Pourquoi la vidéo d’un journaliste israélien à La Mecque suscite la colère dans les pays musulmans 

Explication 

Un Saoudien a été arrêté vendredi 22 juillet pour avoir aidé un journaliste israélien à s’introduire dans La Mecque, ville sainte de l’islam fermée aux non-musulmans. Cette interdiction, qui s’appuie sur un verset du Coran, s’est imposée progressivement.

  • Léo Durin, 
Pourquoi la vidéo d’un journaliste israélien à La Mecque suscite la colère dans les pays musulmans
 
Des fidèles autour de la Kaaba, dans la ville sainte de La Mecque, en Arabie saoudite, jeudi 11 juillet 2022.-/AFP

Depuis plusieurs jours, une vidéo publiée par un journaliste israélien se filmant à La Mecque, en Arabie saoudite, provoque un tollé parmi les musulmans. De fait, cette ville sainte de l’islam est interdite à tous les non-musulmans. L’affaire est embarrassante pour les autorités du royaume qui sont aussi les « gardiennes des lieux saints » et donc responsables de leur protection et de leur entretien vis-à-vis des musulmans du monde entier. Signe de leur préoccupation, elles ont annoncé vendredi 22 juillet avoir arrêté un de leurs ressortissants, qui aurait aidé le journaliste à « s’infiltrer » dans la ville sainte.

Répondant aux protestations sur les réseaux sociaux, Gil Tamary, qui a présenté ses excuses, a expliqué que son objectif était « de montrer l’importance de La Mecque et la beauté de l’islam ». Les Israéliens ne sont théoriquement pas acceptés en Arabie saoudite car les deux pays n’entretiennent pas de liens diplomatiques officiels, malgré les efforts des États-Unis, mais Gil Tamary possède également la nationalité américaine. Il était présent dans le pays, en tant que journaliste, pour couvrir la visite du président américain Joe Biden.

Lieu le plus saint de l’islam

La Mecque, berceau de l’islam et lieu de naissance du prophète Mohammed, est la ville sainte la plus importante de la religion musulmane. Elle indique la direction dans laquelle doit se tourner le croyant au cours de la prière et constitue le centre du pèlerinage annuel rassemblant des musulmans du monde entier, le hajj, un des cinq piliers de l’islam. Tout fidèle en bonne santé et disposant des ressources financières nécessaires doit l’effectuer au moins une fois dans sa vie.

L’interdiction pour les non-musulmans d’accéder à la ville, qui s’étend aussi à la mosquée du prophète à Médine, est justifiée par un verset du Coran : « Ô vous qui croyez !, les infidèles ne sont qu’impureté. Qu’ils n’approchent donc point de la mosquée sacrée après la présente année. » Comme le souligne Harry Munt, historien du monde islamique, dans son article « No two religions » : Non-Muslims in the early Islamic Ḥijāz, ce passage peut toutefois faire l’objet d’interprétations contradictoires.

Polythéistes, chrétiens et juifs

Les interprétations divergent, selon les époques et les courants musulmans, sur la définition des « infidèles » évoqués. Pour Harry Munt, le terme pourrait désigner seulement les polythéistes. Toutefois, l’historien concède qu’un autre verset - considéré comme plus tardif, dans la tradition musulmane - semble viser aussi les chrétiens et les juifs.

Il existe un débat autour de la « mosquée sacrée » évoquée par le Coran : s’agit-il de la zone à proximité immédiate de la Kaaba ou d’un périmètre plus large ? Au cours des quatre premiers siècles de l’islam, il existait de « nombreuses opinions divergentes à ce sujet », relate Harry Munt.

Cependant, au fur et à mesure, l’idée d’exclure tous les non-musulmans de la Mecque s’est imposée. D’après l’historien, ce processus est concomitant à la sacralisation progressive du berceau de l’islam et de la cité voisine de Médine, où est enterré Mohammed : plus ces deux villes « deviennent sacrées, plus les savants veulent en exclure les non-musulmans ».

Une route réservée aux musulmans

À une époque où les musulmans cherchent à affirmer leur différence avec les autres religions monothéistes, les exclure de La Mecque est un bon moyen de le faire. « L’accès à l’espace sacré joue à l’époque le rôle de différenciateur entre les communautés religieuses », explique l’historien. Une stratégie également utilisée dans d’autres religions : au Népal, le temple de Pashupatinath, inscrit au patrimoine mondial de l’humanité, est aussi interdit aux non-hindous.

Pourquoi la vidéo d’un journaliste israélien à La Mecque suscite la colère dans les pays musulmans

Aujourd’hui, le gouvernement saoudien maintient strictement ces règles. Sur l’autoroute menant à La Mecque, un panneau indique la direction réservée aux musulmans et l’embranchement « obligatoire » pour les autres. La police religieuse veille. Tenter d’y déroger entraînera une amende, tandis que parvenir à pénétrer dans la ville mènera généralement à l’expulsion du pays.