« Les jeunes ne veulent plus devenir rabbin » : crise des vocations au séminaire israélite de France 

Enquête 

Le président du Consistoire central, Élie Korchia, a fait part, dimanche 26 juin, de sa volonté de renforcer l’accompagnement des élèves du séminaire israélite de la rue Vauquelin, à Paris. Unique école rabbinique consistoriale en France, l’institution souffre depuis plusieurs années du manque d’attractivité du métier de rabbin.

  • Juliette Paquier, 
« Les jeunes ne veulent plus devenir rabbin » : crise des vocations au séminaire israélite de France
 
Office du dimanche matin à la synagogue du Raincy (Seine-Saint-Denis), le 24  septembre 2017.   JULIEN DANIEL/MYOP

Améliorer l’accompagnement des élèves de l’unique école rabbinique consistoriale française, c’est le souhait exprimé par Élie Korchia, président du Consistoire central, et soutenu par le grand rabbin de France Haïm Korsia, en marge de l’assemblée générale de l’institution, dimanche 26 juin.

La prestigieuse école, créée en 1829 à Metz et installée dans la discrète rue Vauquelin à Paris (5e arrondissement) depuis 1859, a pour vocation de former de futurs rabbins « à la française », selon les mots de son directeur, le grand rabbin Olivier Kaufmann. L’institution souffre toutefois d’un manque de dynamisme depuis plusieurs années – jusqu’à récemment, elle n’accueillait qu’entre 5 et 7 élèves, aujourd’hui 12.

Crise des vocations

Cette formation, qui délivre des enseignements religieux et profanes, comme des cours de français ou d’histoire, manque d’attractivité : la profession de rabbin reste méconnue et peu mise en valeur. « Il y a une vraie crise des vocations aujourd’hui : les jeunes ne veulent plus devenir rabbin », déplore un rabbin formé au séminaire.

En cause, selon lui, la mutation du profil de l’élève. « Auparavant, les élèves qui entraient à l’école rabbinique étaient plutôt de jeunes célibataires. Désormais, ces jeunes se dirigent soit dans des grandes écoles, soit en Israël vers des yeshivot. Ceux qui fréquentent l’école rabbinique sont des adultes mariés, qui veulent s’investir dans une communauté. » Et ces élèves plus âgés, qui exercent souvent des métiers par ailleurs, doivent subvenir aux besoins de leurs familles. Or le montant des bourses est de 100 € mensuels pour un élève célibataire, 300 € mensuels pour un élève marié.

« Franco-judaïsme »

Face à cette situation, le président du Consistoire central souhaite mieux les accompagner financièrement. Il envisage de revaloriser les bourses ou de mettre en place des aides à hauteur de 1 100 € mensuels pour un élève marié et 500 € pour un élève célibataire.

Avec l’objectif premier de rendre son attractivité à une formation consistoriale dont la particularité est d’offrir un enseignement qui incarne le « franco-judaïsme » : l’accent est mis sur l’ouverture au monde et le cursus universitaire, pour que les rabbins qui sortent du séminaire représentent « des interlocuteurs privilégiés des pouvoirs publics et des autres communautés religieuses », dans la continuité de la conception prônée à la création du Consistoire par Napoléon.

Manque de transparence

Les changements voulus par le président du Consistoire portent également sur l’accompagnement des élèves, point de tension récurrent selon plusieurs témoignages recueillis par La Croix. Certains anciens élèves regrettent le manque de transparence de la direction et du fonctionnement de la notation. « Comme il y a un sous-effectif, entre autres, les élèves étaient livrés à eux-mêmes. Je me suis senti négligé par la direction », témoigne l’un d’entre eux qui n’est pas allé au bout de la formation, bien qu’il reconnaisse l’« excellente qualité » des enseignements dispensés.

Conscient de ce manque d’accompagnement, Élie Korchia a évoqué la mise en place de rendez-vous trimestriels avec le directeur du séminaire, le président du Consistoire central et le grand rabbin de France avec les élèves, pour échanger sur « ce qui leur tient à cœur, du point de vue des cours, mais aussi du fonctionnement de l’institution ». Des rencontres qui favoriseraient les « échanges directs, pour faire davantage attention à leur vie dans l’établissement », selon le président du Consistoire.

Rabbin à mi-temps

Toutefois, le renforcement de l’accompagnement des élèves ne peut pallier la raréfaction des postes rabbiniques à temps plein en sortie d’école. « Aujourd’hui, il existe davantage de postes rabbiniques à mi-temps, regrette le grand rabbin Olivier Kaufmann, directeur du séminaire. Or un rabbin doit se donner corps et âme à sa communauté :nous ne pouvons pas penser le rabbinat comme du lucratif. »

En outre, il existe un écart entre les communautés en manque de rabbins, souvent situées en province, et les aspirations des jeunes ordonnés en sortie de séminaire. Ces derniers sont parfois réticents à s’installer dans des villes où le confort de la vie juive est moins assuré et où il est difficile de trouver de la nourriture casher ou de scolariser ses enfants dans une école juive.

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Une formation exigeante

Pour intégrer le séminaire israélite de France, une formation préalable n’est pas requise, l’élève rabbin doit avoir obtenu son baccalauréat. En pratique, de plus en plus d’élèves l’intègrent après un apprentissage en yeshiva (école talmudique) ou un cursus universitaire.

La formation, de trois à cinq ans, comporte des enseignements religieux sur les textes fondateurs du judaïsme et des matières universitaires. Depuis quelques années, de nouveaux séminaires thématiques ont été mis en place, autour du dialogue interreligieux et de la psychologie.

À la sortie du séminaire, l’élève rabbin doit remettre un mémoire, et prononcer un sermon devant plusieurs hauts dirigeants, dont les grands rabbins de Paris et de France et le président du Consistoire central.