Écologie : en Terre sainte, penser des pèlerinages alternatifs
De nouvelles propositions de séjours ralentis, respectueux de l’environnement et des communautés chrétiennes locales voient progressivement le jour en Terre sainte.
D’ici au printemps, dix tentes se dresseront au milieu des terres agricoles des Muaddi, une famille palestinienne de Taybeh, le dernier village entièrement chrétien de Cisjordanie, au nord de Jérusalem et à 12 kilomètres au nord-est de Ramallah. Elles seront prêtes à accueillir touristes et pèlerins à la recherche d’une expérience alternative et écologique en Terre sainte. Loin des foules qui affluent sur les lieux saints et plus proches des gens qui la peuplent.
« L’idée est de proposer un hébergement tout confort, mais entièrement écologique et autonome sur le plan énergétique », déclare Fouad Muaddi, à la tête du projet familial qu’il a baptisé Bariye (« sauvage » en français), le mot utilisé dans le Nouveau Testament arabe pour désigner ces lieux éloignés des villes, où Jésus aimait se retirer.
Tourisme de masse
En 2019, avant la pandémie de Covid-19, le pays a accueilli 4,5 millions de touristes – un record –, dont 630 000 pèlerins chrétiens. « Les pèlerinages sont devenus du tourisme de masse. Les groupes ne se rendent que dans les grands lieux saints, sans prendre le temps de rencontrer les autres pierres, celles qui sont vivantes : les chrétiens locaux», regrette Fouad Muaddi qui veut compléter l’expérience des tentes avec des propositions de randonnées, des introductions à l’agriculture et à l’héritage local.
Le jeune chrétien palestinien souligne la pertinence de ce type de pas de côté dans un pèlerinage : « Le christianisme est né ici, dans une campagne palestinienne qui est encore imprégnée des traditions des premiers chrétiens. » Le concept séduit déjà. Les réservations ont déjà commencé pour la saison 2024, dont un groupe de trente pèlerins.
La qualité plutôt que la quantité
Ralentir le rythme, miser sur la qualité plutôt que sur la quantité et offrir des bénéfices pour les communautés locales… Le concept de pèlerinage alternatif n’est toutefois pas neuf. En 2013, Jérusalem, ville trois fois sainte, a tenté de devenir le porte-étendard d’un pèlerinage éthique. Une conférence baptisée « Jérusalem, pèlerinage vert » avait été organisée. Elle était animée par la conviction que les religions ont une responsabilité dans l’éducation à la sobriété. Et que les décisions motivées par la foi sont les plus durables.
Elle avait réuni les représentants des différentes religions dont l’actuel patriarche latin de Jérusalem, Mgr Pierbattista Pizzaballa. « Cela fait partie de l’identité des pèlerinages d’être simples, sobres, et en connexion avec le territoire. Cela requiert cependant de fixer des priorités : il est impossible de vouloir tout visiter, et il faut penser des lieux d’hébergement plus simples que les hôtels», défend toujours l’évêque, en faisant le lien avec l’encyclique du pape Laudato si’, publiée le 18 juin 2015.
Dans un monde où le « vert » et le « durable » relèvent souvent davantage du marketing, c’est tout un modèle qui reste à penser en Terre sainte, alors que la conférence de 2013 n’a pas créé l’émulation escomptée. Les initiatives restent cantonnées à l’échelle individuelle. Quelques agences tentent toutefois de s’emparer du sujet.
Respecter l’environnement et les hommes
Depuis un an et demi, Laurent Guillon-Verne, à la tête de l’agence française Terralto, cherche à proposer des séjours plus respectueux de l’environnement et des hommes. L’agence travaille notamment sur la réduction du nombre de déchets plastique produits lors des voyages (offrir des gourdes, limiter la vaisselle jetable…), ou des circuits alternatifs avec des lieux et des expériences différentes – comme à Hippos-Sussita en Galilée, près du lac de Tibériade.
« Pour que les changements se produisent en profondeur il faut que les hôtels et tous les acteurs locaux se saisissent du sujet. Mais l’écologie est loin d’être une priorité, note cependant Laurent Guillon-Verne. Il y a aussi un travail à faire chez les chefs de groupe. Tant qu’ils n’auront pas vu les bénéfices d’un pèlerinage différent, ils ne passeront pas le cap. »
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Après le Covid, le retour des pèlerins
Les frontières de l’État d’Israël ont rouvert en janvier 2022, après deux années de crise sanitaire, permettant le retour des pèlerins. Ce sont principalement les groupes organisés qui en ont bénéficié, bientôt suivis par les pèlerins individuels. Toutefois, le contexte politique et sécuritaire en Terre sainte, ainsi que les échos de la guerre en Ukraine, n’ont pas permis encore un retour à la fréquentation d’avant Covid-19. Le retour des pèlerins a une incidence directe sur l’économie de la région, notamment à Bethléem, ville de Cisjordanie vivant principalement du tourisme.
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