Soudan: les dessous de l’affaire Maryam Yahya Ibrahim
Condamnée pour “apostasie” puis acquittée, la soudanaise chrétienne Maryam Yahya Ibrahim a été de nouveau arrêtée avec sa famille mardi 24 juin avant d’être libérée le 26 juin. Pourquoi ces revirements ? L’éclairage de Marc Lavergne directeur de recherche au CNRS et spécialiste du Soudan.
Cette femme a été prise en otage entre deux groupes au pouvoir au Soudan. D’un côté, ceux que j’appelle les « barons », soit des businessmen en poste dans les ministères qui fonctionnent un peu comme une mafia, comme en Algérie à la différence que ces hommes-là ont l’ambition de peser à l’échelle africaine et mondiale. Ce sont eux qui arment des groupes qui déstabilisent les pays voisins comme en Centrafrique, où on retrouve aujourd’hui les janjawids qui terrorisaient les populations du Darfour. Les « barons » vont là où il y a de l’argent à prendre -les diamants ou l’ivoire de Centrafrique. Ils investissent ensuite dans le monde entier. Ceux-ci ont dû considérer qu’il ne fallait pas trop fâcher les Américains, que cette affaire allait finir par gêner leur business et ils ont fini par libérer Maryam Yahyia Ibrahim. Et puis de l’autre côté : les hommes du NISS, (National intelligence and Security service), le service qui semble l’avoir arrêtée à l’aéroport, plus idéologique. Celui-ci était dirigé il y a quelques années par un homme ultraviolent mais très intelligent : Salah Gesh. Emprisonné un temps, il est de nouveau libre. Sans doute est-il derrière cette nouvelle arrestation. Le NISS a peut-être profité de l’occasion pour tenter de négocier des privilèges et des avantages. Maryam a sans doute été l’objet de négociations entre ces deux groupes.(Source : La Vie/26.06.14/PROPOS RECUEILLIS PAR ANNE GUION