Chez les « tradis », les restrictions à la messe en latin ont toujours du mal à passer
Au cours de l’audience générale de ce mercredi 4 mai, des mères de prêtres doivent remettre au pape François des milliers de lettres lui demandant de revenir sur son motu proprio Traditionis custodes. Promulgué en juillet dernier, l’acte papal limitant strictement la célébration selon la liturgie préconciliaire est toujours très difficilement accepté chez les fidèles de cette forme.
Ce merdi 4 mai, lors de l’audience générale place Saint-Pierre au Vatican, doit être présent au tout premier rang un groupe de Françaises. Venues à pied – en se relayant – de Paris, ces femmes pourront saluer brièvement le pape François pour plaider auprès de lui la cause de leurs fils : prêtres attachés à la célébration selon la liturgie préconciliaire, ceux-ci sont contraints par les nouvelles normes édictées en juillet dernier dans son motu proprio Traditionis custodes.
« Nous sommes venues demander au pape de revenir sur sa décision, au nom de l’unité de l’Église, explique Catherine Balaÿ. Nous voulons lui dire la souffrance et l’incompréhension des prêtres et fidèles touchés par ces restrictions. » Mère d’un prêtre de la communauté Saint-Martin – qui célèbre donc habituellement sous la forme conciliaire –, elle est l’une des cinq mères à avoir parcouru l’ensemble du trajet de Paris à Rome, quelque quarante-cinq autres n’ayant marché que quelques étapes.
« Le grand désarroi de ces fidèles »
Dix mois après sa promulgation, Traditionis custodes est ainsi encore très mal accepté par ceux qu’il concerne. Passant d’un régime de libéralité permis depuis 2007 par la décision Summorum pontificum, cette norme fait désormais de la célébration selon la liturgie préconciliaire une exception sous le contrôle de l’évêque.
Signe que ces normes font toujours polémique : les mères de prêtres arrivent à Rome avec plus de 2 500 courriers de fidèles, pour demander au pape de revenir sur sa décision. « Ces courriers disent le grand désarroi de ces fidèles, insiste Benoît Sévillia, président de l’association qui a organisé la marche des mères et frère d’un prêtre de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre (FSSP). Nous aimerions que le Saint-Père mesure bien que ceux qui sont touchés par sa décision craignent pour leur vie de foi. »
Si Traditionis custodes est si mal reçu par ceux qu’il vise, c’est notamment parce que les raisons qui l’ont motivé ne sont pas comprises. Dans une lettre aux évêques l’accompagnant, le pape François dénonçait une « utilisation instrumentale » de la forme préconciliaire, « toujours plus caractérisée par un refus croissant non seulement de la réforme liturgique, mais du concile Vatican II, avec l’affirmation infondée et insoutenable qu’il aurait trahi la tradition et la vraie Église ».
Une mouvance « hétéroclite »
Une analyse contre laquelle les intéressés s’inscrivent en faux. « C’est un miroir déformant de la réalité. Il est reproché aux fidèles attachés au rite tridentin de vivre en dehors de l’Église, mais ce n’est absolument pas le cas », conteste Benoît Sévillia. S’il reconnaît que « certains sont un peu caricaturaux », il assure que « la très grande majorité est engagée dans des missions d’Église, que ce soit par la catéchèse, dans des associations humanitaires ou encore dans l’éducation. »
Les deux visions sont-elles vraiment contradictoires ? « Le monde tradi est très hétéroclite, répond un bon connaisseur de ce milieu. Beaucoup ne sont pas intéressés par les querelles théologiques et reconnaissent tout à fait le Concile, tout en étant attachés à une liturgie qui leur correspond. De l’autre côté, il y a aussi des personnes qui ont profité des libéralités offertes pour n’en faire qu’à leur tête, plus dans un esprit de rupture qu’autre chose. » Et pour cet observateur, le motu proprio de François est coupable de s’appliquer indistinctement, sans faire la part entre les différentes réalités de cette mouvance.
S’il comprend le sentiment de « persécution » – le mot revient très souvent dans les réactions des « tradis » devant l’application de Traditionis custodes par les évêques –, cet observateur appelle toutefois à ne pas s’y limiter. « L’un des problèmes du monde traditionnel est qu’il a beaucoup de mal à faire un travail de remise en cause, il y a beaucoup de revendications, mais jamais d’autocritique », tance-t-il. Il souligne par exemple le refus catégorique de certains de concélébrer ou de présider selon la liturgie de Paul VI et l’absence de réflexion véritable sur ces questions. « Les tradis voient ce qui est injuste à leur égard, mais pas ce qui leur est demandé. »
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Des restrictions… et un assouplissement
Avec Traditionis custodes, il n’est plus possible à tout prêtre de célébrer selon la forme antérieure à la réforme issue du concile Vatican II. Les fidèles sont également limités dans leurs demandes de célébration sous cette forme.
Seules des célébrations autorisées par l’évêque peuvent avoir lieu sous cette forme et doivent être présidées par un prêtre « dûment formé » et ayant « à cœur non seulement la célébration correcte de la liturgie, mais aussi le soin pastoral et spirituel des fidèles ».
Une exception : les prêtres de la Fraternité Saint-Pierre, créée par des prêtres ayant refusé en 1988 la rupture de Mgr Lefebvre avec Rome, mais attachés à la forme préconciliaire. Selon une dérogation accordée par le pape François, ceux-ci peuvent présider la messe et les sacrements selon la forme préconciliaire, sans restriction.