Un rapport analyse la « gravité croissante » des actes antireligieux 

Les faits

Exclusif. Une mission sur les actes antireligieux en France dresse un constat inquiétant, qui touche tous les cultes, et avance des propositions pour mieux répondre au phénomène. L’an dernier, 1 659 actes antireligieux ont été recensés.

  • Bernard Gorce, 

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Un rapport analyse la « gravité croissante » des actes antireligieux
 
Photo d’illustration : vol et profanation dans l'église Saint-Symphorien de Genouilly (Cher), le 5 janvier 2022.BENOIT MORIN/BERRY REPUBLICAIN/MAXPPP

C’est un phénomène qui s’installe dans la durée et s’accentue dans son intensité. Dans un rapport sur les actes antireligieux en France, qui sera remis jeudi 17 mars au premier ministre, les députés Isabelle Florennes (MoDem) et Ludovic Mendes (LREM) dressent un constat inquiétant qui touche tous les cultes et traduit une « une manifestation de la montée de la violence dans la société ».

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Selon les chiffres publiés en début d’année par le ministère de l’intérieur, 1 659 actes antireligieux ont ainsi été recensés en 2021, dont 857 faits antichrétiens, 589 faits antisémites et 213 faits antimusulmans. Ce tableau représente « très certainement une sous-estimation » de la réalité, assure le rapport qui revient sur le dispositif de collecte de l’information.

« Augmentation des atteintes aux personnes »

Le sujet est délicat : difficile de distinguer l’acte de vandalisme d’une profanation d’une église, l’agression raciste d’une violence antimusulmane ou antisémite. La France ne dispose pas, en outre, de statistiques ethniques ou religieuses. Pour compléter les données des ministères de l’intérieur et de la justice, les pouvoirs publics se basent sur le service central de renseignement intérieur (SCRT) qui réalise « un travail de filtrage extrêmement minutieux », en s’appuyant notamment sur les remontées de terrain.

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Partant de là, le rapport tire trois leçons : sur la durée, ces remontées dessinent « un plateau », avec des actes qui oscillent entre 1 500 et 2 000 par an depuis 2015. Plus inquiétant, les députés constatent une « gravité croissante des faits ». Pour résumer, on est passé d’atteintes aux biens aux atteintes aux personnes dans l’espace public puis dans la sphère privée. Les juifs ont été les premiers a en être la cible avec le développement d’un « antisémitisme de proximité », tragiquement révélé par les meurtres de Sarah Halimi en 2017 et Mireille Knoll en 2018.

« Les actes anticatholiques semblent aujourd’hui suivre le même chemin, avec une augmentation des atteintes aux personnes », relèvent les auteurs. Les faits antimusulmans s’expriment aussi par « des menaces à l’encontre des membres de la communauté ». Personne n’est à l’abri. Le représentant de l’Union bouddhiste de France, auditionné, pense que « ce n’est plus qu’une question de temps » avant que les bouddhistes soient confrontés à des problèmes de sécurité.

Informations parcellaires

La troisième leçon est que les actes antireligieux sont largement sous-estimés – comme c’est le cas des discriminations ou actes racistes. Les rapporteurs s’appuient sur les enquêtes de victimation produites notamment par l’Insee ou des études internationales. Les raisons sont notamment liées à une sous-déclaration des faits par peur des représailles, sentiment d’humiliation ou encore souhait de ne pas « créer de problèmes ». Le faible taux d’élucidation des affaires peut également décourager les victimes : en 2021, sur les 1 659 actes recensés, seules 234 font état d’auteurs interpellés, soit 14 % des dossiers.

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Parmi les onze propositions qu’elle formule, la mission demande une « communication plus complète sur les chiffres et les dispositifs mis en œuvre (…), idéalement interministérielle ». En général, le ministre de l’intérieur livre des informations parcellaires, parfois au détour d’une interview dans la presse. Elle souhaite « une connaissance plus fine » des actes antireligieux « pour permettre d’évaluer plus précisément le nombre de victimes ». Elle « encourage fortement » les pouvoirs publics, les cultes et les spécialistes « à progresser dans l’objectivation de la notion ».

L’État s’est mobilisé depuis plusieurs années pour renforcer la sécurité des lieux de culte et accompagner leurs responsables. Le rapport, qui met en exergue quelques bonnes pratiques, recommande un renforcement de cette action, notamment à l’échelon préfectoral. Sur le plan culturel, il plaide pour le soutien au dialogue interreligieux et pour l’enseignement du fait religieux à l’école.