la nouvelle culture qu’il rencontre. Comme le missionnaire ne peut pas faire le travail seul, il doit compter sur les gens de cette culture, leur faire confiance pour qu’eux-mêmes fassent ce travail de recherche.
Le Chapitre de 2010 insiste sur cette dimension : “Par amour et respect pour ceux et celles auxquels nous sommes envoyés, vivant le ‘tout à tous’ que nous a transmis le cardinal Lavigerie, nous prenons le temps de nous enraciner dans un peuple dont nous apprenons la langue.” (AC, p. 23) Lavigerie avait déjà eu cette intuition quand il disait que le missionnaire doit “se rapprocher des indigènes par toutes les attitudes extérieures, par la langue d’abord, par le vêtement, par la nourriture, conformément à l’exemple de l’apôtre.” (Lettre de nov. 1874).
Le missionnaire n’apporte donc pas un message évangélique “tout fait” ; il apporte une espérance et une promesse. Si les gens creusent profondément dans leur culture et dans leur histoire, s’ils y travaillent sérieusement, ils trouveront un trésor qui transformera leur vie. La Bonne Nouvelle que le missionnaire apporte n’est pas tellement la description détaillée de ce qu’est le trésor, mais une déclaration que le trésor est déjà là. C’est cela aussi que le Chapitre affirme en disant : “À la suite de Jésus, nous allons à la rencontre des autres, en qui nous admirons le travail de Dieu. Dans le respect de leur conscience et de leur foi, par nos paroles, mais encore davantage par l’exemple de nos vies, nous leur annonçons le Règne de Dieu. Leur témoignage de vie et de foi nous interpelle. Nous nous laissons évangéliser par eux.” (AC, p. 23-24)
Attitudes pour se laisser évangéliser
Pour que cela soit possible, il faut que le missionnaire accepte de reconnaître et de cultiver l’attitude d’être un invité. Quelquefois, les visiteurs que nous sommes demandent que les choses soient faites selon notre goût et notre expérience.
Le missionnaire est celui qui apprécie toute hospitalité que l’hôte peut lui donner. Quand on est visiteur, on se laisse honorer et servir. C’est essentiel, même si cela semble en contradiction avec notre être missionnaire qui est d’aller dans une autre culture, un autre pays pour faire des choses pour ce pays. Se laisser honorer et servir semble contraire à l’attitude chrétienne fondamentale qui dit que donner est mieux que recevoir et servir. Mais dans nos différents contextes missionnaires, très souvent, la meilleure façon de donner et de servir, c’est de permettre aux autres de nous servir. C’est de permettre aux autres d’avoir la dignité et même le privilège de nous donner hospitalité et amitié. La mission, c’est aussi se laisser accueillir, c’est apprécier la richesse culturelle des gens, et surtout, leur amitié, leur fraternité.
Le missionnaire est toujours un étranger là où il est. C’est souvent pénible, mais jamais une mauvaise chose. Les gens ne veulent pas que nous soyons véritablement comme eux ; ils désirent que nous les respections, oui; que nous apprécions leur culture, que nous valorisions leur langue, oui ; mais cela ne veut pas dire laisser nos différences derrière nous. L’expérience a souvent montré que c’est grâce à notre différence, vécue avec tristesse ou avec humour, que nous sommes acceptés et écoutés. Être différent et étranger n’est pas confortable, mais cela peut être une précieuse contribution à l’identité souvent fragile des gens et ouvrir les yeux à des possibilités non réalisées jusque-là.
Le Chapitre réaffirme que “c’est le mystère de l’Incarnation qui inspire toute notre mission. Étrangers, parfois même dans nos propres pays, nous avons laissés familles et maisons pour être accueillis en terre nouvelle.” (AC, p. 23) L’incarnation est la manifestation de l’amour et c’est cet amour que le Cardinal demande à ses fils : “Aimez les peuples auxquels vous êtes envoyés. Aimez-les donc comme une mère aime ses fils...”
Didier Sawadogo
Tiré du Petit Echo N° 1044 2013/8