Abdelwahab Meddeb: face au désastre
Comment laisser des barbares, coupeurs de têtes, égorgeurs d’anges, d’innocents fiers de leur crime, le mettant en scène, le diffusant universellement, comment les laisser sévir, envahir le monde par leur amour de la mort, leur haine de la vie, leur phobie de tout autre, comment les laisser souiller le mot islam et les laisser agir en notre nom?
Comment accepter que le si bon Hervé Gourdel soit sacrifié comme l’agneau mystique? Pourquoi les musulmans ne descendent-ils pas protester en masse dans leur ville? Comment laisse-t-on dans l’impunité le rapt du mot islam, de son usurpation par de tels malfaisants? Comment laisser les trésors de notre legs se dilapider devant un monde ébahi qui assimile le mot islam à ces cruautés théâtralisées pour semer la terreur? Quant à nous, nous estimons que nous avons deux positions à prendre d’urgence, une de circonstance, la seconde de fond. La première consiste à une immédiate protestation, celle qui dit que moi, en tant que musulman, ces horreurs ne peuvent être faites en mon nom. A l’instar de l’initiative «Not in my name», des centaines de milliers d’hommes et de femmes qui ont posté sur les réseaux sociaux leur photo en brandissant le slogan. La seconde, de fond avons-nous dit, consiste à ne jamais cesser de transmettre les merveilles de l’islam en ces temps de désolation. Car une partie de l’antidote à cette peste noire est à trouver à l’intérieur de notre héritage culturel. Comment lâcher en ces circonstances l’immense corpus du soufisme? C’est de son entretien au quotidien que viendrait peut-être le salut. (Source:Leaders/08.19.14/Abdelwahab Meddeb)
Condamner le terrorisme islamiste n’est pas suffisant
Je me souviendrai toute ma vie de ma première réaction quand j’ai appris la nouvelle des attentats du 11-Septembre. De la joie. Malgré moi, durant quelques brèves secondes, de la joie. Une explosion de joie. Les musulmans depuis trop longtemps dans la chute, la déchéance, étaient enfin vengés. L’Occident surpuissant allait enfin goûter à la même amertume, la même peur, la même terreur que nous, que moi.
Je me suis très vite rendu compte de mon erreur. Terrible et terrifiante erreur. Les terroristes islamistes qui avaient commis ces attentats spectaculaires et presque irréels n’avaient pas seulement pour ennemis les Américains et les Européens mais également des millions de simples musulmans comme moi, culturellement attachés à l’islam et ne se reconnaissant, ni dans les paroles de ceux qui le représentent officiellement, ni dans les gestes barbares de ceux, des ignorants, qui ne cessent d’appeler au djihad.
D’où me venaient alors cette joie et cette méprise ? Les musulmans ont besoin, aujourd’hui plus que jamais, d’être courageux et d’arrêter de toujours blâmer les autres pour les malheurs qui s’abattent sur leur tête. Il est temps de se lancer dans une véritable autocritique : sortir de ce tunnel étroit et tellement dangereux où tout est systématiquement vu et jugé à partir d’une vision figée de la religion et de l’Histoire, où tout est nié au service du collectif, le groupe, Dieu.
Il faudra être honnête et reconnaître ceci : plus que le terrorisme islamiste, c’est malheureusement le matraquage de discours religieux vides de sen… (LE MONDE | 08.10.2014/Par Abdellah Taïa)
Khaled Bentounès : “l’état islamique mène une croisade contre l’humanité”
Fondateur des Scouts musulmans de France, le chef spirituel de la confrérie soufie Alawiya n’a pas de mots assez durs pour condamner les atrocités jihadistes. Le cheikh Khaled Bentounès est un infatigable défenseur de l’islam des Lumières. Entre Mostaganem, en Algérie, siège de sa tarika, et la France, ce chef religieux auteur de plusieurs livres sur l’islam œuvre au rapprochement intercommunautaire. Il réagit à la montée de l’extrémisme islamiste : « Il y a certes de l’islamophobie en France, mais ce sont d’abord les extrémistes qui l’alimentent. Les musulmans doivent dire : assez ! Assez que des barbares parlent et agissent en leur nom, défigurent l’islam et foulent aux pieds l’honneur et la dignité de 1,8 milliard de fidèles. Ils ne représentent pas même 0,01 % de l’ensemble des musulmans, mais, par leur barbarie, ils captent l’attention générale. Le problème est que les saints et les assassins se réfèrent au même livre. Certains l’étudient, d’autres l’instrumentalisent. Les barbares autoproclamés “État islamique” (EI) ne se réfèrent au Coran que pour nourrir leur ego. Loin de toute démarche théologique, ils veulent asseoir leur domination. “Nulle contrainte en matière de religion”, nous enseigne le Coran. Ces gens-là font le contraire, ils ont purgé l’islam de sa spiritualité et l’ont transformé en un catalogue de prescriptions. Ce n’est plus l’islam de l’être, mais du paraître. Non plus un projet de vie, mais un projet de mort. (Source: Jeune Afrique/ 08/10/2014/ Par Joan Tilouine
Djihad: qui sont les jeunes recrutés sur internet?
