Quelle place pour les personnes âgées dans les religions ?
Les personnes âgées jouent un rôle croissant dans les différentes traditions religieuses en France. Les religions ont aussi un rôle important à jouer dans l’accompagnement de la vieillesse dans un contexte de démographie déclinante. C’est autour de ces questions que se sont réunis, les 15 et 16 novembre, des chercheurs de l’École pratique des hautes études (EPHE).
Aujourd’hui en France, les personnes âgées sont de plus en plus nombreuses et beaucoup plus religieuses que les jeunes générations. Les retraités sont souvent très actifs dans l’Église catholique comme dans les autres religions. Beaucoup d’Ehpad et de maisons de retraite sont d’origine confessionnelle.
D’un autre côté, l’accompagnement religieux fait aussi partie de la santé globale des personnes âgées. « Les aumôniers de l’hôpital public ont un rôle fondamental dans ce cadre-là, estime Philippe Gaudin, qui coorganisait le colloque « Vieillissement et religions » les 15 et 16 novembre à l’École pratique des hautes études (EPHE), à Aubervilliers. « Mais il existe un vrai problème d’accès à l’information. Le personnel est trop peu formé sur la question », ajoute le philosophe, spécialiste du fait religieux en France.
Pendant deux jours, des biologistes, historiens, sociologues, journalistes, chercheurs de l’Itev (Institut transdisciplinaire d’étude du vieillissement) et de l’Irel (Institut d’étude des religions et de la laïcité), se sont penchés notamment sur ces questions.
Et que pensent les religions des personnes âgées ? Contrairement à ce que l’on pourrait supposer, le vieillissement est un thème assez négligé, notamment par le christianisme.
Une bénédiction divine dans le judaïsme
Dans le judaïsme, la vieillesse est plutôt valorisée. Le mot hébreu zakèn signifie à la fois « sage » et « vieillard ». Atteindre un grand âge est vu comme un signe de bénédiction divine. Beaucoup de personnages de la Bible sont actifs dans leur vieillesse. Abraham lui-même commence sa « carrière » avec Dieu à 75 ans, et meurt à 175 ans ; Moïse est envoyé pour libérer le peuple d’Israël, selon la tradition juive, à l’âge de 80 ans et meurt à 120 ans.
Dans la pensée juive, le grand âge ne doit pas empêcher d’être actif. « Peu importe son âge, l’important est ce que l’on fait de sa vie », explique Bernard Paperon, ancien chercheur en droit hébraïque au CNRS.
« Jésus n’a jamais été vieux »
Dans le christianisme, la perspective semble s’inverser. « La question du vieillissement ne semble pas pertinente dans le christianisme. Jésus n’a jamais été vieux », selon Renaud Rochette, historien du christianisme, soulignant que ce thème est presque inexistant dans la théologie.
Le Christ et ses disciples sont jeunes et bouleversent le vieux monde. « L’horizon du christianisme se situe dans l’accomplissement de la vie éternelle », ajoute le chercheur. La résurrection est associée à la jeunesse.
Cet état de fait est paradoxal dans une Église très vieillissante, en France notamment. Le vieillissement du clergé pose notamment la question du rôle des laïcs, qui sont de plus en plus actifs, notamment les femmes, pour suppléer à certaines tâches pastorales. Une réflexion profonde sur le vieillissement reste à mener dans l’Église.
Le respect des anciens, une valeur cardinale du monde musulman
Dans la société tribale où naît l’islam, la vieillesse est peu valorisée ; elle est associée à la sagesse, mais aussi à la faiblesse et à l’amertume. On meurt jeune en général. Quant au Coran, pas très loquace sur le sujet, il se contente surtout d’appeler au respect des personnes âgées.
Dans la civilisation islamique, le respect des anciens devient une valeur cardinale. Le titre de cheikh, « maître, vieillard, sage » en arabe, est central. C’est un titre politique et aussi spirituel.
Dans le soufisme, le maître spirituel est ainsi appelé cheikh. « Le grand âge est également perçu comme l’âge du retour à la religion, indique Jamal Ahbab, historien de l’islam, où l’on a le temps de faire le pèlerinage de La Mecque et ses prières quotidiennes après une vie de labeur. »
En Chine, des instituts de repos bouddhistes pour les personnes âgées
En Chine, malgré le communisme, le culte des ancêtres reste très répandu ; le confucianisme, qui façonne encore largement la société, met en avant la piété filiale et impose aux enfants de s’occuper de leurs parents âgés. Cela pose un immense défi avec le vieillissement de la population dû à la politique de l’enfant unique.
Dans ce contexte, les religions tentent de s’adapter. « Certains monastères bouddhistes proposent ainsi des instituts de repos destinés aux personnes âgées, en leur proposant des activités spirituelles adaptées », indique Daniela Campo, maître de conférences à l’université de Strasbourg.