Antisémitisme : la communauté juive de France est la plus préoccupée par sa sécurité en Europe 

Analyse 

Réunie en conférence annuelle à Budapest lundi 20 et mardi 21 juin, l’Association juive européenne a dévoilé pour la première fois un indice de qualité de la vie juive en Europe. Cette enquête montre que la France est le pays européen sondé dans lequel les Juifs se sentent le moins en sécurité.

  • Juliette Paquier, 
Antisémitisme : la communauté juive de France est la plus préoccupée par sa sécurité en Europe
 
Des milliers de personnes lors d’un rassemblement à l’esplanade du Trocadéro, à Paris, pour « réclamer justice » dans l’affaire Sarah Halimi, le 25 avril 2021.JULIEN DANIEL/MYOP

En comparaison avec ses homologues européennes, la communauté juive française est la plus traversée par un sentiment d’insécurité, alors même que les actions du gouvernement envers les Juifs dans le pays sont perçues comme les plus performantes. Ce paradoxe est l’un des enseignements majeurs d’une vaste enquête commandée par l’Association juive européenne (EJA), présentée lors de sa conférence annuelle, lundi 20 juin, à Budapest.

L’étude, présentée pour la première fois sous la forme d’un « indice de qualité de la vie juive », rassemble les résultats de différents sondages (1) et données gouvernementales. Elle prend en compte quatre critères distincts : « la performance du gouvernement vis-à-vis de la communauté juive »« l’attitude de la population envers les Juifs et Israël »« l’antisémitisme » et « le sentiment d’insécurité perçu par les Juifs dans le pays ».

Chacun des 12 pays de l’Union européenne concernés par l’étude, dont la France, la Belgique, l’Italie, l’Espagne ou encore les Pays-Bas, se voient décerner un score sur 100, selon chaque paramètre.

La France championne de l’insécurité ressentie

En France, si les mesures gouvernementales sont perçues positivement comme les plus performantes (83/100), la communauté juive du pays est aussi celle qui ressent le plus d’insécurité (31/100). « Cette enquête confirme le paradoxe qui existe entre l’action gouvernementale, comme les lois contre le boycott de produits israéliens ou contre l’antisionisme, et les effets de ces mesures sur le ressenti de la communauté juive dans le pays, analyse Joël Mergui, président du consistoire israélite de Paris. Malgré ces mesures, nous assistons à la montée des actes antisémites, de l’islamisme radical et la présence policière aux abords des lieux de vie juive est moins visible… Tout cela crée un climat d’inquiétude pour les Juifs de France. »

Les attentats qui ont visé la communauté juive ces dernières années, mais aussi certaines décisions judiciaires, à l’instar de l’affaire Sarah Halimi – dont le meurtrier a été jugé pénalement irresponsable –, ont « porté atteinte à la confiance des Juifs de France », selon le président du consistoire de Paris.

Face à ce constat, Joël Mergui estime qu’« il faudrait augmenter la présence policière autour des lieux de vie juive. La visibilité de la sécurité a un rôle fondamental pour rassurer une communauté juive traumatisée par les attentats, même si cela ne nous empêche pas de continuer à vivre une vie à peu près normale. »

Collaboration européenne

« Il ne s’agit pas seulement de mesurer un seul paramètre, comme l’antisémitisme, ce qui a déjà été fait, explique Daniel Staetsky, statisticien pour l’Institute for Jewish Policy Research, auteur de l’étude, mais de donner aux gouvernements des données concrètes sur des thématiques ciblées pour améliorer la vie des Juifs en Europe. »

L’indice permet d’évaluer les disparités entre pays. Ainsi, la Suède semble être moins traversée par l’antisémitisme, mais la liberté d’y pratiquer sa religion, à travers l’accès aux produits casher ou la pratique de la circoncision, est moins respectée. « Il existe la crainte d’une contagion d’atteinte à la liberté religieuse au niveau européen », souligne Joël Mergui.

« C’est pourquoi il est important d’être en contact avec les responsables des autres communautés, car nos destins sont liés », poursuit-il. Avec l’objectif d’œuvrer ensemble, pour qu’il y ait «une corrélation entre les mesures gouvernementales et le ressenti de la population juive qui vit en Europe depuis des millénaires et a légitimement le droit de s’interroger sur son avenir».

« Assurer la possibilité de vivre en Europe »

Selon le classement final, tous critères confondus, l’Italie obtient le meilleur « score » (71/100), la France se place huitième (63/100), et la Belgique arrive dernière (50/100). Les débats autour de l’interdiction de l’abattage rituel dans le pays le placent en dernier en matière de performance du gouvernement, mais aussi d’antisémitisme.

« Nous voulons assurer la possibilité, pour la communauté juive, de vivre en Europe, souligne Menachem Margolin, rabbin de Bruxelles et président de l’Association juive européenne. C’est le moment d’encourager tout le continent à faire mieux. »

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Une rencontre à Budapest

La conférence annuelle de l’Association juive européenne réunit, lundi 20 et mardi 21 juin, plus de 250 participants, dans la capitale hongroise.

Les discussions porteront sur la préservation de la judaïcité sur le continent, de la liberté de culte et de religion à la question mémorielle, en passant par la culture juive ou encore l’instrumentalisation de la Shoah contre les Juifs. La question des réfugiés ukrainiens sera également abordée.

Les recommandations qui résulteront de ces échanges seront soumises au vote de 120 délégués des communautés, puis transmises aux gouvernements des 27 États de l’Union européenne.

(1) Plusieurs études de l’Institute for Jewish Policy Research, dont Experiences and perceptions
of antisemitism. Second survey on discrimination and hate crime against Jews in the EU, menée auprès de 16 000 Juifs européens en 2018 et publiée par la European Union Agency for Fondamental Rights.