Au Niger, Mgr Cartatéguy veut croire au dialogue interreligieux
Archevêque de Niamey, le Français Mgr Michel Cartatéguy fait le point sur la situation au Niger. Annulées jusqu’à nouvel ordre pour raisons de sécurité, les célébrations dominicales ont repris ce week-end.
« Bonnes et exemplaires », c’est ainsi que Mgr Michel Cartatéguy, archevêque de Niamey, décrivait ses relations avec les musulmans avant les attaques contre des églises et des locaux appartenant à des communautés religieuses chrétiennes, le 16 janvier 2015.
« Je ne sais ce qui s’est passé. Charlie est un prétexte. Tout était planifié, organisé, pensé, étudié… avec des cartes géographiques pour localiser les églises. Quel déchaînement! » écrit-il au Père Claude Nachon, msa, le 23 janvier. De l’église Saint-Augustin, inaugurée fin novembre 2014, l’archevêque de Niamey a rapporté la statue calcinée de la Vierge, car même « sans bras, sans pieds, sans son enfant, sans yeux, sans bouche », on devine encore une forme humaine. Pour elle, il a fait une « grotte » en charbon. Tous les prêtres sont venus prier devant elle et chaque curé des églises brûlées a déposé à ses pieds les cendres de leur édifice. Un moment « très émouvant ».
Mgr Cartatéguy continue à prôner le dialogue avec les musulmans et cite en exemple le cas de l’église de Saint-Michel. Il explique que des jeunes musulmans se sont opposés à sa destruction en se mettant devant la porte d’entrée et en disant: « Si vous voulez tuer nos frères chrétiens, tuez nous d’abord ». « Sur Facebook, poursuit-il, 3000 jeunes musulmans se sont inscrits pour faire une marche vers la cathédrale pour demander pardon. J’ai arrêté la marche car ce vendredi encore pourrait être dangereux mais je les ai félicité pour leur initiative ».
« Notre trésor est porté dans un vase d’argile qui aujourd’hui est brisé et piétiné mais nous allons le remodeler à la flamme de Pâques! » promet l’archevêque de Niamey. (Eglise Catholique en France/26.01.15/)
Pakistan – conversions et mariages forcés légitimés par la haute cour
Contestation et déception chez les minorités religieuses hindoues et chrétienne après une décision de la Haute Cour de la province de Sindh, dans le sud du Pakistan. Le tribunal a en effet légitimé la conversion forcée à l’islam et le mariage d’une mineure hindoue avec un riche musulman qui l’avait prise avec lui. Ainsi que l’a appris Fides, Riaz Sial s’est marié avec la jeune hindoue Angeli Maghward, âgée de 12 ans seulement, après l’avoir convaincue à se convertir à l’islam. Les parents de la jeune fille ont déposé plainte sur la base du fait que leur enfant était encore mineure, remarquant le caractère forcé de la conversion. La Cour a établi la légitimité du tout, retenant valide l’accord signé entre l’homme et la jeune fille. La grande déception des minorités est expliquée à Fides par l’avocat chrétien Sardar Mushtaq Gill : « Nous n’avons aucun problème à admettre la légitimité d’une conversion à une foi différente sur la base du libre arbitre, pas plus qu’à admettre un mariage basé sur la liberté de consentement. Mais lorsque quelqu’un est enlevé, converti de force et contraint à se marier, le tout légitimé par la loi, il est difficile de demander la tranquillité et le silence aux minorités et aux activistes des droits fondamentaux. Nous exprimons toute notre déception et nous ferons recours de toutes les manières possibles ». (PA) (Agence Fides 17/01/2015)
Pas coupables mais responsables
Plusieurs dizaines d’églises et de lieux de culte, notamment évangéliques, ont été incendiés au Niger. Des personnes sont mortes, d’autres, nombreuses, ont été blessées ou ont tout perdu dans des émeutes organisées dans une vingtaine de pays, du Sénégal au Pakistan. Ainsi va le monde : des chrétiens africains paient au prix fort la parution d’un journal français qui tourne systématiquement leur foi en dérision.