Le discours de l’islam radical touche de plus en plus de jeunes français “endoctrinés” sur Internet, explique Dounia Bouzar du Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam. Quelles sont les techniques utilisées, qui sont les jeunes touchés? La sociologue Dounia Bouzar a fondé le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam (CPDSI). Elle travaille depuis plusieurs mois avec des familles dont les enfants sont partis ou sont susceptibles de partir en Syrie. Le centre s’est ainsi entretenu depuis janvier avec 135 familles dont elle se fait la porte-parole dans le livre Ils cherchent le paradis ils ont trouvé l’enfer (Ed. de l’Atelier). Un livre qui permet de comprendre l’ampleur d’un phénomène en pleine recrudescence. Dounia Bouzar était l’invitée de BFMTV Story dont voici l´entretien (Source : BFMTV/10.10.14/ Écrit par K. L.)
L’Afrique doit exporter son ”islam intégrateur”
L’Afrique peut ”donner l’exemple au monde entier” sur le plan religieux et islamique, si elle réussit à exporter dans les autres pays son ‘’alternative’’ fondée par ”un Islam intégrateur et édificateur”, a soutenu, jeudi à Dakar, le coordonnateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique, le Professeur Bakary Sambe.
‘’Avec un Islam intégrateur et pas destructeur des sociétés et de la jeunesse africaines, le contient pourra donner l’exemple au monde entier sur le plan religieux et islamique’’, a-t-il dit. Le Professeur Sambe s’exprimait lors d’une conférence sur l’Etat islamique (EI). L’objectif de cette rencontre est de ‘’soutenir la mobilisation de la communauté internationale contre les atrocités de ces djihadistes autoproclamés”. Selon lui, les Africains ne doivent pas être ‘’d’éternels consommateurs d’idéologies’’ venant de Lorient et de l’Occident, mais doivent exporter leur ”alternative basée sur la paix’’. ‘’L’alternative africaine est cette manière dont l’Islam a été vécu sur le continent comme un facteur d’intégration et pas un facteur de déstructuration de la société’’, a-t-il expliqué.
Ma réponse à la violence menée au nom d’Allah
L’état lamentable dans lequel se trouve le droit personnel dans les régions sous la coupe des fondamentalistes et des ignorants au sens large est en soi un motif d’exaspération, d’étonnement et de tristesse. D’autant que le paradoxe est terrible, puisque c’est grâce au Coran et à la civilisation de l’islam que nous avons obtenu une interprétation de ce texte par les théologiens des Lumières. Dès le Moyen-Age, le travail d’Al Ghazali laisse penser qu’il y avait un potentiel spectaculaire de tolérance et de respect du partenaire dans la religion musulmane. Me fondant sur ce patrimoine fabuleux, je dis aujourd’hui que nous sommes en train de détruire, massacrer, annihiler, méconnaître toute cette civilisation. Telle est ma réponse à ces fondamentalistes sans foi ni loi, qui osent se réclamer de l’islam…
L’islamisme n’est pas le seul phénomène qui salit l’islam. L’un des premiers signes de malversation à l’égard des textes sacrés est d’extraire un verset coranique de son contexte lexical immédiat. C’est une malhonnêteté à l’égard de ce beau texte. Et c’est ce qui est souvent fait à la fois par les extrémistes mais également par ceux qui veulent critiquer l’islam sans le connaître. Ainsi, priver un verset coranique de son contexte revient à volontairement et sciemment dire le contraire de ce qu’il dit. Les gens à l’extérieur de l’islam manipulent parfois des concepts qu’ils ne maîtrisent pas et les détournent sciemment. Et ceux qui sont à l’intérieur de cette religion et qui s’inspirent d’interprétations contraires à l’islam des lumières se trompent. Ils sont parfois de bonne fois, mais ils se trompent tout de même car il est inclus dans le texte qu’une démarche compréhensive est nécessaire à toute personne qui approche le Coran.
Source : Huffington Post/15/10/2014 Malek Chelbel)