Réforme de la Curie : « L’évangélisation en pole position !
- Alex et Maud Lauriot Prevost, Délégués épiscopaux à la Nouvelle Evangélisation (Avignon), auteurs de Jésus recrute ! (EDB, 2022)
Très engagés dans l’évangélisation dans leur diocèse d’Avignon, Maud et Alex Lauriot-Prevost se réjouissent de la nouvelle constitution de la Curie, qui fait de « la prédication de l’Évangile » le cœur de la mission de l’Église. Une invitation aussi à « quitter l’entre-soi catholique ».
La nouvelle constitution de la Curie – Praedicate evangelium – apparaît comme un vrai « traitement de choc » comme le titrait La Croix du 21 mars : l’évangélisation, la « prédication de l’Évangile » comme est dénommée cette réforme, devient désormais la priorité institutionnelle et donc pastorale du Vatican, et en cela, de toute l’Église, du pape, des évêques, des clercs – et des laïcs, insiste la réforme.
Nous vivons cette étape soixante ans après l’ouverture de Vatican II qui se voulait avant tout un concile missionnaire, « pour mieux dire Jésus au monde », expliquait Jean XXIII ; « la nouvelle évangélisation est le plus beau fruit du Concile », affirma pour sa part Benoît XVI.
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Il est sans doute utile en effet de souligner que cette priorité évangélisatrice s’est affirmée de manière croissante au plan théologique, pastoral et spirituel. À la suite du Concile, aux côtés des innombrables fruits qu’il a portés, l’Église fit le triste constat de certaines dérives dans son interprétation, comme la remise en cause de la légitimité de l’évangélisation visant à conduire des non-chrétiens à la foi chrétienne et à porter le Salut du Christ à tout homme.
De Paul VI à François
Paul VI décide alors de rappeler et d’actualiser les fondamentaux de l’évangélisation, en publiant en 1975 l’exhortation « L’évangélisation dans le monde moderne » : il y rappelle que « l’Église est faite pour évangéliser » et qu’on ne peut parler d’évangélisation sans une annonce explicite de Jésus Sauveur, Maître et Seigneur, de Jésus « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14, 6).
Jean-Paul II approfondit cet impératif missionnaire en publiant en 1990 l’exhortation « La Mission du Rédempteur » ; il y développe les fondements, la nécessité et la mise en pratique de la nouvelle évangélisation, fil rouge pastoral de son pontificat. Benoît XVI décide pour sa part d’ancrer cette nécessité missionnaire dans l’organisation de l’Église : il instaure en 2010 le Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation, puis il convoque en 2012 un Synode pour la nouvelle évangélisation qui fit souffler un vent de Pentecôte sur tous les continents.
Avec l’exhortation « La Joie de l’Évangile » en 2013, le pape François offre à l’Église le texte programmatique de son pontificat, centré sur l’évangélisation, l’annonce et le témoignage du kérygme (1) comme le b.a.-ba de tout renouveau pastoral, puis il va publier ces derniers jours cette réforme majeure de la Curie.
Le plan structurel de l’Église
Ainsi le mandat que Jésus donne à ses disciples – « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé » (Mt 28, 19-20) – se traduit désormais au plan institutionnel comme la priorité phare de l’Église. Elle traduit désormais au plan structurel que toute l’activité de l’Église doit se rapporter à l’évangélisation, que ce soit la doctrine, la liturgie, la pastorale, la sphère de la charité… ; elle engage désormais l’Église et les successeurs de François pour des décennies.
Cette réforme est un signe fort adressé à toute l’Église, à tous les baptisés, elle fixe le cap universellement… et localement : ce « traitement de choc » doit donc s’appliquer à tous les échelons – paroisses, diocèses, mouvements –, invités à s’en emparer et à traduire, dans leurs propres réformes, un changement d’organisation, de priorité et d’état d’esprit. En raison de leur ministère, les évêques sont en première ligne pour lancer et conduire ce chantier dans les diocèses ; toutefois, les prêtres, les religieux et bien entendu les laïcs y ont toute leur place, beaucoup en seront tout à la fois les acteurs, les aiguillons et les fers de lance.
Quitter l’entre-soi catholique
Même si toute la communauté catholique est concernée et doit s’impliquer, c’est aux forces vives actuelles de l’évangélisation en France de se mettre prioritairement au service de ce vaste chantier : sans exclusive bien sûr, nous pensons à tous ceux qui, dans leur grande diversité, se retrouvent très nombreux depuis des années dans les Congrès Mission annuels pour échanger et relire des expériences, réfléchir et se former à la mission, proposer et découvrir de nouvelles initiatives… Fin février dernier, le pape lui-même nous (2) partageait son action de grâce devant toute la vitalité, la diversité et la créativité missionnaire des laïcs qu’il observait en France. Les services de la Conférence des évêques, les diocèses, les mouvements, les diverses institutions ecclésiales pourront s’appuyer sur cette grande vague de fond (et certains le font déjà !) pour mener à bien leur propre réforme structurelle et spirituelle centrée plus que jamais sur l’évangélisation.
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Dès à présent, sur le terrain, nous sommes tous invités à quitter l’entre-soi catholique que dénonce si souvent François, et mettre le cap sur la prédication convaincante du kérygme et le témoignage rayonnant de l’Évangile auprès de ceux qui ne viennent pas ou plus à l’église. L’enjeu de ce chantier est donc de mobiliser tous les pratiquants dans l’évangélisation des périphéries de l’Église pour devenir ces « disciples-missionnaires » si chers au pape. Ce chantier va encourager ceux qui y sont déjà engagés, aider ceux qui s’interrogent à franchir le pas, interpeller ceux qui y rechignent ou sont découragés.
Nous y voyons en tout cas l’impulsion d’un grand élan évangélisateur donné à l’Église de France du XXIe siècle, défi si prometteur pour la santé de notre Église et le service de nos frères.
(1) Annonce à chaque homme du Salut en Jésus-Christ.
(2) Avec le Conseil de la Communion Priscille & Aquila.