« Penser les défis contemporains avec la Bible hébraïque » : la Bible, une ressource pour éclairer l’existence

Critique 

Dans ce livre à quatre mains, deux biblistes montrent l’étonnante actualité des Écritures juives pour faire face aux défis de notre temps.

  • Dominique Greiner, 
« Penser les défis contemporains avec la Bible hébraïque » : la Bible, une ressource pour éclairer l’existence
 
Détail de « Caïn et Abel » par Giovanni Battista.ACTIVE MUSEU/LE PICTORIUM/MAXPPP
       

Penser les défis contemporains avec la Bible hébraïque. Une éthique du bien et du mal

d’Olivier Artus et Sophie Ramond

Odile Jacob, 234 p., 24,90 €

Les textes bibliques, malgré la distance qui nous en sépare, peuvent-ils nous aider à affronter les grands défis de notre temps que sont le changement climatique ou les manipulations du vivant ? Oui affirment Sophie Ramond, religieuse de l’Assomption, enseignante à la Catho de Paris, et Olivier Artus, prêtre et recteur de la Catho de Lyon, dans ce livre accessible. Bien sûr, préviennent les deux exégètes, il ne s’agit pas de lire les Écritures en espérant qu’elles nous livrent « en quelque sorte des recettes pour toute sorte de débats éthiques ou politiques, voire des vérités intemporelles ». Pour tirer profit du texte, il faut d’abord accepter de se laisser dépayser par lui.

En ouvrant le livre, le lecteur est invité à « quitter (son) propre mode de pensée et de représentation », « à quitter le vocabulaire contemporain pour entrer dans la logique du vocabulaire biblique », explique Olivier Artus. C’est à ce dépaysement que nous convient les deux auteurs qui proposent un itinéraire à travers la Bible hébraïque pour réfléchir au bon et au mauvais, des catégories qui ne font plus l’unanimité aujourd’hui, ce qui brouille le discernement. Car si les textes bibliques ne fournissent pas de définition précise du bon et du mauvais, ils n’en cherchent pas moins à débusquer le mal et à le surmonter.

Dénoncer la violence sociale

La question du mal fait irruption avec la violence dès les premières pages de la Genèse. Avec le récit du meurtre d’Abel par Caïn (Gn 4), la Bible envisage la « possibilité » du mal dans un monde qui a été créé bon par Dieu, relève Olivier Artus. Mais elle ne fait pas qu’évoquer la violence individuelle. La littérature prophétique, montre Sophie Ramond, dénonce la violence sociale, conséquence de comportements individuels et collectifs qui ne répondent pas à l’exigence de réaliser le droit et la justice.

Mais, poursuit Olivier Artus, la Bible ne fait pas que débusquer le mal et l’injustice. Elle offre aussi des « stratégies de résistance » pour faire reculer ce qui menace le bon fonctionnement des sociétés et des groupes humains. Elle met « en valeur la résistance d’individus ou de personnages exemplaires, face au mal et à la violence », tel Moïse. Elle contient aussi des textes législatifs qui cherchent à prévenir et à contenir la violence sociale, quitte parfois à contester l’ordre établi. C’est ainsi que le Lévitique en vient à remettre en cause le caractère absolu de la propriété privée…

« Promouvoir l’harmonie dans le monde »

C’est aussi à l’encontre de la terre et des autres créatures que l’homme peut exercer sa violence Là encore, la Bible peut nous éclairer pour faire face à la crise écologique. Elle dit le lien étroit entre le sort de l’humanité et celui de son environnement, ce qui rehausse la responsabilité humaine « de promouvoir l’harmonie dans le monde », souligne Sophie Ramond.

Les écrits de Sagesse et les Psaumes offrent aussi des ressources pour opérer un discernement sur les prétentions de l’homme contemporain à s’affranchir de la finitude et de la mort. « Le propos de ces textes ne convaincra peut-être pas. Il n’en demeure pas moins qu’ils offrent des conditions pour penser l’humain autrement que dans l’optique du projet prométhéen de vaincre le vieillissement et la mort, lequel porte en germe la destruction de ce qu’il prétend améliorer et libérer », conclut la religieuse.

Au final, un livre très pédagogique qui fait découvrir au lecteur non spécialiste comment travaillent des exégètes de métier pour éclairer le présent à partir de textes anciens, tout en invitant chacun à ouvrir les textes bibliques à son tour.