En Belgique, le gouvernement ne veut plus reconnaître l’organe représentatif du culte musulman 

Les faits

Le ministre belge de la justice a expliqué, vendredi 18 février, dans un entretien au média flamand De Ochtend Radio 1, avoir entamé une procédure pour ne plus reconnaître l’Exécutif des musulmans de Belgique, instance représentative du culte islamique dans le royaume.

  • Marie Joan, 
En Belgique, le gouvernement ne veut plus reconnaître l’organe représentatif du culte musulman
 
Le ministre belge de la justice, Vincent Van Quickenborne, a expliqué avoir entamé une procédure de retrait de reconnaissance de l’EMB.DIRK WAEM/BELGA/MAXPPP

L’Exécutif des musulmans de Belgique (EMB), organe représentatif du culte islamique dans le pays, pourrait ne plus être reconnu par le gouvernement fédéral du pays. Le ministre de la justice, Vincent Van Quickenborne, a en effet expliqué, dans un entretien à une radio flamande vendredi 18 février, avoir entamé une procédure de retrait de reconnaissance de l’EMB.

Cette décision signifierait « l’arrêt des subventions » versées à cette instance(près de 600 000 €, NDLR)et la fin de son rôle de représentation, a précisé le ministre de la justice qui est aussi chargé de la gestion des cultes. Ce choix fait écho, en France, à celui écartant le Conseil français du culte musulman (CFCM) en janvier.

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Selon le ministre fédéral, l’EMB « ne peut plus être un partenaire de discussion ». Il évoque notamment son manque de représentativité de la communauté musulmane belge pour justifier cette décision. L’instance est régulièrement mis en cause pour son manque de transparence et les ingérences étrangères dont sont l’objet ses mosquées.

Un fonctionnement interne qui fait débat

Depuis sa création en 1996, l’Exécutif des musulmans de Belgique est aussi en proie à de nombreuses tensions et dysfonctionnements internes. En octobre 2021, la diffusion d’un rapport de la Sûreté de l’État indiquait que la mosquée Sultan-Ahmet de Heusden-Zolder (province de Limbourg) jouait un rôle « important » dans la propagation de l’extrémisme dans la région. Le président de l’EMB (depuis 2018), Mehmet Üstün, est directement concerné car il dirige ce lieu de culte.

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Déjà en décembre, le gouvernement belge a fait savoir qu’il ne délivrerait pas de subventions publiques en 2022. Au même moment, plusieurs membres de l’instance ont entamé une procédure judiciaire pour demander une meilleure gestion. « L’EMB est assez contesté pour son mode de représentation et aurait d’ailleurs déjà dû renouveler son équipe administrative depuis 2020 », explique l’islamologue Michaël Privot.

Ingérences étrangères

Plus que tout, les reproches se focalisent autour des « ingérences étrangères, de la Turquie et du Maroc » précise l’islamologue. Des pays dont sont largement issues les communautés musulmanes de Belgique. « L’enjeu pour ces pays est de continuer à contrôler leur diaspora à travers les mosquées et la nomination des imams. Ils ont ainsi une influence directe », explicite Michaël Privot. Pour la Turquie du président Erdogan, le principal enjeu est de s’assurer du soutien politique de la diaspora.

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« Ce qui est très symbolique pour le Maroc, c’est de réussir à mettre la main sur la Grande Mosquée de Bruxelles », indique l’islamologue. En janvier 2020, le ministre de la justice a fait un geste fort en écartant Salah Echallaoui, accusé par la Sûreté de l’État d’espionnage pour le Maroc. Vice-président de l’EMB et président de la Grande Mosquée de Bruxelles depuis avril 2020, il a dû démissionner de ses fonctions.

« Bataille juridique »

Après l’annonce de la procédure de retrait de reconnaissance de l’EMB, son président, Mehmet Üstün, a fait savoir dans un communiqué qu’il souhaitait « que le ministre de la justice respecte l’état de droit et les principes constitutionnels de notre pays. Le culte musulman dispose de l’autonomie de s’organiser lui-même et n’a pas besoin d’ingérence du monde politique ».

Le processus destiné à mettre fin à la reconnaissance de l’instance représentative risque toutefois de durer, selon Michaël Privot : « On peut s’attendre à une bataille juridique de la part de l’EMB, qui ne va pas lâcher. Se pose alors la question, pour les musulmans, de bénéficier d’un autre organe qui les représente. »