André Gounelle analyse l’essence du protestantisme

 

L’auteur André Gounelle tente de dégager, dans son livre Théologie du protestantisme. Notions et structures, ce qui fait la spécificité du protestantisme au-delà de sa grande variété théologique, spirituelle ou organisationnelle.

  • Dominique Greiner, 
André Gounelle analyse l’essence du protestantisme
 
Discussion entre Luther et Zwingli sur les sacrements. (Colloque de Marbourg, 1529). Gravure (eau-forte) de Gustav König (1847), coloriée ultérieurement.AKG IMAGES

Théologie du protestantisme. Notions et structures

d’André Gounelle

Van Dieren Éditeur, 420 p., 25 €

Sous l’étiquette « protestantisme », on peut ranger une trentaine de dénominations différentes. Elles constituent quelques grandes familles (luthérienne, réformée anglicane, méthodiste, pentecôtiste, unitarienne) et relèvent de courants divers : orthodoxe (très attaché à la doctrine traditionnelle et aux formules du XVIe siècle), bibliciste (privilégiant la référence aux Écritures), libéral (soucieux d’une religion éclairée, raisonnable, en dialogue avec la culture), enthousiaste ou inspiré (insistant sur l’action de l’Esprit), piétiste (cultivant une religiosité souvent sentimentale).

Ces familles s’organisent selon des systèmes divers : épiscopalien (où des évêques ont l’autorité), congrégationaliste (ou chaque paroisse locale est indépendante), presbytéro-synodale (où les décisions sont prises par des conseils locaux et des assemblées régionales et nationales).

Cinq Réformes

Ces simples indications incitent à parler de protestantismes au pluriel. Pourtant, c’est le singulier qu’a retenu André Gounelle dans son titre : Théologie du protestantisme. Le projet de l’ancien professeur à la faculté de théologie protestante de Montpellier est en effet de chercher, au-delà du foisonnement des courants, des Églises, des théologies, des spiritualités, des rituels, « les logiques et les principes organisateurs… » du protestantisme.

Sa conviction est que, au-delà de toutes ses variations internes, le protestantisme « se caractérise par une structure et une attitude où se conjugue une diversité qui appelle le pluriel (“les protestantismes”) avec une unité qui autorise le singulier (“le protestantisme”) ». Pour mettre cela en évidence, André Gounelle fait donc plonger son lecteur dans l’histoire du protestantisme, dont il est spécialiste.

Il commence par une mise au point sur son origine. Il n’y a pas une, mais des Réformes au XVIe siècle, insiste-t-il : la Réforme luthérienne, le Réforme réformée, la Réforme radicale, la Réforme anglicane (qui oscille entre le politique et le religieux) et la Réforme catholique. Les trois premières ont donné naissance au protestantisme. « Les partisans de la Réforme ne se sont pas appelés eux-mêmes“protestants”. (…) Ce terme, ils ne l’ont pas choisi ; il leur a été appliqué du dehors, de l’extérieur. Néanmoins, ils l’ont très vite adopté », rappelle l’auteur. « Les protestants se définissent volontiers par deux protestations. D’abord, une protestation pour Dieu contre ce qui le défigure et le masque. (…) Le protestantisme se veut combat contre l’idolâtrie, c’est-à-dire contre toute confusion de Dieu avec une réalité du monde (…) Ensuite, une protestation pour l’être humain, contre ce qui l’écrase et l’asservit… »

Démarche typologique

Ces deux protestations sont portées par les deux principes fondamentaux du protestantisme que sont l’autorité de l’Écriture et le salut gratuit. L’auteur consacre à ces points deux des quatre parties de son livre, exposant de manière synthétique les positions que des théologiens de référence ont pu défendre sur tel ou tel point débattu. Cette démarche typologique permet de « décrire le vocabulaire et la grammaire théologiques du protestantisme » et d’accéder ainsi à « l’essence » ou à « l’esprit du protestantisme », sans en taire la diversité.

Il poursuit avec une partie sur l’Église où sont abordés la question de sa mission, celle des ministères, le culte et les sacrements, et bien sûr la cène. Sur ce dernier sujet, André Gounelle met bien la diversité des positions au sein du protestantisme et peut dire où se situent les points d’accord et les divergences avec la doctrine catholique.

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Au terme de son parcours, le théologien, qui s’inscrit dans le courant libéral, en vient à dégager cinq traits qui selon lui permettent de cerner l’essentiel de l’esprit du protestantisme : « 1. Dieu seul est Dieu ; 2. Je suis devant Dieu ; 3. Dieu parle dans la Bible ; 4. Dieu libère ; 5. Dieu fait surgir du nouveau ». Un livre au titre érudit mais qui reste très accessible, grâce au souci pédagogique de l’auteur et à la qualité de son écriture.