La persécution des chrétiens
et le dialogue interreligieux
La persécution
des chrétiens
Il est utile de faire une différence entre la persécution perpétrée par un État et la violence faite à des chrétiens par des individus ou des groupes. Même quand des États sont impliqués, il y a des différences considérables. En fait, bien que nous puissions parler en général de la persécution de chrétiens, il n’y a pas deux situations exactement semblables.
Le gouvernement de la République du peuple de Chine soutient qu’il n’est pas opposé à l’existence de différentes religions. Et, en effet, des communautés bouddhistes, chrétiennes et musulmanes existent dans ce vaste pays. Ce que le gouvernement cherche à faire, c’est de contrôler ces religions. C’est pourquoi, il a mis sur pied l’Association chinoise des catholiques patriotes afin de diriger les affaires de la communauté catholique. Objection est faite surtout à la reconnaissance de l’autorité du Saint-Siège, cette dernière étant considérée comme une interférence étrangère.
Les catholiques qui désirent maintenir le lien avec le Saint-Siège et l’obéissance au Pape, spécialement les responsables de l’Église comme les évêques et les prêtres, se retrouvent souvent en prison ou sont soumis à une “rééducation”. Néanmoins, des Églises existent en Chine, et des communautés peuvent se rassembler pour le culte.
En Arabie Saoudite, la pratique publique du christianisme est interdite et aucune église n’est autorisée. La position officielle consiste à dire que les chrétiens sont libres de pratiquer leur religion en privé mais aucune réunion publique de culte ne leur est permise. En fait, il y a un contrôle strict de toutes les associations. Bien qu’il y ait des millions de chrétiens en Arabie Saoudite qui sont présents comme travailleurs étrangers, commerçants ou techniciens, toute manifestation chrétienne publique est interdite. Les personnes découvertes avec des bibles ou des publications religieuses en leur possession sont emprisonnées.
Au Maroc, comme dans les pays de l’Afrique du Nord, des églises existent mais elles sont limitées aux étrangers. En Algérie et en Tunisie, il y a quelques chrétiens, natifs de l’endroit, dont l’existence semble être tolérée, bien que les convertis au christianisme puissent être poursuivis et punis. Au Maroc, en particulier, toute forme de propagande chrétienne est considérée comme du prosélytisme et elle est sévèrement interdite.
Au Pakistan, des communautés chrétiennes existent et elles ont la permission de fonctionner, même si elles constituent seulement une petite minorité de la population. Dans ce pays, ce sont les lois contre le blasphème qui donnent lieu à des problèmes. Ces lois peuvent être invoquées pour beaucoup de raisons, et l’opinion publique est facilement contre ceux qui sont accusés d’avoir diffamé le prophète ou désacralisé le Coran.
Le nord du Nigeria a été témoin récemment de multiples attaques contre des églises. Celles-ci semblent avoir été perpétrées par Boko Haram, un mouvement musulman opposé à la culture occidentale. Ce mouvement est en faveur de l’application stricte de la charia. Celle-ci a déjà été introduite dans de nombreux États du nord. Le gouvernement fédéral est blâmé par certains pour négligence et défaillance dans son opposition à Boko Haram, mais il ne peut pas être accusé de persécuter les chrétiens.
En Égypte, la liberté de culte existe et les églises des diverses communautés chrétiennes sont bien fréquentées. Mais on peut dire qu’il n’y a pas de liberté de religion. En effet, il est très difficile, voire presque impossible, pour un Égyptien d’embrasser la foi chrétienne et d’être reconnu officiellement comme tel. Des chrétiens ont aussi souffert de violences. Le gouvernement est accusé de ne pas assurer une protection suffisante. Les chrétiens en Syrie, comme ceux de l’Iraq, sentent qu’ils ne sont pas suffisamment protégés.
En Inde, au Brésil et en d’autres pays d’Amérique latine, des chrétiens sont fréquemment assassinés. Cela arrive à cause de leur engagement en faveur des pau-vres et des opprimés. Ils sont supprimés par ceux qui craignent que leur exploitation du pauvre soit menacée.
La fonction
du dialogue interreligieux
Un des buts du dialogue inter-religieux, ce qu’on pourrait vraiment considérer comme le premier objectif, est de permettre à des personnes de diverses religions de vivre ensemble, dans la paix et l’harmonie. C’est en particulier le but du dialogue de vie « quand des personnes s’efforcent de vivre dans un esprit de bon voisinage et d’ouverture, partageant leurs joies et leurs peines, leurs préoccupations et leurs problèmes humains. » (Dialogue et Proclamation 42). C’est très approprié à notre réflexion parce que, là où des personnes de différentes religions vivent ensemble, non seulement l’une à côté de l’autre, mais comme membres d’une même communauté humaine où règne une atmosphère de respect et de confiance, il leur est plus facile de résister à des influences extérieures qui voudraient susciter des tensions et des violences.
Il ne faut pas penser qu’un tel dialogue de vie se développe automatiquement. Il faut y travailler ; cela demande un effort permanent pour développer une compréhension mutuelle, surmonter des préjugés et construire la confiance.
Il est vrai aussi que des projets qui unissent diverses communautés religieuses peuvent être très utiles en créant une harmonie. Cela nous amène à considérer le dialogue de l’action, lorsque des personnes de différentes religions travaillent ensemble pour promouvoir la justice, la réconciliation et la paix. Un excellent exemple vient de Kaduna, au Nigeria, où un Pasteur protestant et un Imam se sont engagés ensemble dans des missions de réconciliation. Chacun d’eux a combattu en faveur de ses propres ouailles, mais chacun a réalisé aussi que la violence ne ferait que générer une souffrance future. Ils se sont rencontrés, sont devenus amis, et, depuis lors, ils se sont mis à travailler ensemble, aussi bien au Nigeria qu’ailleurs, afin de diffuser leur message de réconciliation. (DVD Le Pasteur et l’Iman)
Une action commune n’est possible que s’il y a un accord sur le but de l’action et sur les moyens qui visent à le réaliser. Cela suppose une discussion préalable. C’est ainsi que nous voyons le besoin de parler et de dialoguer. Les échanges formels au sujet de Justice et Paix peuvent ne pas être entièrement satisfaisants. Ils peuvent apparaître comme de simples gouttes d’eau dans un océan de conflits. Ils aident néanmoins à créer une meilleure compréhension et la volonté de coopérer au maintien de la paix.
Les discussions et les actions doivent être accompagnées de la prière. Ce fut la conviction qui a conduit le saint Jean-Paul II à inviter des chrétiens et des croyants d’autres religions à Assise, en octobre 1986, en vue de prier pour la paix. De telles initiatives peuvent être considérées comme appartenant au dialogue de l’expérience religieuse. C’est une manière de reconnaître que l’assistance d’une puissance supérieure, ou celle de la grâce de Dieu, comme nous le dirions en tant que chrétiens, est nécessaire pour établir et maintenir la paix. La prière doit conduire à l’action. Parfois, cependant, la souffrance est si grande que les mots de nos prières semblent inadéquats et, comme Job, nous sommes réduits au silence. Néanmoins, même ce silence partagé peut être un puis-sant encouragement pour continuer à travailler ensemble en vue de surmonter toutes les manifestations de violence.
Conclusion
Les limites du dialogue interreligieux doivent être respectées. En lui-même, il ne peut pas éliminer les persécutions de chrétiens ou d’une autre minorité religieuse. Il peut cependant aider, en contribuant à une plus grande compréhension et à une mutuelle appréciation, à prévenir que de telles persécutions aient lieu.
Mgr Michael L. Fitzgerald
M. Afr.