Luthériens et réformés, cinquante ans de communion ecclésiale

Analyse 

En 2023, les protestants issus des dénominations réformée et luthérienne célèbrent les 50 ans de la concorde de Leuenberg, une charte fondamentale qui établit l’unité entre les Églises. Née dans son sillage, l’Église protestante unie de France fêtera cette année ses 10 ans.

  • Matthieu Lasserre, 
Luthériens et réformés, cinquante ans de communion ecclésiale
 
L’Église protestante unie de France (EPUdF) compte 200 000 fidèles et 900 lieux de culte (ici à Lyon, lors de son inauguration en mai 2013).ALEXANDER ROTH-GRISARD/MAXPPP

À l’approche des 50 ans de l’anniversaire de la concorde de Leuenberg, plusieurs pasteurs, théologiens et responsables d’Église ont tenu vendredi 27 janvier une conférence de presse afin de revenir sur cette charte rassemblant plus d’une centaine d’Églises réformées et luthériennes à travers l’Europe.

À cette occasion, ces responsables du protestantisme français ont souligné le dixième anniversaire de l’Église protestante unie de France (EPUdF), issue de la fusion des luthériens et réformés, dans la continuité de la concorde signée en 1973. Avec 200 000 fidèles et 900 lieux de culte, elle est la principale Église protestante en France.

Une communion à l’échelle européenne

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, plusieurs tentatives de rapprochement entre les deux dénominations sont tentées, notamment aux Pays-Bas ou en France, avec les thèses de Lyon en 1968. Au niveau européen, les discussions commencent en 1955, lors d’un synode à Davos. Ce n’est qu’en 1973 que la charte permet de lever les condamnations mutuelles entre luthériens et réformés, notamment concernant la christologie et la double prédestination.

« La concorde de Leuenberg est révolutionnaire pour une raison simple : c’est qu’elle déclare la communion ecclésiale, a expliqué à cette occasion le théologien André Birmelé. Grâce à ce texte, moi pasteur luthérien alsacien, je peux être aussi prêtre anglican à Birmingham et pasteur en Norvège. La charte permet le passage d’une paroisse à l’autre en s’adaptant à la liturgie et la catéchèse locale. »

Tous les signataires sont représentés au sein de la Communion des Églises protestantes d’Europe (Cepe). « Là encore, c’est une grande nouveauté : la communion ecclésiale se fait au niveau continental », ajoute André Birmelé.

Dix ans de l’Église protestante unie de France

Toutefois, si un cadre théologique est donné par la Cepe, pas question pour les signataires de la concorde de Leuenberg de se doter d’un « appareil constitutionnel »« Au niveau local et régional, on laisse la liberté aux gens qui connaissent le terrain, poursuit le théologien. Il y a la communion car nous partageons le même baptême, la célébration du repas du Seigneur, la référence commune à la prédication de Jésus, la louange et la prière, selon le récit de la Pentecôte. »

Au fil des années, plusieurs dénominations adhèrent à la Concorde : les méthodistes en 1997 ainsi que la Communion anglicane dans une moindre mesure (déclaration de Reuilly en 1999), certaines questions éthiques comme le mariage homosexuel étant vivement discutées dans certains pays.

Dans cet esprit, la communion se matérialise sur le terrain par la création de nouvelles structures rassemblant luthériens et réformés, comme l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine (Uepal) en 2006. En France, l’EPUdF est créée en 2013 et fêtera au mois de mai prochain ses 10 ans. Toutes deux sont signataires de la charte fondamentale. « En réalité, nous partageons un travail commun et quotidien, souligne Emmanuelle Seyboldt, pasteure et présidente du conseil national de l’EPUdF. Notamment sur des questions de catéchèse, de liturgie, de formation continue des pasteurs. »

Assumer les différences, empêcher les divisions

Le bilan dressé par les responsables protestants ne masque pas certains points plus négatifs, notamment la baisse du nombre de fidèles et des dons ces dernières années. « Si l’aspect théologique a été le moteur de l’union, il y a sans doute parmi les facteurs contingents des raisons économiques, concède Christian Abecker, président du conseil national de l’Uepal. Cela nous a aussi permis d’avancer et de partager nos ressources. »

« C’est quand nos divergences sont perçues comme des divisions qu’elles nous empêchent d’entendre l’Évangile, résume Emmanuelle Seyboldt. Alors qu’elles devraient être une richesse. »