Creusons le paradoxe. En France, une bonne partie de la société médiatique, politique et culturelle considère que le christianisme, c’est fini. On peut s’en moquer, on peut lui taper dessus, on peut le présenter comme un épouvantail. Parce que c’est commode. Par paresseuse symétrie entre toutes les religions. Ou juste par habitude. Mais on croit frapper un cadavre, un « christianisme zombie », comme dirait Emmanuel Todd. On pense, ou l’on feint de penser, que cette religion n’a plus rien à voir avec notre culture. Ailleurs, c’est l’inverse. Certains pensent, ou font semblant de penser, que le christianisme, c’est l’Occident et que l’Occident, c’est le christianisme. Allez expliquer ça aux six millions de fidèles qui ont assisté à la messe du pape à Manille, aux Philippines. Allez demander aux chrétiens d’Irak si leur Église est un produit du colonialisme ou de l’impérialisme…
Ce n’est pas le choc des civilisations. C’est le choc des cynismes et des simplismes. Le monde dans lequel nous vivons n’est pas binaire mais pluriel, complexe, intriqué. Pour le meilleur et pour le pire, nous habitons une planète métisse et rapetissée, où les religions et les irréligions se mêlent, cohabitent, s’hybrident,s’affrontent. Des tempêtes universelles naissent sous l’effet papillon de tel ou tel dessin, de tel ou tel symbole. Un trait d’humour amuse Saint-Germain-des-Prés, un Français moyen le prend au second degré. Mais il sera lu à Peshawar ou à Niamey par des analphabètes de l’image, ou par ceux qui veulent les manipuler. Peut-on en faire complètement abstraction ? (Source : La Vie/20/01.15/ JEAN-PIERRE DENIS, DIRECTEUR DE LA RÉDACTION)
Document des évêques sénégalais sur les événements tragiques provoqués par Charlie Hebdo
Attentifs à la mentalité africaine et préoccupés par les événements tragiques survenus en plusieurs pays de l´Afrique, les évêques du Sénégal ont publié (l2 22.01.15) un document sur les « événements tragiques que le monde vient de vivre avec “l’affaire Charlie Hebdo”. Ils pensent que leur publication constitue « une menace grave à la paix sociale, avec des conséquences déplorables, notamment à l’encontre de personnes innocentes ».
Ils se joignent avec joie aux prises de position de beaucoup de chefs religieux, d’intellectuels et de tant d’autres personnes qui se sont prononcés pour condamner « la violence meurtrière du terrorisme et du fanatisme de tous bords qui, sous le couvert de la religion, porte atteinte à la vie des hommes, au nom de Dieu…
Pourquoi manque-t-on d’informations sur Boko Haram?
Le groupe islamiste Boko Haram mène depuis plusieurs mois des raids meurtriers dans le nord-est du Nigeria. Il perpétrait ce qui est probablement son «pire massacre» le 7 janvier, ravageant pas moins de 16 villages dans le secteur de Baga. On lui impute des centaines voire des milliers de morts. Pourtant, certains reprochent aux médias occidentaux de sous-traiter Boko Haram dans les journaux. Quelles explications à cet oubli? Cause trop lointaine? Lauren Wolfe s’interrogeait déjà à ce sujet quand était retombé l’élan international après l’enlèvement de lycéennes nigérianes par Boko Haram et #BringBackOurGirls. Trois raisons se dégagent aujourd’hui:
- «le journaliste le plus proche est à des centaines de kilomètres»
- les inventaires macabres ne font pas bonne publicité.
- Le gouvernement nigérian –et a fortiori les journalistes– ont beaucoup de difficultés à obtenir des informations en provenance des régions attaquées.
(Source: Slate/ 20.01.2015 /Repéré par Bénédicte Le Coz)