Frère Alois : « Noël appelle à la compassion, au refus de l’exclusion, à la simplicité »

Entretien

L’année a été marquée par de nouvelles révélations sur les abus sexuels commis dans l’Église. Un choc encore présent dans l’esprit de nombreux catholiques. En ce Noël, Frère Alois, prieur de la communauté œcuménique de Taizé, invite à « être au plus près des victimes, par la prière et par les gestes ».

  • Recueilli par Malo Tresca, 

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Frère Alois : « Noël appelle à la compassion, au refus de l’exclusion, à la simplicité »
 
À l’occasion de à Noël , il est important, pour le frère Alois, que « les personnes vulnérables » se sentent « protégées dans des lieux d’Église ». Ici, lors d’un rassemblement de jeunes organisé par la communauté de Taizé à Wroclaw, en Pologne.MICHAEL DEBETS/PACIFIC PR/SIPA
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La Croix : Comment vivre Noël – fête, par essence, de l’enfance, de la vulnérabilité, de l’émerveillement… –, en ayant en tête les douloureuses révélations d’abus sexuels commis au sein de l’Église ? Comment supporter ce paradoxe ?

Frère Alois : C’est un grand défi, en effet, de célébrer ce Noël en revenant au cœur du message de l’Évangile, et en sachant combien nous avons – nous tous, comme l’Église en tant que telle – besoin d’une conversion personnelle. Nous ne pouvons le fêter en mettant de côté les affaires de pédocriminalité. Mais je pense aussi que ce contexte particulier nous montre, à nouveau, la force du message de Noël : le Christ, en venant au monde, apporte la paix de Dieu, et la justice pour ceux qui souffrent. Tout au long de sa vie, jusqu’à la croix, il s’est mis au côté de ceux qui ont subi un abus, qui étaient loin, isolés. À Noël,nombreux sont ceux qui ressentent profondément la solitude : je pense beaucoup, cette année, aux victimes de cette douloureuse réalité. En reconnaissant leur solitude, nous devons être le plus près possible d’elles, dans nos prières comme dans nos gestes.

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Cette fête attire aussi des pratiquants plus occasionnels. Comment trouver les mots justes pour aborder ce thème de l’enfance, que beaucoup risquent de relier, consciemment ou non, aux scandales ?

F. A. : Cela passe déjà par l’écoute de ce que les victimes nous disent, de leur colère, de leurs reproches, pour que nous en tirions les conséquences. Voilà peut-être l’un des messages forts que nous aimerions pouvoir dire à Noël : que les personnes vulnérables peuvent se sentir protégées dans des lieux d’Église… Mais pour cela, il y a encore beaucoup à faire.

La communauté de Taizé n’a pas été épargnée par la crise des abusDans quel état d’esprit s’apprête-t-elle à vivre Noël ?

F. A. : Nous sommes en lien avec les personnes qui ont été victimes de frères. C’est un processus de long terme, pas uniquement lié à la fête de Noël. Plus largement, nous réfléchissons à la mise en œuvre des préconisations de la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref). En communauté, nous lisons le rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase), pour voir quels points nous concernent directement. Par ailleurs, nous ne voulons pas oublier d’autres questions graves qui traversent nos sociétés, comme celle des migrations. Cette année, je pars avec un frère passer Noël à Lampedusa (Italie), auprès des réfugiés qui affluent nombreux sur l’île.

Quelles ressources puiser pour retrouver le sens profond de Noël ?

F. A. : Nous pouvons être plus attentifs à la manière dont Dieu travaille dans l’Histoire, en dialoguant avec l’humanité dans un amour illimité. Nous pensons souvent trop en termes d’influences, de pouvoir, d’efficacité dans nos sociétés… Or Noël appelle à tout autre chose : à la compassion, au refus de l’exclusion, à la simplicité ! Il s’agit d’incarner beaucoup plus, dans nos vies, l’exemple de Jésus. Pour moi, cela passe aussi par la contemplation de la Nativité : Dieu est entré en relation avec nous en se faisant dépendant de l’humanité. Que ce mystère rayonne encore aujourd’hui me bouleverse profondément.

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Quels espoirs nourrissez-vous pour l’avenir de l’Église ?

F. A. : Des espoirs d’unité, à l’heure où nous voyons s’affirmer des polarisations de plus en plus fortes, dans le monde comme dans l’Église. Le dialogue, dans certaines situations, devient très difficile. Or, en tant que chrétiens, nous avons le devoir, en ce moment historique, de vivre notre diversité – saine, et nécessaire – dans l’unité, dans nos Églises comme entre nos confessions respectives. Si nous n’arrivons pas à en être davantage le signe, comment proclamer de manière crédible le message de paix, de solidarité de l’Évangile ? C’est l’un des grands défis du Synode sur la synodalité. Pour moi, c’est aussi un message qui revêt une force particulière à l’approche de Noël, alors que Jésusest justement venu pour réunir l’humanité entière en lui, dans une unité qui respecte notre belle diversité.

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Une rencontre européenne de Taizé en deux temps

Devant l’évolution des mesures sanitaires liées à la pandémie, la rencontre européenne annuelle de Taizé se déroulera, pour la seconde année consécutive, en ligne (1) du 28 décembre 2021 au 1er janvier 2022 à Turin (Italie). « Les émissions seront réalisées depuis là-bas, avec quelques frères et la présence de jeunes de la région. Ceux qui souhaitent participer pourront le faire via Internet », avaient annoncé fin novembre les organisateurs. Un rassemblement en présentiel est prévu à Turin du 7 au 10 juillet 2022.

(1) Rens. : taize.fr