Islam : mosquées, des pistes pour lutter contre les fermetures de comptes bancaires
Selon une étude, dévoilée le 16 février, 27 % des 118 mosquées interrogées auraient subi au moins une fermeture de compte bancaire. Pour combattre ces incidents, un groupe de travail du Forum de l’islam de France (Forif) a établi un contact suivi avec la Fédération bancaire française.
Entre 2019 et 2021, Faouzi Hamdi se souvient avoir vécu « un vrai casse-tête ». Alors que les travaux de construction de la mosquée de Vaulx-en-Velin (Rhône), dont il est le responsable, avaient commencé, il a appris que le compte bancaire de l’association cultuelle avait été clôturé. Il s’est ainsi trouvé dans l’impossibilité de payer les entreprises et le chantier a dû être interrompu.
Un an plus tard, Faouzi Hamdi parvient finalement à ouvrir un autre compte. Mais celui-ci est de nouveau fermé quelques mois après, de même que le compte de réserve. « J’étais interpellé tous les jours par les entreprises à qui nous devions de l’argent », se souvient-il, assurant que la mosquée n’avait jamais été à découvert auparavant.
22 % des mosquées ont rencontré des difficultés pour ouvrir un compte
Depuis des années, le sujet des fermetures de comptes bancaires préoccupe les mosquées. En juin 2022, le Conseil des mosquées du Rhône était monté au créneau, le recteur de la Grande Mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, allant jusqu’à dénoncer une situation d’« apartheid bancaire. » Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin s’était même saisi du problème, attirant l’attention du ministre de l’économie.
Récemment, le sujet a été pris en main par le groupe de travail « droit et gestion des associations du culte musulman » du Forum de l’islam de France (Forif), la nouvelle plateforme de dialogue entre l’État et le culte musulman. Grâce à une étude réalisée sur 118 mosquées et dévoilée le 16 février, le groupe de travail a pu pour la première fois quantifier le phénomène.
L’étude révèle ainsi que 27 % des associations cultuelles ont vécu une fermeture de compte, et parmi elles, 53 % ont subi deux fermetures ou plus. Les difficultés peuvent démarrer dès l’entrée en relation avec la banque, puisque 22 % des répondants considèrent qu’il leur a été difficile d’ouvrir un compte bancaire, notamment ces quatre dernières années. Enfin, près du quart des mosquées interrogées disent avoir rencontré des difficultés pour déposer des espèces en agence.
Le dépôt d’espèces, nœud du problème
De fait, le problème serait dû en grande partie à ces dépôts d’espèces, qui concernent fortement les mosquées, analyse Sandrine Oddon, membre du groupe de travail à l’initiative de l’étude. Le budget des associations du culte musulman est ainsi constitué à près de 40 % d’espèces, provenant surtout des dons effectués lors des quêtes du vendredi, pendant le Ramadan ou les grandes fêtes.
Ces fonds, par définition non traçables, sont très difficiles à justifier. Or pour les banques, « justifier de l’origine et de la destination des fonds est une obligation réglementaire », explique-t-elle, pointant le nœud du problème : « Comment justifier une quête ? » La non-régularité de ces dépôts d’espèces, beaucoup plus importants pendant le Ramadan ou les grandes fêtes, peut également alerter les banques.
« Établir une bonne communication avec sa banque est essentiel »
Autre cause identifiée par l’étude : le manque de connaissance des « fondamentaux bancaires » des associations du culte musulman. En effet 60 % d’entre elles ne fonctionnent qu’avec des bénévoles, qui, comme dans toutes les associations, ne sont pas nécessairement au fait des bonnes pratiques. « Établir une bonne communication avec sa banque est essentiel. Il faut l’informer des projets importants, tels que les projets de construction, et fournir des justificatifs pour les opérations significatives », illustre Sandrine Oddon.
Pour résoudre le problème, le groupe de travail du Forif a établi en octobre 2022, avec l’appui du ministère de l’intérieur, un groupe de contact avec la Fédération bancaire française et la Direction générale du Trésor. L’objectif étant que « les mosquées connaissent mieux les fondamentaux bancaires, et que les banques améliorent leur connaissance du cadre réglementaire des associations du culte », poursuit Sandrine Oddon.
Un atelier a par exemple été organisé pour présenter à la Fédération bancaire française les différents types de dons possibles dans le culte musulman, et leur périodicité. Deux guides à destination des banques et des mosquées devraient être publiés d’ici à l’été. D’ici là, de plus en plus de mosquées se mettent à utiliser des terminaux de cartes bancaires. C’est le cas de Faouzi Hamdi, qui n’accepte plus de dons en espèces dans sa mosquée.
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Les travaux du Forif salués par Emmanuel Macron
Le Forum de l’islam de France (Forif), créé en février 2022 à l’initiative du ministère de l’intérieur, est la nouvelle instance de dialogue entre l’État et le culte musulman, prenant le relais du Conseil français du culte musulman.
Les participants du Forif ont été identifiés par les préfets lors des assises territoriales de l’islam de France.
Les quatre groupes de travail qui le composent sont dédiés à l’organisation des aumôneries, à la professionnalisation des imams, à la lutte contre les actes antimusulmans, et enfin au droit et à la gestion des associations. Ils ont été reçus le 16 février par Emmanuel Macron, qui a salué leurs premiers travaux.