Bouddhisme : que représente encore aujourd’hui le dalaï-lama ? 

 

Une soixantaine de membres du Congrès américain ont appelé, mardi 14 décembre, le président Joe Biden à rencontrer le dalaï-lama, pour relancer l’attention internationale sur la situation au Tibet. À 86 ans, le guide spirituel, officiellement retiré de la vie politique depuis 2011, demeure une figure internationale incontestée.

  • Malo Tresca, 

Lecture en 3 min.

Bouddhisme : que représente encore aujourd’hui le dalaï-lama ?
 
Le dalaï-lama en 2016.FREDERICK FLORIN/AFP

Le vœu d’une rencontre hautement symbolique pour relancer l’attention internationale sur la situation au Tibet à l’aune du gel, depuis douze ans, du dialogue avec Pékin. Mardi 14 décembre, une soixantaine de membres - démocrates et républicains - du Congrès américain ont exhorté le président Joe Biden à organiser un rendez-vous avec le dalaï-lama.

À l’exception de son prédécesseur Donald Trump – vivement critiqué par le guide spirituel pour sa politique sur la crise climatique ou les droits des migrants –, tous les présidents des États-Unis se sont entretenus avec lui depuis le mandat de George Bush père, dans les années 1990.

→ ENQUÊTE. Les « enfants » du dalaï-lama, le projet secret entre la France et le Tibet

Par ailleurs, 38 sénateurs et 27 élus de la Chambre des représentants ont encore appelé la Maison-Blanche à faire pression sur la Chine pour que celle-ci renoue le dialogue avec les représentants du dalaï-lama. « (Ce serait la) manifestation visible d’une diplomatie de principes qui accorde une place prioritaire aux droits de l’homme (…)», ont notamment insisté les sénateurs américains Marco Rubio et Patrick Leahy. Et dans le cas où l’ancien Nobel de la paix 1989 était en incapacité de se déplacer, les élus suggèrent l’envoi de la vice-présidente Kamala Harris en Inde, où il réside depuis 1959 et l’offensive chinoise sur le Tibet.

« Très actif »

Cette rencontre pourrait-elle aboutir ? « Par le passé, les États-Unis ont montré qu’ils n’étaient pas frileux à la perspective de braquer Pékin, même si les relations sont actuellement déjà très tendues. Cela démontre que la Chine n’a pas encore réussi à faire taire toutes les voix qui s’élèvent contre les atrocités qu’elle peut commettre »,explique à La Croix Antony Boussemart, président de l’Union bouddhiste de France (UBF) et secrétaire du bureau de l’Observatoire Pharos, plateforme spécialisée sur le pluralisme des cultures et des religions.

Retransmissions de conférences, rencontres avec des visiteurs de tous les continents, audiences publiques… Malgré son retrait officiel de la vie politique en 2011 – et la déclaration, en avril 2019, d’une infection pulmonaire l’ayant contraint à limiter ses voyages à l’étranger –, la plus haute figure du bouddhisme tibétain reste très active et au fait de l’actualité internationale, depuis son temple de Dharamsala, dans le nord de l’Inde. Lundi 13 décembre, il avait encore écrit à Joe Biden pour lui exprimer ses « condoléances », dans le sillage des tornades meurtrières ayant dévasté, quatre jours plus tôt, plusieurs États du pays.

« Aura »

S’il n’exerce plus aucun pouvoir politique – la présidence du gouvernement tibétain en exil est aujourd’hui assurée par Lobsang Sangay, 52 ans, diplômé de Harvard et citoyen américain –, le 14e dalaï-lama figure régulièrement parmi les personnalités les plus appréciées au classement du Time Magazine, conservant une grande aura à l’international.« Il y a toujours une forte ferveur autour de sa personne, de son message. Au-delà de la communauté tibétaine, du giron des bouddhistes pratiquants, il reste indéniablement une figure spirituelle et intellectuelle marquante et respectée des XXe et XXIe siècles », poursuit Antony Boussemart.

→ À LIRE. Le dalaï-lama, leader spirituel toujours actif et respecté

Mais sa voix est-elle toujours aussi audible, notamment auprès des jeunes ? « Il est beaucoup intervenu sur la question centrale de la crise environnementale, l’une des préoccupations majeures de la jeunesse. Mais je ne suis pas certain que les outils utilisés soient les plus adaptés pour s’adresser aujourd’hui à celle-ci, elle qui n’utilise moins souvent les canaux médiatiques [traditionnels] », estime-t-il encore.

Le « dernier » dalaï-lama ?

En dépit de son âge avancé – 86 ans –, de ses soucis de santé et des innombrables pressions exercées sur lui depuis près de sept décennies par Pékin, le dalaï-lama ne semble pas vouloir s’arrêter de sitôt. « Il est persuadé qu’il vivra centenaireEt il est persuadé aussi qu’il reverra le Tibet », confiait Sofia Stril-Rever, l’une de ses biographes, en février 2020 à La Croix.

→ ANALYSE. Tibet - France, des relations ambivalentes

Dans ce contexte géopolitique trouble, comment envisager l’avenir de la lignée de Tenzin Gyatso, qui fut installé le 22 février 1940, à l’âge de 4 ans et demi, comme 14e dalaï-lama ? En 2017, ce dernier avait annoncé qu’il interrogerait les Tibétains sur la pertinence, ou non, d’abolir cette institution quand il atteindrait l’âge de 90 ans, en 2025, alors que la Chine cherche activement à influencer la nomination de son successeur.

→ PODCAST. Marianne Meunier raconte comment elle a retrouvé les « enfants » du dalaï-lama »