Laïcité : à l’Assemblée, les comédiens du Français font revivre les débats sur la loi de 1905

Reportage 

À l’occasion de la Journée nationale de la laïcité le vendredi 9 décembre, l’Assemblée nationale a organisé une reconstitution par la troupe de la Comédie-Française des délibérations sur la loi de 1905. Un événement auquel étaient conviés des collégiens et lycéens.

  • Camille Auchère, 
Laïcité : à l’Assemblée, les comédiens du Français font revivre les débats sur la loi de 1905
 
L'acteur de la Comédie-Française Marcel Bozonnet, jouant le rôle de l'abbé Gayraud, aux côtés de la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, à Paris, le 7 décembre 2022.BERTRAND GUAY/AFP

« Madame la présidente ! » L’effet de cette annonce est immédiat : le brouhaha s’apaise, et les bancs de l’hémicycle rouge se font silencieux. Yaël Braun-Pivet fait son entrée dans un tailleur noir dont s’échappe un chemisier rose vif. Aujourd’hui, comme à son habitude, elle va présider les débats de l’Assemblée nationale. Oui, mais voilà : l’Assemblée de ce mercredi matin est un peu particulière, puisque ceux qui la composent ont pour nom Aristide Briand, l’abbé Gayraud, Jean Jaurès, Maurice Allard, le comte de Baudry d’Asson, ou encore Hélène Sée, la première femme journaliste parlementaire.

Le reste des sièges est occupé par 300 collégiens et lycéens, venus de toute l’Île-de-France pour assister à une reconstitution, par des acteurs de la Comédie-Française, des débats autour de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État. Un moment « transhistorique », affirme la présidente, avant de rentrer dans son propre rôle et déclarer la séance ouverte.

Passe d’armes autour de la proposition d’Aristide Briand

Déjà Marcel Bozonnet monte à la tribune, mettant au service de l’abbé Gayraud sa voix grave et sa diction chirurgicale. « C’est la guerre que vous voulez nous déclarer, c’est la guerre que vous nous apportez, parce que vous froissez nos consciences, parce que vous les violentez », martèle-t-il en réponse à la proposition de loi portée par le jeune Aristide Briand. Brillamment interprété par Hervé Briaux, lui affirme haut et fort, sous les huées et les protestations, que « si l’Église ne peut se passer des subsides de l’État, c’est que l’Église est déjà morte ».

Face à lui, une partie de la droite et des représentants de l’Église, mais également un certain Maurice Allard, avocat et journaliste furieusement anti-clérical, porté par le charismatique Pierre Hancisse. « Je demande (à l’Assemblée) d’adopter comme postulatum ce qui a été adopté depuis plus de trente années par le véritable Parti républicain : de décider que l’Église, danger politique et danger social, doit être combattue de toutes les façons ! », s’exclame-t-il, sous les protestations véhémentes de Gayraud et Baudry d’Asson.

Mariage de la politique et du théâtre

Une heure durant, les comédiens se lèvent, s’insurgent, et servent avec talent les extraits habilement choisis de ces délibérations, ponctués de saillies devenues historiques. Chacune de leurs interventions est précédée d’une introduction historique par Catherine Salviat, sociétaire honoraire de la Comédie-Française, qui joue le rôle d’Hélène Sée. Une mise en contexte bienvenue, qui fait la part belle à Aristide Briand dont sont louées « l’habileté et la modération ».

Dans les rangs de l’hémicycle, l’expérience semble séduire les lycéens, et parfois déconcerter les plus jeunes, qui tous participent ensuite à un débat autour du thème de la laïcité, animé par Yaël Braun-Pivet. Un rôle qui sied davantage à la présidente de l’Assemblée, qui réussit à faire dialoguer les élèves entre eux. Et alors que se mêlent leurs interrogations et divergences, apparaît combien la laïcité, presque cent vingt ans après, reste un sujet épineux.